On peut prédire les performances cognitives des nourrissons quand ils auront quatre ans

C’est au cours de la première année de vie que les réponses neurologiques à la répétition et à la dissonance s’avèrent le plus prédictives des performances cognitives et comportementales à l’âge de quatre ans.

C’est au cours de la première année de vie que les réponses neurologiques à la répétition et à la dissonance s’avèrent le plus prédictives des performances cognitives et comportementales à l’âge de quatre ans.

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En 5 secondes

À partir des dynamiques cérébrales observées chez des nourrissons, la doctorante Florence Deguire est parvenue à prédire quelles seront leurs performances cognitives lorsqu’ils auront quatre ans.

À partir de données recueillies par électroencéphalogramme (EEG) auprès d’enfants de moins d’un an, il est possible de prédire quels seront ceux qui auront les meilleurs comportements adaptatifs lorsqu’ils atteindront l’âge de quatre ans. 

C’est la principale conclusion à laquelle en est venue la doctorante Florence Deguire au cours de ses travaux de recherche effectués sous la direction de la professeure Sarah Lippé, du Département de psychologie de l’Université de Montréal.

Des tests neuropsychologiques selon l’âge

Florence Deguire

Florence Deguire

Crédit : Courtoisie

Rattachée au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine à l’instar de sa directrice de thèse, Florence Deguire a recruté 120 mères qui ont accepté que leur nouveau-né prenne part à son étude longitudinale d’une durée de 48 mois. 

Dans un premier temps, la chercheuse a testé la capacité des nourrissons, alors âgés de six mois, à effectuer certaines tâches comportementales liées notamment au maintien corporel, à la motricité et au langage. 

Puis, on a mis sur la tête des bébés un casque muni de capteurs d’un EEG. «Les bébés écoutaient et regardaient une vidéo dans laquelle une personne prononce la même voyelle pendant un moment, ponctuée à l’occasion d’une voyelle déviante, et nous observions la réponse neurologique des bébés à cette répétition et à cette dissonance», explique Sarah Lippé. 

Ensuite, les enfants ont été revus à trois reprises, soit à l’âge de 18 mois, 24 mois et 4 ans. Les données étaient obtenues auprès des parents au moyen d’un questionnaire et auprès des enfants au centre hospitalier à partir de tâches permettant de mesurer leur capacité à réfléchir et à faire des liens. Enfin, on recueillait aussi les données par EEG en leur faisant accomplir les mêmes tâches.

Des réponses neurologiques prédictives

Sarah Lippé

Sarah Lippé

Crédit : Courtoisie

Les résultats de Florence Deguire montrent que c’est au cours de la première année de vie que les réponses neurologiques à la répétition et à la dissonance s’avèrent le plus prédictives des performances cognitives et comportementales à l’âge de quatre ans.  

«L’équipe s’est aperçue que, chez les nourrissons de moins d’un an, l’activité cérébrale est à son pic lorsqu’ils détectent une voyelle déviante, car ils sont très attentifs à ce qu’ils voient et entendent, mentionne Sarah Lippé. Toutefois, le stimulus de la voyelle déviante agit moins lorsqu’ils atteignent deux ans, probablement parce que leur cerveau préfère plus de complexité.» 

Ainsi, l’EEG a permis de saisir la sensibilité des dynamiques cérébrales qui constituent des biomarqueurs des trajectoires développementales à venir. 

Par ailleurs, l’équipe de recherche a constaté que, chez certains des bébés dont la croissance cérébrale s’avère anormale, «il y a altération des tâches et du signal électroencéphalographique, qui sont des signatures spécifiques annonciatrices de troubles neurodéveloppementaux, sans que nous puissions toutefois en prévoir l’évolution», ajoute la professeure.

Diagnostiquer plus tôt pour mieux traiter

La thèse de Florence Deguire s’inscrit dans un programme de recherche intersectoriel plus large mené dans le laboratoire de Sarah Lippé, qui s’intéresse tant aux facteurs protecteurs qu’à ceux qui interfèrent dans le neurodéveloppement des enfants, afin d’orienter les trajectoires de soins ainsi que les parcours scolaires.  

Le programme de recherche de Sarah Lippé, portant sur les troubles neurodéveloppementaux tels que la déficience intellectuelle et l’autisme, a permis de démontrer des particularités des signaux cérébraux dans divers syndromes génétiques et idiopathiques et leurs liens avec des traits cognitifs et comportementaux qui nuisent de manière significative à la qualité de vie.  

«Mon équipe investigue actuellement sur la façon dont ces particularités de l’activité cérébrale peuvent être améliorées par des traitements, à travers plusieurs essais cliniques internationaux», précise la professeure. Ainsi, les travaux de Florence Deguire permettent d’envisager la possibilité de détecter les anomalies neurodéveloppementales qui, actuellement, ne sont diagnostiquées que vers l’âge de quatre ou cinq ans. 

«Les résultats que Florence Deguire a obtenus ainsi que nos études en cours nous indiquent qu’il est maintenant possible de désigner les altérations pouvant mener à des trajectoires sous-optimales, ce qui permettra de faire des interventions plus précises auprès d’enfants à risque et d’intervenir plus tôt dans leur vie», conclut Sarah Lippé.

Deux projets de Sarah Lippé obtiennent un financement total de 5,3 M$

Sarah Lippé dirige le projet Track Genetics and AI for Individualised Neural Stratification avec sa collègue Emily Jones, du Birkbeck University College London. Le projet vise à mieux comprendre, à l’échelle individuelle, les déterminants de la réponse à des traitements offerts aux enfants qui souffrent d’autisme ou de déficience intellectuelle. Ce projet est financé à hauteur de 1,2 M$ par la Simons Foundation Autism Research Initiative.  

Par ailleurs, elle et son collègue Guillaume Dumas, ainsi que le Dr Sébastien Jacquemont, du Département de pédiatrie de l’UdeM, codirigent un projet de recherche international destiné à mettre au jour les mécanismes sous-jacents des troubles du sommeil chez les enfants porteurs d’une mutation spécifique entraînant un risque d’autisme.   

Ce projet, qui bénéficie d’un financement de 4,1 M$ également de la Simons Foundation Autism Research Initiative, est mené conjointement avec l’Hôpital pour enfants malades de Toronto, l’Université de Californie à San Diego, l’Université de Californie à Los Angeles et l’Université de Pennsylvanie.  

Grâce à un appareil d’EEG portatif, les équipes de recherche canadiennes et américaines recueilleront à domicile des données sur le sommeil d’environ 500 enfants. 

Source: Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.

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