T’es-tu «game» de socialiser?

En 5 secondes

En faisant jouer des adolescents à des jeux vidéos, Miriam Beauchamp, professeure au Département de psychologie, tente d’optimiser leur prise de décision et leurs habiletés sociales.

Miriam Beauchamp

Miriam Beauchamp

Crédit : Marc Antoine Charlebois

Tricher ou non à un examen. Intimider ou respecter une camarade de classe. Redonner ou garder un portefeuille tombé au sol. Avouer avoir cassé un objet sans témoin pour rapporter le geste ou taire sa culpabilité.

Voilà autant de dilemmes du quotidien auxquels peuvent être confrontés les jeunes. Si ces situations sont somme toute bénignes, elles font néanmoins appel à leur raisonnement sociomoral et peuvent faire émerger des conduites sociales mésadaptées.

Et s’il était possible d’optimiser la prise de décision et les habiletés sociales des adolescents?

C’est ce que s’est demandé Miriam Beauchamp, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, où elle dirige le laboratoire de neuropsychologie développementale ABCs.

La neuropsychologue s’intéresse au développement cérébral, cognitif et social du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent. Depuis 10 ans, elle évalue notamment la maturation des jeunes et leurs comportements sociaux grâce à des tâches sur ordinateur qui requièrent d’indiquer les actions qu’ils accompliraient selon les situations et ce qui justifie leurs choix.

Et voilà que ces milliers de réponses composent aujourd’hui une précieuse base de données servant à la mise au point d’un projet qui sort résolument des sentiers battus.

Immersif et séduisant

Miriam Beauchamp travaille à mieux comprendre les facteurs qui sous-tendent la prise des décisions sociales des jeunes, en plus d’encourager l’acquisition de comportements prosociaux. De plus, elle a toujours eu la fibre innovatrice et le désir de susciter l’intérêt des adolescents.

Elle a imaginé le projet «T’es-tu GAME?», un jeu vidéo qui plonge les jeunes au cœur de conflits sociaux, affectifs et moraux de la vie de tous les jours. Face à chacune des situations présentées, les adolescents doivent effectuer des choix et préciser leur raisonnement.

Puis, grâce à un système d’intelligence artificielle qu’alimentent les réponses obtenues par la chercheuse pendant une décennie, ils reçoivent un score de maturité et une rétroaction pour les aider à améliorer progressivement leurs habiletés sociales.

«Fondamentalement, on voulait se rapprocher de la vraie vie, indique Miriam Beauchamp. Idéalement, on aimerait aller dans les cours d’école pour observer ce que les jeunes disent et font, mais c’est difficilement réalisable. On s’est donc dirigés vers des technologies plus interactives et immersives qui peuvent représenter la complexité des interactions quotidiennes et qui plaisent davantage aux jeunes.»

Les adolescents participent d’ailleurs à l’élaboration du jeu vidéo en partageant leurs expériences de conflits et leurs préférences en matière d’outils technologiques dans des groupes de discussion et des ateliers. Et ils sont loin d’être les seuls collaborateurs à ce projet original.

Briser les silos disciplinaires et cocréer

Inutile de dire que la créativité est la pierre angulaire de «T’es-tu GAME?». D’abord parce que l’élaboration d’un jeu vidéo s’inscrit en rupture avec les approches traditionnelles d’intervention neuropsychologique. Ensuite parce que la démarche entraîne un bouillonnement d’idées.

Le projet allie l’expertise en neurosciences de Miriam Beauchamp à celle de trois autres professeurs de l’Université de Montréal, soit Isabelle Ouellet-Morin (École de criminologie), qui participe à la production du contenu, Louis-Martin Guay (École de design), qui s’occupe du design du jeu, et Aude Dufresne (Département de communication), qui voit aux styles d’apprentissage et aux aspects ludique et pédagogique du jeu.

L’équipe peut également compter sur les connaissances de Roger Nkambou, diplômé en informatique de l’UdeM et professeur à l’Université du Québec à Montréal, qui veille à l’intégration des modèles en intelligence artificielle pour analyser le comportement du joueur ou de la joueuse. Par ailleurs, la mise au point technique du jeu a été confiée à Affordance, un studio québécois de design de jeux vidéos.

Pour s’assurer de tenir compte des besoins et des intérêts des milieux preneurs et des utilisateurs, l’équipe collabore également avec le Centre de services scolaire de Montréal, l’Institut universitaire Jeunes en difficulté, le Programme jeunesse du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et le Centre communautaire du Plateau.

«En partageant leurs perspectives et leurs souhaits, nos partenaires et les jeunes joueurs permettent de préciser le design, le récit et le contenu du jeu, explique Miriam Beauchamp. De plus, cela facilite le transfert des connaissances et l’implantation dans les milieux scolaires et cliniques ainsi que dans les centres jeunesse, là où le jeu pourra devenir un outil pour évaluer et optimiser la compétence sociale des adolescents.»

Sur le même sujet

jeu recherche adolescence