L’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants veut comprendre et limiter les effets de la pandémie sur les jeunes

En 2017, tous les enfants qui fréquentaient la maternelle à temps plein au Québec – soit environ 80 000 élèves - avaient participé à l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, réalisée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

En 2017, tous les enfants qui fréquentaient la maternelle à temps plein au Québec – soit environ 80 000 élèves - avaient participé à l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, réalisée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

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L’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants a reçu cinq millions du FRQSC pour étudier les effets de la pandémie sur les enfants en vue de rendre les interventions plus efficaces.

Comment vont les enfants après plus d’un an de pandémie? On ne le sait pas trop, à vrai dire, parce qu’on ne les entend pas. Mais on se doute que certains vivent de grandes répercussions psychosociales et éducatives dont la portée pourrait continuer de se faire sentir à plus ou moins long terme.

«Manquer trois mois d’école au printemps 2020, puis vivre plusieurs fermetures de classe pendant l’année 2020-2021 peut avoir des effets sur les apprentissages, et la littérature scientifique qui émerge sur le sujet montre que c’est le cas chez les groupes les plus vulnérables», explique Sylvana Côté, directrice de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants, qui vient d’obtenir cinq millions de dollars du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC).

Or, pour connaître les conséquences de la pandémie sur les apprentissages, il faut évaluer ces derniers. Si certains pays ont maintenu les épreuves standardisées, ce n’est pas le cas du Québec, où les examens ministériels ont été annulés en 2020 et en 2021.

Créer des données

Sylvana Côté

Crédit : Vadim Daniel

Pour créer des données aux fins de comparaison, l’Observatoire a donc décidé de faire passer l’examen ministériel en lecture à certains élèves. En 2017, tous les enfants qui fréquentaient la maternelle à temps plein au Québec – soit environ 80 000 élèves – avaient participé à l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle, réalisée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Ce sont donc ces mêmes jeunes, rendus en quatrième année du primaire, qui ont été ciblés pour passer cet examen. Un appel à tous a été lancé à leurs enseignants.

«Nous voulions recruter 300 enseignants et enseignantes, mais ils ont été pas moins de 600 à répondre à l’appel; alors, avec le ministère de l’Éducation, nous essayons d’accommoder tout ce monde pour qu’à la fin juin près de 12 000 élèves de neuf ans dans toutes les régions du Québec aient fait l’épreuve ministérielle en lecture», indique Mme Côté, qui est professeure titulaire au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.

Ces examens ne comptent évidemment pas dans le bulletin, alors les enseignants motivent leurs élèves d’autres façons. «La réaction des écoles est extraordinaire et les enfants sont fiers de créer des données pour la science», se réjouit la chercheuse.

Une fois ces données créées, on pourra les comparer avec les résultats de l’épreuve ministérielle de 2019. «Cela nous permettra de voir où en sont les élèves de différentes écoles et de types de classes variées en lecture, qui est une compétence cruciale parce qu’elle a une grande incidence sur les apprentissages dans les autres matières», ajoute-t-elle.

Mieux intervenir auprès des enfants

C’est en réfléchissant à la relance de l’économie postpandémique à l’été 2020 que le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, et le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec ont réalisé que les enfants auraient de grands besoins.

«Des économistes font des simulations pour évaluer l’influence des pertes au chapitre des apprentissages sur le PIB des pays et les conséquences peuvent être majeures, remarque Sylvana Côté. Comme la pandémie n’a pas frappé tout le monde de la même façon, les inégalités socioéconomiques risquent aussi de s’être creusées de façon marquée. On veut limiter au maximum les effets de la pandémie en mettant en place des initiatives pour soutenir le développement de l’enfant.»

Les interventions pourront être de tous genres, comme l’instauration de services, la mise en œuvre de programmes de prévention, l’introduction d’innovations sociales, etc. Par exemple, le ministère de l’Éducation travaille actuellement sur différentes mesures de rattrapage pour les jeunes, comme le mentorat. «Pour que les interventions soient bien adaptées aux besoins des élèves et donc efficaces, il faut savoir où sont les problèmes et quelle est leur ampleur», précise Mme Côté.

Travail interdisciplinaire

Pour s’attaquer à ces grands enjeux de société, l’équipe de l’Observatoire travaille sur quatre axes principaux: éducation, santé mentale et bien-être, infection et immunité ainsi que saines habitudes de vie. Les axes transversaux sont le développement économique et l’innovation sociale. Des experts de différentes disciplines et de différentes universités y unissent donc leurs forces.

«Avec des chercheurs en infectiologie, immunologie, biostatistique, éducation, économie, psychologie et psychoéducation notamment, l’interdisciplinarité est vraiment centrale dans notre travail», affirme la directrice.

L’Observatoire travaille également de près avec le gouvernement, dont l’ISQ, pour rendre accessible et plus facilement utilisable un ensemble de données en vue d’améliorer l’élaboration d’interventions.

«Nous avons la chance de pouvoir compter au Québec sur des données administratives qui concernent l’ensemble de la population, donc sans biais, par exemple sur l’état à la naissance, les soins et les services donnés, etc., indique Mme Côté. Depuis longtemps, la communauté scientifique et les décideurs veulent que ces données soient utilisables pour améliorer la santé de la population et la pandémie a rendu ce besoin encore plus grand. Il y a une urgence d’agir.»

À long terme, ce travail pourrait avoir une grande valeur. «On pourra comparer les trajectoires de vie des gens exposés à la pandémie, donc comprendre les facteurs de résilience et les interventions qui ont le mieux fonctionné. C’est un travail de grande valeur pour maintenant et pour les décennies à venir.»