Violence à l'écran: risque de difficultés psychologiques et scolaires à l’adolescence

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Une étude démontre que l’exposition des filles et des garçons du préscolaire à des contenus violents à l’écran est associée à des risques de difficultés psychologiques et à scolaires à l’adolescence.

Linda Pagani

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Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

Les résultats d’une nouvelle étude menée par Linda Pagani, professeure à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, montrent que le visionnement de contenus violents à l’écran au cours des années préscolaires est associé à un risque accru de difficultés psychologiques et scolaires à l’adolescence.

L'étude vient d'être publiée dans le Journal of Developmental and Behavioral Pediatrics.

«Il n’était pas clair dans quelle mesure l’exposition typique à de la violence à l’écran durant la petite enfance − un moment particulièrement critique pour le développement du cerveau − pouvait prédire la détresse psychologique et les risques scolaires subséquents», a déclaré la professeure. 

«La détection de facteurs modifiables précoces influençant le bien-être ultérieur de l’enfant est une cible importante pour la santé individuelle et communautaire. L’adaptation psychologique et la motivation scolaire sont des éléments essentiels permettant la réussite de la transition vers l’adolescence. Nous voulions donc examiner l’effet à long terme de l’exposition typique des enfants d’âge préscolaire à des contenus violents à l’écran sur le développement normal au moyen d’indicateurs clés de l’adaptation des jeunes à l’âge de 12 ans», a-t-elle ajouté.

Deux évaluations dans le temps

Pour ce faire, Linda Pagani et son équipe ont examiné l’exposition d’enfants âgés entre 3 ans et demi et 4 ans et demi à de la violence à l’écran rapportée par leurs parents. Puis, elles ont effectué un suivi lorsque les enfants étaient âgés de 12 ans. Lors de ce suivi, les enseignants ont fait part de leurs observations et les enfants ont décrit leurs caractéristiques psychologiques et scolaires à la fin de la sixième année du primaire. 

Contrairement à leurs pairs n’ayant pas été exposés à de la violence à l’écran, les garçons et les filles qui avaient visionné des contenus typiquement violents à la télévision étaient plus susceptibles d’éprouver ultérieurement de la détresse émotionnelle. Ils se sont également sentis moins engagés en classe et ont vu leur rendement et leur motivation scolaires diminuer à la fin de la sixième année du primaire.

«Chez les jeunes, la transition vers les études secondaires représente une étape cruciale du développement. Ressentir de la tristesse et de l’anxiété et avoir des difficultés scolaires tend à compliquer leur situation», a indiqué la chercheuse principale de l’étude. 

Linda Pagani et ses coauteures Jessica Bernard et Caroline Fitzpatrick sont arrivées à ces conclusions après avoir examiné les données provenant d’une cohorte longitudinale d’enfants québécois nés entre 1997 et 1998. L’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec est un ensemble de données publiques coordonnées par l’Institut de la statistique du Québec.

Près de 2000 enfants suivis

Les parents de 978 filles et 998 garçons ont rapporté l’exposition de leur enfant à de la violence télévisée alors qu’il était d’âge préscolaire. À l’âge de 12 ans, les jeunes et leurs enseignants ont évalué leur rendement psychosocial et scolaire, leur motivation et leur participation en classe. L’équipe a ensuite analysé les données afin de désigner tout lien significatif entre de telles difficultés et l’exposition durant la petite enfance à des contenus télévisés violents en s’efforçant d’éliminer autant de biais et d’influences confondantes que possible. 

«Notre objectif était d’éliminer toute condition préexistante provenant des enfants ou des familles qui aurait pu fournir une explication autre ou jeter un éclairage différent sur nos résultats», a souligné la professeure Pagani.

Le temps passé devant un écran est un loisir courant pendant la petite enfance, et certains des enfants de l’étude ont été exposés à la violence. Les difficultés psychologiques et scolaires sont une préoccupation croissante pour les travailleurs de l’éducation et de la santé publique. Selon Linda Pagani, les conditions d’une entrée réussie au secondaire sont enracinées dans la petite enfance.

Une identification aux personnages fictifs

«Les enfants d’âge préscolaire ont tendance à s’identifier aux personnages à l’écran et à croire tout ce qu’ils y observent comme étant réel. Ils sont particulièrement vulnérables aux représentations humoristiques de héros et de méchants utilisant la violence comme un moyen justifié et glorifié de résoudre des problèmes», de dire la chercheuse.

«L’exposition répétée à des séquences d’action rapides entraînant une montée de l’adrénaline et à des effets spéciaux captivants pourrait renforcer leurs croyances et leurs attitudes quant à la pertinence de recourir à la violence dans les situations sociales. L’acquisition de compétences et d’attitudes essentielles erronées promet des difficultés d’adéquation personne-environnement ultérieures à l’école», a-t-elle poursuivi.

«Tout comme être témoin de violence dans la vie réelle, l’exposition récurrente à un monde hostile, violent et rempli de créatures d’apparence grotesque à l’écran pourrait déclencher une réaction de peur et de stress chez les jeunes et les amener éventuellement à percevoir la société comme dangereuse et effrayante. Cela pourrait les mener à réagir de manière excessive dans des situations sociales ambigües», a ajouté Jessica Bernard. 

La coauteure a conclu ainsi: «Durant la petite enfance, le nombre d’heures d’éveil dans une journée est limité. Ainsi, plus les enfants sont exposés à des interactions agressives, plus ils peuvent penser qu’il est normal de se comporter de cette façon.»

«Privilégier une vie quotidienne active et des situations sociales appropriées à ce stade de la vie permet d’acquérir des compétences sociales essentielles qui joueront ultimement un rôle clé dans leur réussite personnelle et économique», de conclure Linda Pagani.

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À propos de l’étude

«Prospective associations between preschool exposure to violent televiewing and psycho-social and academic risks in early adolescent boys and girls» a été publié le 8 novembre 2022 dans le Journal of Developmental and Behavioral Pediatrics par Linda Pagani, auteure principale de l’étude, Jessica Bernard, étudiante diplômée sous sa supervision, et Caroline Fitzpatrick, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le vivre-ensemble, les médias numériques et les enfants: une vision écosystémique à l’Université de Sherbrooke.

Linda Pagani est professeure à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Elle est également chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et au Groupe de recherche sur les milieux d’apprentissage du Fonds de recherche du Québec – Société et culture. Caroline Fitzpatrick est professeure au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de l’Université de Sherbrooke et au département d’éducation de l’enfance de l’Université de Johannesburg.  

Les auteures tiennent à remercier les commanditaires qui financent l’ensemble des données publiques. L’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec a été rendue possible grâce au financement de la Fondation Lucie et André Chagnon, de l’Institut de la statistique du Québec, des ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, du ministère de la Famille, de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, du CHU Sainte-Justine, du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Source: Données compilées à partir du dossier maître final «E1-E22» de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (1998-2019) de l’Institut de la statistique du Québec.

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