La reconnaissance autochtone dans les aménagements extérieurs du futur CPE

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue de l’intérieur de la cour

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue de l’intérieur de la cour

Crédit : NFOE + EVOQ architectes

En 5 secondes

Le pavillon Marie-Victorin fait présentement l’objet de travaux majeurs, dont la réalisation d’un CPE qui intégrera plusieurs éléments de reconnaissance autochtone dans son aménagement extérieur.

Construit en 1959 par l’architecte Félix Racicot et représentatif des édifices conventuels qu’on retrouve ailleurs au Québec, le pavillon Marie-Victorin fait actuellement l’objet d’une rénovation majeure de nombreux espaces à l’intérieur du bâtiment. En plus du regroupement de plusieurs unités permettant la création d’un pôle des sciences sociales sur le campus de la montagne, un centre de la petite enfance (CPE) accueillera au courant de l’année 2026 les 80 enfants qui occupent présentement le CPE du pavillon J.-A.-DeSève. Avec sa pédagogie axée sur l’accès des tout-petits à la nature, le lien avec la montagne est l’idée principale qui a guidé toute la conception des aménagements extérieurs, qui feront écho aux cultures autochtones.

Une approche consultative et collaborative

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue aérienne du site

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue aérienne du site

Crédit : NFOE + EVOQ architectes

Dès le départ, l’équipe du Bureau de projet ainsi que l’architecte paysagiste Pierre-Luc Tranclé-Armand de l’Université de Montréal souhaitaient promouvoir l’une des orientations déployées par l’établissement dans son plan directeur d’aménagement du campus de 2021: soutenir la reconnaissance autochtone dans les espaces publics et l’environnement bâti du campus de la montagne, par l’inclusion de principes ou d’éléments de la culture autochtone dans des projets d’architecture ou d’aménagement.

L’aménagement de la cour extérieure du CPE poursuit cette intention: à partir de récits et d’histoires racontés par un porteur de savoirs autochtones ayant participé au projet, cet aménagement est le fruit d’une collaboration entre les divers intervenants de la Direction des projets majeurs d’infrastructure, du CPE ainsi que du consortium NFOE + EVOQ architectes. «Ce projet est un exemple concret de travail collaboratif, mais aussi de l’expertise interne développée dans le cadre de grands projets», explique Michelle Beausoleil, architecte et gestionnaire de projet à l’UdeM. «Un des objectifs du plan de 2021 était la mise en valeur de la montagne dans nos projets d’aménagement extérieur et leur intégration respectueuse dans l’environnement paysager du campus. C’est la vision que nous avons proposée dès le départ et que nous nous sommes assurés de conserver tout au long du projet.»

«De notre côté, ajoute la directrice du CPE, Valérie Tremblay, il était important de poursuivre la pédagogie par la nature que nous avons mise en œuvre il y a quelques années et qui s’appuie sur plusieurs principes, entre autres de pouvoir sortir dehors avec les enfants, d’avoir accès à la végétation, de toucher les plantes et même de participer aux plantations, à la cueillette des fruits et des légumes du potager, de transmettre la connaissance sur les végétaux.»

Un concept cocréatif s’est donc développé au fil de rencontres qui ont guidé les choix d’aménagement de Marie-France Turgeon, architecte-paysagiste et conceptrice chez EVOQ Architecture, avec qui nous nous sommes entretenus.

Vers une approche sensible du territoire

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue depuis le stationnement

Pavillon Marie-Victorin, futur CPE, vue depuis le stationnement

Crédit : NFOE + EVOQ architectes

«Ce qui s’est révélé dès nos premiers échanges avec le porteur de savoirs, dit Marie-France Turgeon, c’est l’importance du contact avec les animaux, mais aussi le lien avec la montagne, avec la pierre, avec l’eau, ainsi que la représentation de la roue de médecine, avec ses couleurs jaune, blanche, rouge et noire divisées selon les points cardinaux. Nous voulions inclure tous ces éléments au projet, et avec le reste de l’équipe, il a fallu se demander comment introduire ceux-ci de façon sensible et permanente, au bénéfice des tout-petits.»

Diplômée de la Faculté de l’aménagement de l’UdeM en architecture de paysage et associée chez EVOQ Architecture, Marie-France Turgeon est une experte dans la réalisation de garderies et de centres de la petite enfance, en plus d’être inspectrice agréée d’aires de jeux. Elle a également réalisé de nombreux projets d’envergure sur des sites historiques et travaille avec les communautés autochtones depuis plus de vingt ans. Dès le départ, la contribution d’un porteur de savoirs était essentielle pour l’architecte paysagiste, de même que tout le processus de consultation, d’échange et de prise de décision entre les divers intervenants.

«Le concept qui caractérise ce milieu de vie repose sur trois éléments retenus des échanges entre les divers intervenants, explique Marie-France Turgeon, soit : la reconnaissance du patrimoine paysager et animalier du mont Royal, le lien à la montagne comme territoire porteur de mémoire autochtone et la proximité des enfants avec la nature.»

