Jeunes victimes d’un AVC: une population laissée-pour-compte

Marika Demers (deuxième à partir de la gauche) entourée de son équipe de recherche et de ses collaboratrices. Elles font toutes partie de la première cohorte du programme Futurs leaders de l'Organisation mondiale de l'AVC.

Marika Demers (deuxième à partir de la gauche) entourée de son équipe de recherche et de ses collaboratrices. Elles font toutes partie de la première cohorte du programme Futurs leaders de l'Organisation mondiale de l'AVC.

En 5 secondes

Cet été, une professeure d’ergothérapie travaillera à l’élaboration d’outils pour aider les jeunes victimes d’un AVC à bien vivre leurs relations intimes malgré les séquelles de l'accident.

Quand on pense à la population touchée par les accidents vasculaires cérébraux (AVC), on imagine souvent des gens âgés. Or, 1 personne sur 10 qui en est victime a moins de 50 ans, une statistique en hausse.

Pour ces jeunes, les conséquences de l’AVC – paralysie, dépression, fatigue, difficultés motrices, troubles de la parole, de la sensibilité et du sommeil, etc. – les suivront pour le reste de leur vie encore active.

Parmi ces incapacités se trouvent également les troubles sexuels, des séquelles plus rarement discutées par les professionnels de la santé, mais considérées comme prioritaires par les personnes atteintes.

Rappelons qu’un AVC peut endommager le cerveau, qui est le siège du désir sexuel, diminuer la concentration (et donc la capacité à être dans le moment présent lors d’une relation sexuelle), rendre difficile la communication avec son ou sa partenaire, troubler la motricité fine et l’endurance et réduire les sensations d’un côté du corps.

Un manque de ressources

Marika Demers, professeure à l’École de réadaptation

Marika Demers, professeure à l’École de réadaptation

Crédit : Université de Montréal

Les répercussions d’un accident vasculaire cérébral sur l’intimité et la sexualité se ressentent donc sur les plans physique, cognitif et social. Pourtant, il semble qu’elles sont peu expliquées aux personnes ayant eu un AVC et que cette lacune touche particulièrement les jeunes, qui ont encore plusieurs décennies devant eux.

Et Marika Demers, professeure à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal, veut y remédier. Dès cet été, l’ergothérapeute élaborera des outils d’information sur l’intimité et la sexualité pour les jeunes ayant eu un AVC, en collaboration avec ces patients.

«Les jeunes qui ont subi un AVC ne se sentent pas épaulés, indique Marika Demers. Une fois que leur réadaptation est terminée, ils sortent du système de santé et ne sont plus suivis. Il est aussi très difficile pour eux d’accéder en ligne à de l’information de qualité adaptée à leur réalité – difficultés de mémorisation et de concentration, troubles de la vision, etc.»

Épaulée par l’Organisation mondiale de l’AVC, Marika Demers compte ainsi créer une page Web et une infographie bilingues qui renseigneront sur les potentiels problèmes sexuels causés par un AVC, en plus d’offrir des solutions. Le tout sera rédigé dans des termes simples, vulgarisés et validés par des personnes qui ont eu un accident vasculaire cérébral.

«À noter que les outils ne donneront pas de solutions clé en main pour tous, précise l’ergothérapeute. Ils encourageront surtout les personnes à parler de leur intimité avec leurs professionnels de la santé et les informeront que ces derniers peuvent les aider, même si la sexualité n’est pas d’emblée une composante privilégiée dans la prise en charge des gens qui ont subi un AVC.»

Le but est d’ensuite pouvoir présenter ces ressources à l’occasion de la Journée mondiale de l’AVC et du Congrès mondial de l’AVC, dont la tenue est prévue en octobre à Toronto.

Une faille dans le système, un besoin d’éducation

Sur un plan plus large, Marika Demers souhaite sensibiliser la population, mais aussi les médecins, les thérapeutes en réadaptation et les urgentologues au fait que l’AVC ne touche pas seulement les personnes âgées. Elle mentionne d’ailleurs les jeunes femmes comme groupe à risque en raison des grossesses et de la prise de contraceptifs oraux.

«C’est méconnu des professionnels de la santé, déplore Marika Demers. Des jeunes se présentent au service des urgences avec des symptômes, mais les professionnels ne pensent pas qu’il puisse s’agir d’un AVC. Le diagnostic n’est alors pas le bon et le traitement précoce essentiel n’est pas donné. Cette méconnaissance a donc des répercussions importantes sur leur santé et leur qualité de vie.»

L’ergothérapeute ajoute que, en plus d’une prise en charge défaillante, la réadaptation n’est pas non plus adaptée aux jeunes. «Le système de santé est pensé pour les gens âgés et ne répond pas aux besoins des jeunes, regrette-t-elle. Ceux-ci ont plus d’énergie, ils pourraient en faire plus, quand on sait que le cerveau est plus plastique en plus bas âge. On ne maximise pas leur potentiel en ne proposant que quelques heures de thérapie par jour et en les soignant dans des centres occupés par des personnes âgées.»

Un problème grandissant

L’accident vasculaire cérébral est l’une des principales causes d’incapacité et de décès dans le monde. Au Québec, environ 20 000 personnes par année en sont victimes. L’Organisation mondiale de la santé considère l’AVC comme un problème majeur de santé publique, évoquant même l’idée d’une pandémie en projetant l’incidence des AVC dans le monde à 23 millions en 2030.

Selon la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, 1,9 million de cellules cérébrales meurent toutes les minutes après un AVC. Chaque minute d’hésitation peut avoir un effet négatif sur les capacités motrices, la vision et la mémoire du patient.