Danielle Labbé veut contrer l’isolement

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  • Le 5 août 2020

  • Catherine Couturier
Danielle Labbé

Danielle Labbé

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de la Faculté de l’aménagement, Danielle Labbé a décidé de créer un cours en ligne pour briser l’isolement des étudiants en rédaction.

Comment la transition vers l’enseignement à distance s’est-elle passée?

Comme je n’enseignais pas cet hiver, je n’ai pas eu à transformer mes cours pendant le semestre. J’ai cependant créé un cours en format intensif en ligne pour le semestre d’été. Cet atelier de rédaction voulait soutenir nos étudiants et étudiantes inscrits à la maîtrise et au doctorat.

Comment vous est venue l’idée de créer ce cours?

J’ai eu des rencontres informelles avec des étudiants et étudiantes qui étaient en rédaction. Plusieurs ont souligné les difficultés de rédiger en confinement : le stress, l’incertitude, le fait d’être encore plus isolé que d’habitude… La rédaction reste un travail très solitaire, mais la pandémie a amené un élément d’isolement supplémentaire. Ça entraînait aussi une perte de sens : des étudiants et étudiantes me disaient que c’était difficile de travailler sur leur « petit projet pointu » alors que des choses beaucoup plus urgentes se passaient dans la société. Ils avaient des problèmes de concentration, que ce soit à cause du stress, ou parce qu’ils avaient des enfants tout à coup à la maison, ou encore n’avaient plus accès à leur espace de travail habituel et aux interactions avec les collègues dans les corridors. Bref, les étudiants et étudiantes rencontraient toutes sortes de problèmes liés à la rédaction, pas en soi très différents de ceux rapportés habituellement, mais qui étaient exacerbés par les nouvelles circonstances.

Quel était l’objectif de l’atelier?

Je voulais depuis longtemps mettre en place un atelier de rédaction, parce que les étudiants et étudiantes de la Faculté de l’aménagement n’ont souvent pas beaucoup d’expérience en rédaction aussi substantielle. Celui-ci se voulait un forum de discussion sur le rapport à la rédaction et les façons de l’améliorer (se structurer, organiser son écriture), pour que ce soit plus serein, productif et créatif. Je voulais surtout créer un espace en ligne qui permette aux étudiants et étudiantes de se retrouver pour discuter, partager leurs bons coups et leurs moyens pour surmonter les obstacles. Le fait de savoir que les autres vivent la même chose rassure. À ma grande surprise, 17 étudiants et étudiantes de maîtrise ou de doctorat se sont inscrits. Certains étaient en début de parcours et voulaient s’outiller, d’autres étaient plus avancés.

Est-ce que c’était votre première expérience d’enseignement à distance?

Oui, c’était vraiment la première fois que je faisais un cours 100 % en ligne. Toutefois, mes cours sont construits en classe inversée; je me suis rendu compte que ce modèle se prêtait particulièrement bien à la formule en ligne parce qu’il réduit la part de l’enseignement magistral. Les étudiants et étudiantes font le gros du travail de défrichage de la matière avant le cours, et on part de là ensemble en classe pour déterminer et comprendre collectivement les idées et les questions clés.

Quelle formule avez-vous utilisée pour l’atelier?

La session d’été étant intensive, nous nous sommes rencontrés sur Zoom deux fois par semaine. Les étudiants et étudiantes avaient un texte à lire avant chaque séance et devaient produire une entrée de blogue partagée par tous sur le StudiUM du cours. À partir de ces réflexions, je construisais la discussion pour l’heure et demie qu’on avait ensemble. Il est certain que les réactions sont moins spontanées quand on est sur Zoom et qu’on aurait eu des discussions plus animées si on avait été autour d’une table à l’Université. Mais ça a tout de même très bien fonctionné.

Croyez-vous que d’avoir spécifiquement créé un cours en ligne plutôt que d’adapter un cours en présentiel a contribué à la réussite de cet atelier?

En effet, le fait de savoir que le cours allait se donner en ligne au moment de le concevoir m’a permis d’intégrer dans sa structure et dans l’approche pédagogique les meilleurs conseils et pratiques au sujet de l’enseignement en ligne tirés des formations que j’ai suivies au Centre de pédagogie universitaire (CPU) en mai.

Quels sont les défis de l’enseignement à distance?

Comme on était déjà au mois de mai, tout le monde avait un peu fait des Zoom, et les étudiants et étudiantes étaient donc très à l’aise. Pour les professeurs, un des défis reste de penser le rythme de l’enseignement. Même si c’est une séance courte, il faut penser à la cadence des activités et à leur nature pour augmenter la participation et l’interactivité. On le voit, il est facile de décrocher durant une séance sur Zoom; ça exige de la part des professeurs de garder la séance très vivante.

Quels sont les enjeux spécifiques liés à l’enseignement de l’urbanisme à distance?

Ça n’a pas été mon expérience personnelle, mais dans toutes les disciplines de la Faculté, les cours de design se donnent dans de grands locaux avec des tables à dessin, et où l’enseignement n’est pas du tout magistral. Les étudiants et étudiantes travaillent tout au long de la session sur un projet fictif, que ce soit en design industriel, en architecture, en urbanisme ou en architecture de paysage. L’interaction avec les professeurs se fait autour d’un support physique, ce qui est drôlement compliqué à reproduire à distance.

Comment envisagez-vous la session d’automne?

Je donne deux cours, un séminaire en petit groupe et un cours théorique. Le cours théorique à la maîtrise sera peut-être plus difficile à transformer en cours en ligne, mais il est déjà construit en classe inversée. Je veux aussi expérimenter avec le logiciel Perusall, que je voulais essayer depuis longtemps. Ce logiciel d’annotation de textes collaboratifs permet aux étudiants et étudiantes d’annoter un texte, de poser des questions et de « dialoguer » virtuellement avec les autres lecteurs. Le logiciel génère ensuite un rapport qui m’indiquera les passages les plus commentés, et nous partirons de ces zones floues pour discuter. Ça permet de se mettre en dialogue à distance autour d’un texte.

Avez-vous des trucs ou des recommandations pour vos collègues?

Mon conseil principal serait de ne pas avoir peur d’essayer, de faire des tests avec des outils technopédagogiques et des approches, tout en étant franc avec les étudiants et étudiantes. Je pense que tout le monde comprend qu’on est en période d’expérimentation. Il faut laisser un peu aller nos préconceptions, ne pas partir avec une idée toute faite de la valeur ou du défaut de la formation en ligne avant d’essayer des choses. Après on fera le ménage. On devrait, finalement, se comporter comme des chercheurs : faire des expériences et avoir des données probantes, à petite échelle, avant de tirer des conclusions.

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