Ugo Gilbert Tremblay: au carrefour du droit pénal, de la philosophie et des neurosciences

Ugo Gilbert Tremblay, professeur adjoint à la Faculté de droit

Ugo Gilbert Tremblay, professeur adjoint à la Faculté de droit

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Professeur à la Faculté de droit de l’UdeM depuis mars dernier, Ugo Gilbert Tremblay s’est façonné un parcours de recherche original combinant le droit pénal, la philosophie et les neurosciences.

Qu’est-ce que la liberté? L’être humain est-il libre ou ses agissements sont-ils déterminés par un ensemble de causes qui échappent à son contrôle? Où se situe la responsabilité des gestes qu’il pose? À partir de quand une personne devient-elle responsable aux yeux du droit? 

Ce ne sont là que quelques-unes des questions fondamentales qu’a abordées Ugo Gilbert Tremblay tout au long de son parcours universitaire qui l’a mené à devenir professeur, en mars dernier, à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. 

«Dès le cégep, j’ai été passionné par les différentes branches du savoir que je découvrais, indique-t-il. Il est devenu très clair que l’université, en nourrissant cette passion, serait pour moi un lieu de prédilection: devenir professeur me permet aujourd’hui de savoir que j’aurai finalement la chance d’y rester très longtemps!»

«Nul ne fait le mal volontairement», dixit Socrate

Ugo Gilbert Tremblay fait d’abord un baccalauréat intégré en philosophie et science politique à l’Université Laval, où il est fasciné par la question de la liberté au sens large du terme. «Quelle place reste-t-il au libre arbitre une fois qu’on a retiré toutes les causes génétiques et environnementales qui expliquent ce que nous sommes?» demande-t-il pour illustrer le dilemme que soulève la notion de liberté. 

De 2012 à 2014, il effectue sa maîtrise en philosophie, cette fois à l’Université de Montréal, où il décide de consacrer son mémoire à la notion de faute involontaire dans l’œuvre de Platon. Le but de ses recherches sera alors d’éclairer ce que pouvait bien vouloir dire Socrate, il y a près de 2500 ans, lorsqu’il affirmait que «nul ne fait le mal volontairement».  

Déjà à ce moment-là, les réflexions d’Ugo Gilbert Tremblay se situent au carrefour de la philosophie et du droit pénal: les notions de faute, de culpabilité, d’imputabilité et de blâme sont au cœur de ses travaux. Sa maîtrise le conduira même à s’intéresser à la loi sur les homicides du législateur athénien Dracon, rédigée vers l’an 621 avant notre ère.

Imputabilité pénale et neurosciences

Un moment charnière dans son parcours a été «l’affaire Turcotte», soit le procès de l’ex-cardiologue accusé d’avoir tué ses deux enfants, en 2009. En 2013, tandis qu’il rédigeait son mémoire, il analyse en détail la décision de la Cour d'appel du Québec, qui a annulé le premier verdict et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Cet épisode le confirmera dans sa vocation d’enseignement du droit pénal en plus de l’amener à nouer des contacts fructueux avec l'avocat de Guy Turcotte, Me Pierre Poupart, auprès de qui il dit avoir beaucoup appris.  

Cet évènement marquant l'a conduit à mettre en place une cotutelle bidisciplinaire en droit (UdeM) et en philosophie (Université de Genève), ce qui lui permettra de devenir docteur en droit et en philosophie au terme de sa soutenance de thèse en 2020. En 2017-2018, au beau milieu de la rédaction de sa thèse, il avait complété un certificat en droit en prenant soin de choisir tous les cours nécessaires à la consolidation du volet juridique de sa formation.  

Ugo Gilbert Tremblay consacre alors ses recherches à la notion de responsabilité criminelle à l’ère des neurosciences. Le cœur de sa thèse consiste à examiner la manière dont l’évolution des connaissances du cerveau risque d’influer sur les fondements mêmes de l’imputabilité en droit pénal. Cette thèse, qui a été publiée récemment en livre aux Éditions Thémis, a remporté en 2021 le prix de la meilleure thèse au Canada toutes disciplines des sciences humaines et sociales confondues.

La criminalisation du discours haineux

Maintenant qu’il est professeur adjoint à la Faculté de droit, Ugo Gilbert Tremblay entend poursuivre ses réflexions sur plusieurs sujets d'actualité brûlants, entre autres la question des répercussions des neurosciences dans le débat sur le discours haineux. «Les multiples croisements entre les sciences et le droit constituent une thématique centrale de mes recherches, où j’explore les conflits susceptibles d’émerger entre les révélations scientifiques et les principes qui structurent le droit», mentionne celui qui vient d’être nommé cochercheur de la nouvelle Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression.  

Celui qui donne cet automne le cours Droit pénal 2 aspire à transmettre une connaissance approfondie du droit pénal tout en suscitant la curiosité des futurs et futures juristes quant aux questions que le droit ne réussit jamais à trancher de façon définitive. Sa vision de l’enseignement fait une place déterminante à l'humilité intellectuelle et à la nécessité d’explorer les différentes facettes d'un problème avec ouverture, en se rappelant sans cesse la célèbre maxime Audi alteram partem

«Ce principe, qui consiste à écouter l’autre partie pour la comprendre, est inscrit aux fondements de la discipline juridique et c’est en même temps une valeur cardinale de la recherche: la beauté du droit réside notamment dans le fait qu’il nous donne accès aux motifs dissidents qui expliquent pourquoi, pour un même problème, il est possible pour les meilleurs esprits d’arriver à des conclusions différentes, dit Ugo Gilbert Tremblay. Cela entraîne l’obligation de rester humble.»