Une nouvelle fenêtre sur les plantes du passé

Deux chercheurs de premier cycle de l'Université du Minnesota mesurant un spectre de réflectance sur une feuille pressée.

Deux chercheurs de premier cycle de l'Université du Minnesota mesurant un spectre de réflectance sur une feuille pressée.

Crédit : Jeannine Cavender-Bares | Université de Minnesota

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Des chercheurs de l’Université de Montréal et de l’Université du Minnesota ont conçu un moyen rapide et non destructif d’estimer comment des plantes séchées ont interagi avec leur environnement.

Les armoires et les tiroirs des herbiers du monde entier abritent près de 400 millions de spécimens de plantes séchées. Ces collections ont longtemps servi de registre pour déterminer quelles espèces de plantes existent sur terre et où elles poussent. Mais cachées dans les feuilles, les tiges, les fleurs et les racines séchées se trouvent une mine d’informations sur la façon dont les plantes ont interagi avec leur environnement lorsqu’elles étaient vivantes.

Connaître ces «traits fonctionnels» – des aspects comme la structure des feuilles, leur composition chimique et leur teneur en eau – pourrait aider les chercheurs à comprendre comment les communautés végétales changent au fil du temps et, ultimement, comment nous pouvons aider les écosystèmes à prospérer. Cependant, jusqu’à récemment, la seule façon de révéler ces traits à partir des herbiers exigeait la destruction de morceaux des précieux spécimens.

Mais une équipe de recherche de l’Université de Montréal et de l’Université du Minnesota ont mis au point un moyen rapide et non destructif d’estimer les traits fonctionnels des spécimens d’herbiers, qui pourraient inclure les 635 000 conservés à l’Herbier Marie-Victorin de l’UdeM, la quatrième collection en importance au Canada.

Dans l’étude publiée aujourd’hui dans Methods in Ecology and Evolution, l’équipe décrit comment elle a utilisé une technique appelée «spectroscopie de réflectance», qui évalue la quantité de lumière qu’un matériau reflète à différentes longueurs d’onde pour obtenir les «empreintes digitales» spectroscopiques des feuilles ou spectres.

Étienne Laliberté

Étienne Laliberté

Crédit : Amélie Philibert

«Les herbiers conservent des spécimens de plantes souvent vieux de plusieurs décennies et parfois de plusieurs siècles, explique Etienne Laliberté, professeur de biologie à l’Université de Montréal et coauteur de l’étude. La méthode non destructive que nous avons testée pour mesurer la composition chimique de ces spécimens historiques peut nous informer sur les conditions environnementales passées auxquelles ces plantes ont été exposées et ainsi fournir des données de référence pour évaluer les changements environnementaux actuels et futurs.»

«Loin d’être uniquement des plantes mortes dans des tiroirs moisis, les herbiers font partie des outils les plus importants dont nous disposons pour comprendre l’étonnante diversité de la vie végétale, a ajouté Shan Kothari, coauteur de l’étude et diplômé de l’Université du Minnesota, aujourd’hui chercheur postdoctoral à l’UdeM. Nous espérons que cette technique trouvera sa place parmi les nombreuses méthodes intelligentes et innovantes que les écologistes emploient pour exploiter les herbiers à de nouvelles fins.»

À partir de plus de 600 échantillons de plantes provenant des biomes des forêts tempérées et boréales d’Amérique du Nord, les membres de l’équipe de recherche canado-américaine ont déterminé les spectres de feuilles fraîches et vivantes, de feuilles qui avaient été pressées comme c'est le cas de spécimens d’herbier et de feuilles broyées. Ils ont également mesuré les caractéristiques chimiques et structurelles des feuilles à l’aide de moyens classiques.

Ils se sont ensuite servis des données pour concevoir des modèles qui recourent aux spectres pour estimer les traits fonctionnels et ont évalué la performance des modèles sur de nouveaux échantillons de plantes provenant des mêmes biomes dans la réserve scientifique de l’écosystème de Cedar Creek, près de Minneapolis-Saint Paul. Enfin, ils ont établi dans quelle mesure les spectres pouvaient être utilisés pour distinguer les espèces.

Leurs conclusions:

  • Les spectres de feuilles fraîches ont donné les meilleures prédictions pour les traits relatifs à la structure des feuilles et à leur teneur en eau, tandis que les spectres de feuilles broyées ont donné les meilleurs résultats pour les traits relatifs à la chimie des feuilles.
  • Les spectres de feuilles pressées ont fourni de très bonnes prédictions, se situant généralement entre les spectres de feuilles fraîches et ceux de feuilles broyées. Par exemple, ils ont prédit plus de 75 % de la variation de la teneur en azote des feuilles et plus de 90 % de la variation de la masse foliaire par surface.
  • Les spectres des feuilles pressées et des feuilles broyées ont permis de prédire presque parfaitement l’identité des espèces.

La recherche offre aux écologistes un nouvel outil puissant pour utiliser les collections biologiques afin de comprendre comment les communautés végétales changent au fil du temps et de trouver la meilleure façon de préserver la santé des écosystèmes à l’avenir, a déclaré Jeannine Cavender-Bares, coauteure de l’étude et professeure d’écologie à l’Université du Minnesota.

«Cette étude ouvre la porte à l’utilisation des spécimens d’herbiers du monde entier pour étudier l’évolution des traits fonctionnels au cours de la vie des plantes, a-t-elle ajouté. C’est une avancée très excitante dans l’intégration de l’écologie et de la phylogénétique.»

  • Lonicera villosa, recueilli à l'Institut de recherche d'Hydro-Québec à Varennes

    Crédit : Shan Kothari
  • Viburnum lentago, recueilli au Jardin botanique de Montréal

    Crédit : Shan Kothari
  • Spiraea alba var. latifolia, recueilli au Jardin botanique de Montréal

    Crédit : Shan Kothari

À propos de cette étude

L’article «Reflectance spectroscopy allows rapid, accurate, and non-destructive estimates of functional traits from pressed leaves», par Shan Kothari, Rosalie Beauchamp-Rioux, Etienne Laliberté et Jeannine Cavender-Bares, a été publié le 28 septembre 2022 dans Methods in Ecology and Evolution.

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