Le télétravail favoriserait la productivité et l’innovation, selon une étude

  • Forum
  • Le 8 mai 2020

  • Martin LaSalle
Près de 4 personnes sur 10 (39 %) sont disposées ou très disposées à continuer le travail à domicile lorsque les mesures de confinement seront levées.

Près de 4 personnes sur 10 (39 %) sont disposées ou très disposées à continuer le travail à domicile lorsque les mesures de confinement seront levées.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Des salariés plus productifs, plus innovants et prêts à poursuivre le télétravail après le confinement, selon les résultats préliminaires d’une étude sur l’adaptation au travail à distance.

Près de 4 personnes sur 10 (39 %) sont disposées ou très disposées à continuer le travail à domicile lorsque les mesures de confinement seront levées. Elles sont toutefois presque aussi nombreuses (37 %) à être peu ou pas du tout enclines à poursuivre le télétravail lorsqu’elles pourront retourner au bureau.

C’est là l’une des tendances qui se dégage de l’analyse des données préliminaires d’une recherche portant sur l’adaptation au travail à distance en contexte de pandémie, à laquelle 1614 personnes ont participé du 4 au 17 avril.

Cette recherche, qui est toujours en cours et à laquelle tous les employés en télétravail sont invités à prendre part (voir l’encadré), est menée par Tania Saba et Gaëlle Cachat-Rosset, de la Chaire BMO en diversité et gouvernance de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. L’étude a été élaborée en collaboration avec des chercheurs et chercheuses de l’Université Laval et de la Toulouse Business School, en France.

La présente analyse repose sur des données préliminaires obtenues d’un groupe de répondants composé à 75 % de femmes et à 25 % d’hommes, la plupart originaires du Québec. Âgés de 40 ans en moyenne, 85 % possèdent un diplôme universitaire et 70 % travaillent dans les secteurs public et parapublic.

Certains travailleurs plus productifs

Tania Saba

Crédit : Gaëlle Vuillaume

Les données indiquent que le tiers des répondants estiment que leur productivité a augmenté depuis qu’ils doivent travailler à distance, même si plus de la moitié des participants effectuent du télétravail en même temps qu’une autre personne à leur domicile.

Les personnes qui se disent plus productives sont, en général, âgées de plus de 40 ans et doivent consacrer moins de temps à des obligations familiales ou autres.

«Il est intéressant de souligner qu’il y a autant d’hommes que de femmes parmi les gens qui se sont dits plus productifs, précise Tania Saba. Il apparaît faux de prétendre que seules les femmes privilégient le télétravail pour parvenir à concilier le travail et la vie personnelle. Les motifs sont plus complexes et plus diversifiés.»

De surcroît, ceux qui ont vu leur charge de travail augmentée par le télétravail se sont déclarés plus productifs. Le travail à distance s’est révélé comme un moyen pour mieux gérer le temps et le volume de travail accompli.

Par ailleurs, la connaissance des technologies de l’information et le fait d'être bien outillé pour travailler à distance constituent des facteurs importants favorisant une meilleure productivité, selon les répondants.

En revanche, les personnes qui se sentent isolées et loin des centres de décision ont affirmé être moins productives depuis qu’elles font du télétravail. «Cela relève tout autant de l’isolement organisationnel que de l’isolement social, lié au fait de ne pas voir ses collègues», poursuit Mme Saba.

De même, une baisse de productivité a été signalée par ceux dont les tâches à accomplir dépendent de la capacité de travail des collègues.

«Ce sont là des éléments sur lesquels les organisations pourront agir si elles souhaitent accroître le télétravail, par exemple en créant des forums réguliers d'information et de consultation», illustre la professeure de relations industrielles.

La résilience, source d’innovation!

Un peu plus de la moitié des participants ont dit avoir trouvé ou créé des solutions technologiques pour résoudre des problèmes liés à leur travail.

Ces personnes qui ont manifesté un sens de l’innovation sont souvent plus jeunes, ce sont des hommes plus que des femmes qui sont plus scolarisés que la moyenne.

Les innovateurs sont aussi ceux qui ont eu à surmonter des difficultés et qui ont su faire preuve de résilience, estime Tania Saba. Ils ont ainsi trouvé le moyen de concilier le télétravail avec des responsabilités familiales et personnelles, expérimenté des solutions pour mieux travailler en équipe ou dû relever le défi d’effectuer de nouvelles tâches.

C’est dans les plus petites organisations et les équipes plus restreintes que les répondants disent avoir le plus innové, probablement parce qu’ils recevaient moins de soutien de leurs organisations et devaient compter sur eux-mêmes pour réaliser le travail.

«D’ailleurs, la modification des tâches, entraînée par le travail à distance, a été l’aspect le moins apprécié des nouveaux télétravailleurs, mais elle a été une source d’innovation pour eux», remarque Gaëlle Cachat-Rosset.

Oui au télétravail après la pandémie, mais…

S’ils avaient le choix de continuer de télétravailler ou de retourner au bureau après la crise, que préféreraient les répondants?

À cette question, 39 % se sont déclarés plutôt ou tout à fait en faveur de la poursuite du télétravail, 37 % plutôt ou pas du tout en faveur et ‒ entre les deux ‒ 24 % se sont montrés indécis.

Tant chez les hommes que chez les femmes, les plus disposés à télétravailler après le confinement sont en général plus âgés et ils sont plus nombreux à devoir consacrer plus de temps à leurs responsabilités familiales ou autres.

«Le télétravail continue d’être considéré comme une bonne avenue pour concilier travail et vie personnelle, qu’on soit un homme ou une femme: il est donc faux de croire que le télétravail intéresse davantage les femmes que les hommes!» lance Mme Saba.

Autre fait intéressant à noter: environ 50 % des répondants n’avaient jamais ou presque jamais fait de télétravail avant le confinement! Parmi eux, le tiers est d’accord ou tout à fait d’accord pour continuer le travail à distance après la crise. Seuls 19 % ne sont pas du tout d’accord pour continuer dans cette voie. Et 47 % hésitent à se prononcer pour ou contre le télétravail comme nouveau mode d'organisation de leur emploi.

Enfin, parmi les conditions qui favorisent la poursuite du télétravail suivant la crise de la COVID-19, il semble que le plaisir croît avec l’usage: ceux qui ont commencé à travailler à distance dès le début de la crise ont plus tendance à vouloir continuer après. Ceux qui l’avaient expérimenté avant la crise aussi. Le savoir technologique est un facteur déterminant sur ce plan.

«Ce sont les résultats préliminaires de la première vague de réponses que nous avons obtenues et de nombreux autres aspects resteront à analyser à mesure que les prochaines vagues suivront», conclut Tania Saba.

Comment vivez-vous votre expérience de télétravail?

Pour faire avancer les connaissances sur l’adaptation au travail à distance, partagez votre expérience de télétravail en prenant part confidentiellement à l’étude que dirige Tania Saba.

Pour ce faire, il suffit de vous rendre sur le site Web de l’étude, qui en explique la démarche et qui mène à un questionnaire qui ne prend que 10 minutes à remplir (en version française ou anglaise).

Pour alimenter l’analyse, n’hésitez pas à remplir le questionnaire toutes les trois semaines ou plus, à votre discrétion.