«Cela nous fait vraiment connaître»

Katherine Frohlich

Katherine Frohlich

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

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La professeure Katherine Frohlich parle de son nouveau rôle de directrice scientifique de l’ISPP, dans le cadre duquel elle gère plus de huit millions par an de fonds fédéraux alloués à la recherche.

Au Canada, 13 instituts de recherche scientifique sont financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), l’agence fédérale créée en 2000 pour financer ce secteur d’activité. Chacun dispose d’un budget annuel d’environ 8,4 M$, et l’un d’entre eux est désormais dirigé par une professeure de l’Université de Montréal.

En septembre 2023, Katherine Frohlich a entamé un mandat de quatre ans à titre de directrice scientifique de l’Institut de la santé publique et des populations (ISPP), avec la possibilité d’être reconduite dans ses fonctions pour quatre autres années à compter de 2027.

Katherine Frohlich est professeure en promotion de la santé au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’UdeM (ESPUM) ainsi que chercheuse associée au Centre de recherche en santé publique, affilié à l’UdeM.

La mission de l’ISPP est de soutenir la recherche axée sur les interactions biologiques, sociales, culturelles et environnementales qui influent sur la santé des personnes, des collectivités et de l’ensemble de la population, et d’appliquer ces connaissances par le biais de partenariats stratégiques et de programmes pour le financement de la recherche.

Son objectif global est de contribuer à améliorer la santé des personnes et de promouvoir l’équité en santé au Canada et dans le monde grâce à la recherche et à son application aux politiques, aux programmes et aux pratiques en santé publique et dans d’autres secteurs.

Avant l'ouverture officielle des bureaux de l’Institut à l’ESPUM, nous avons demandé à Katherine Frohlich, chercheuse spécialisée dans la réduction des inégalités sociales de santé chez les jeunes citadins, de nous parler de son nouveau rôle.

Vous occupez votre nouveau poste depuis septembre. Qu’avez-vous accompli depuis?

Les huit derniers mois ont été riches en démarches fructueuses. Tout d’abord, nous avons créé mon équipe: elle est formée de cinq nouvelles recrues et deux autres arriveront prochainement.

Ensuite, nous avons actualisé le Plan stratégique 2022-2026, hérité de mon prédécesseur, qui donne la priorité à quatre domaines de recherche – les systèmes de santé publique, la santé publique mondiale, les villes en santé et la science de l’équité –, que nous appelons maintenant «Agir en amont» et qui s’articule autour des déterminants structurels de la santé.

Enfin, nous avons créé trois nouvelles possibilités de financement: une qui a trait à la justice climatique, une aux déterminants structurels de la santé, pour laquelle nous avons déjà recueilli quatre millions de dollars d’investissement de la part d’autres instituts des IRSC, et une autre aux politiques favorisant la santé en milieu urbain, qui comporte un atelier à Helsinki, en Finlande, en 2025. Dans l’ensemble, nous avons été très occupés à essayer de financer les chercheurs et chercheuses grâce aux fonds des IRSC et à susciter l’enthousiasme autour de nouvelles initiatives de recherche.

Quelles sont les priorités qui, selon vous, changeront au cours de votre mandat?

Selon la tradition des IRSC, chaque nouveau directeur ou nouvelle directrice d’un institut effectue une série de consultations, parcourant le pays d’un océan à l’autre, écoutant les parties prenantes dans les universités et les collectivités locales, cernant les lacunes et déterminant les domaines dans lesquels la communauté de recherche estime que l’argent doit être investi. Je ferai cette série de consultations cet automne ou cet hiver, et ce que nous y apprendrons nous aidera à élaborer notre plan stratégique pour 2027-2031.

Nous nous doutions que la justice climatique jouerait un rôle important. Je militais pour la recherche sur les effets des changements climatiques sur la santé avant même de commencer mon mandat et je sais qu’on est très nombreux à souhaiter que davantage de travaux de recherche soient menés dans ce domaine, tant à l’échelle mondiale que sur la scène nationale. Dans le Nord, l'insécurité alimentaire touche les Inuits, qui dépendent du phoque, du caribou et d'autres petits animaux pour survivre et jouir de la souveraineté alimentaire, tous ces éléments étant affectés par les changements climatiques. De même, dans le Sud, l'exposition à la chaleur dans les grandes villes est un effet majeur du réchauffement de la planète, touchant de manière disproportionnée les personnes âgées et les très jeunes qui vivent dans des zones surpeuplées où il y a beaucoup de trottoirs et peu d'espaces verts.

Que gagnera l’UdeM à accueillir le siège de l’ISPP pour les prochaines années?

De la visibilité. Les IRSC sont au Canada ce que les National Institutes of Health sont aux États-Unis. Le fait d’avoir un de leurs instituts ici assure à l’Université de Montréal un incroyable rayonnement, car tandis que je parcours le pays et le monde, je fais connaître son nom. Aussi, le fait d’être sur le campus me permet de partager mes connaissances sur les IRSC et sur le gouvernement avec la communauté universitaire et avec tous ceux et celles qui le demandent. Bien sûr, il y a certaines choses dont je ne peux pas parler avant qu’elles soient annoncées, comme des possibilités de financement précises qui vont s’ouvrir, mais je peux certainement transmettre toutes les connaissances que j’ai sur la façon dont le système fonctionne, parler de la direction que nous désirons prendre ou de ce qu’impliquera, d’après moi, le nouveau budget fédéral pour les universités. C’est une relation privilégiée dont notre communauté peut – et devrait – profiter.

Dernière chose que les gens devraient savoir: bien que je sois anglophone, je suis une fervente défenseuse de la langue française et je plaide en faveur de l’utilisation du français dans nos réunions avec mes collègues du reste du Canada. Le français est terriblement négligé en dehors du Québec, je me bats pour lui tout le temps et c’est plus facile pour moi de le faire maintenant que je dirige l’Institut.

Que doit retenir le grand public du travail de l’ISPP?

Nous savons tous à quel point la santé publique est importante aujourd’hui, grâce en partie à la pandémie. Avant la COVID-19, la plupart des gens n’avaient aucune idée de ce que nous faisons. Il est très important d’avoir l’argent nécessaire pour financer la recherche afin de favoriser le développement de la santé publique. Avec les bonnes connaissances, nous serons en mesure de répondre rapidement aux grands problèmes de santé publique de nos sociétés, d’anticiper et de trouver des solutions, d’innover autour de ces questions. En fin de compte, nous serons tous, où que nous soyons, en meilleure santé et plus heureux.