Animaux, eau et cercle de médecine

«Il y avait une exigence de grande sensibilité, précise Marie-France Turgeon, car plusieurs nations coexistent à Montréal et on ne souhaitait pas représenter un peuple plus que l’autre. L’idée était d’intégrer des animaux au projet et on s’est concentré sur une faune qu’on aurait pu voir ou qu’on voit encore sur le mont Royal aujourd’hui. On a voulu poursuivre l’idée de la relation au territoire, à la montagne, une approche qu’on trouvait plus intégrée et qui a été largement acceptée par tous les intervenants.»

La cour du CPE accueillera, dans ses diverses zones de jeu, des représentations de plusieurs espèces d’animaux qui habitent, ou qui ont déjà habité, cette forêt urbaine qu’est le mont Royal. Des statues animalières de taille réelle et faites de métal – et non de résine ou de composite –, seront fixées dans l’aménagement comme des œuvres d’art. La zone d’accueil révélera ainsi une maman chevreuil de près de 1,20 m de hauteur, accompagnée de son faon; un îlot végétalisé habité par la bernache et par la loutre offrira un coin d’ombre où les enfants pourront s’asseoir et se rafraîchir; un loup placé dans les plates-bandes veillera à côté des plantations; et, enfin, une zone boisée aménagée de rochers et de troncs pour le jeu abritera le lièvre, le renard et le héron.

«La roue de médecine est une autre composante retrouvée dans différentes cultures autochtones et que nous avons jugé essentiel d’intégrer au projet, indique Marie-France Turgeon. Nous avons conçu un espace circulaire où l’on peut se rassembler, raconter des histoires, faire de petites pièces de théâtre avec les enfants, des jeux de rôles et de scène, bref, un lieu de rassemblement et de partage, de mémoire et de transmission des connaissances, et qui rejoint tout le monde.»

Avec quelques marches pour descendre vers le cercle de rassemblement, ce grand espace circulaire en bois sera séparé en quadrants, au centre desquels s’animent les couleurs de la roue de médecine. Les enfants peuvent être assis sur les marches ou sur les pierres pour une activité, tout à côté du loup qui repose dans les plantations.

«L’eau, ou plutôt la réflexion de la lumière sur sa surface, est le dernier élément que nous avons voulu intégrer, ajoute l’architecte paysagiste. Oui, il y aura des jeux d’eau pour rafraîchir les enfants, mais nous nous sommes questionnés sur la meilleure façon d’intégrer ce volet plus complexe dans les aménagements.»

Ainsi, l’élément liquide se transposera dans le reflet captivant du ciel et de la lumière, par le biais de grandes structures verticales dotées de miroirs convexes et concaves. Celles-ci ponctueront l’espace par leur positionnement en cercle, permettant aux enfants de circuler entre elles. L’endos de ces miroirs, situés tout près du cercle de médecine, sera recouvert d’une peinture noire à tableau, afin que les enfants puissent crayonner, créer des œuvres éphémères et, à leur tour, raconter des histoires.

Un aménagement pensé pour les enfants

L’aménagement extérieur du futur centre de petite enfance sera divisé en plusieurs zones:

Zone débarcadère: entrée et accueil des enfants

Maman chevreuil et son bébé veillent sur l’entrée de la cour. Celle-ci s’ouvre sur une zone d’accueil, un lieu de transition permettant l’acclimatation des tout-petits. Cet espace inclura un coin arts plastiques et peinture, avec un espace de rangement et un évier bas pour que les enfants puissent se laver les mains à l’arrivée et au départ. Une rampe d’accès universel et des supports à vélos sont prévus.

Cercle de rassemblement

Des marches sont prévues tout autour de l’espace circulaire. Les enfants pourront s’asseoir sur les marches ou sur les petites pierres, tout près du loup placé dans la plate-bande, à côté des plantations. Un peu plus loin, de grandes structures composées de miroirs convexes et concaves reflètent la lumière du ciel et permettent aux enfants un jeu ludique avec les formes.

Plateau inférieur

Une grande surface agrémentée de jeux d’eau est entourée d’une petite piste de tapis sablé dédiée aux trottinettes, petits vélos et véhicules. Un îlot végétalisé où les enfants pourront s’asseoir et profiter de l’ombre est habité par la bernache et par la loutre. Au bout de la cour, un potager est prévu, à proximité du banc de l’amitié. Près du cabanon et des espaces de rangement, de l’eau sera accessible afin de remplir de petites piscines et d’arroser le potager. Un espace vert agrémenté de pierres et de troncs d’arbres pour le jeu apporte un peu d’ombre tout en abritant un lièvre, un renard et un héron.

Un grand carré de sable pour les 2 à 5 ans et une zone clôturée pour les jeux de ballons des plus grands seront aménagés, dans une progression de jeux calmes à l’entrée de la cour vers des jeux plus actifs et dynamiques à l’arrière de la cour.

Zone poupons

Des maisonnettes sont prévues pour les poupons, accompagnées d’un carré de sable et d’un muret pour qu’ils puissent se mettre debout et voir les plus grands.

Végétation

Les plantations prévues incluront des bleuets, des fraises, de l’agastache, de l’origan : que des vivaces ou des arbustes que l’on peut manger!

Saison hivernale

Certains équipements seront retirés durant l’hiver pour permettre la glissade hivernale. Toutes les zones de jeu extérieures ainsi que l’entrée bénéficieront d’un éclairage pour les soirs d’hiver ou lorsque le soleil se couche tôt, afin de pouvoir utiliser les installations même en hiver.