Art public au Complexe des sciences: insuffler du beau au fonctionnel

«Transit», de Gwenaël Bélanger, et «Ondes croisées», d'Alain Paiement

«Transit», de Gwenaël Bélanger, et «Ondes croisées», d'Alain Paiement

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Deux œuvres d’art public sur le campus MIL explorent les relations entre la science et l’art, le passé et le présent.

Les passants attentifs l’auront peut-être noté: deux œuvres d’art public insufflent de la poésie au Complexe des sciences: Ondes croisées, d’Alain Paiement, et Transit, de Gwenaël Bélanger. Étonnant de trouver de l’art dans un pavillon de sciences? «La science est très proche de l’art», croit plutôt Alain Boilard, directeur général des projets majeurs d'infrastructure à l’Université de Montréal. Qu’on pense seulement au mathématicien qui réduit une fraction à sa plus pure expression ou aux images révélées par le microscope du biologiste, l’art s’infiltre partout.

Ces deux œuvres ont par ailleurs été commissionnées dans le cadre de la politique du un pour cent, qui exige de réserver une partie du budget de construction des projets de plus de 150 000 $ à une œuvre artistique. Dans le cas du Complexe des sciences du campus MIL, l’Université de Montréal a décidé de diviser ce montant et de commissionner trois œuvres (la troisième n’a pas été encore installée).

La sélection de ces œuvres suit donc un processus rigoureux: un comité de sélection composé de personnes du ministère de la Culture et des Communications, d’architectes et de membres de l’Université a évalué les soumissions des artistes retenus dans la banque d’artistes. Quatre artistes par œuvre ont ensuite été invités à soumettre un projet. «Les artistes devaient s’inspirer de deux grandes thématiques: la science et le rapprochement des gens, entre eux ou grâce à la science», explique M. Boilard, qui dit avoir été impressionné par toutes les soumissions. «Le choix a été difficile», ajoute-t-il.

«Transit», un rappel de l’âme du lieu

Gwenaël Bélanger devant son œuvre, «Transit»

Crédit : Amélie Philibert

Pour son œuvre Transit, Gwenaël Bélanger a joué sur un rappel de l’historique du terrain du campus MIL, installé sur l’ancienne gare de triage du Canadien Pacifique. Les cafés étudiants aménagés dans des conteneurs rappellent d’ailleurs cet héritage. «J’ai eu l’idée des rectangles pour créer une séquence verticale et, au fil de mes recherches, je suis tombé sur une vue aérienne de la gare de triage. C’était fascinant de voir les wagons de haut, avec leurs couleurs et leurs longueurs différentes», raconte M. Bélanger.

Le vitrail revisité est visible à l’entrée de la bibliothèque du Complexe des sciences. «Ce n’est pas certain que les gens voient des wagons, ce n’est pas le but. C’est un clin d’œil à l’histoire», précise l’artiste. Sur le mur rideau de verre, de longues bandes horizontales de verre coloré sont alignées. Gwenaël Bélanger a travaillé sur la transparence et les couleurs, et a eu recours à une colle spéciale qui réagit à la lumière sans jaunir.

À travers les tons neutres des murs, du plancher et du mobilier (crème, bois, transparence), l’œuvre produit une explosion de couleurs. «C’est comme un cœur qui bat dans la bibliothèque», compare M. Boilard. Le centre de l’œuvre, plus chaud, se diffuse dans les bleutés des contours et il apporte l’idée du mouvement de transformation, «comme l’histoire des sciences», remarque le créateur.

Le corridor offre peu de recul pour apprécier l’œuvre, qui se déploie en forme de demi-sphère, une contrainte avec laquelle Gwenaël Bélanger a dû travailler. De près, on aperçoit les textures, les trames des images floutées et les dégradés des rectangles. Les 3050 fragments ont en effet été créés à partir d’images réelles, de vues aériennes à microscopiques. Au fil des heures et des jours, la couleur et les reflets des fragments de verre varient. De nuit, Transit est rétroéclairée et on la voit alors de l’extérieur. La sphère, qui si elle était complétée ferait la taille de la Biosphère, évoque l’idée d’une planète comme d’une molécule.

«Ondes croisées»: jouer avec la réflexion

«Ondes croisées», de l'artiste Alain Paiement

Crédit : Amélie Philibert

La deuxième œuvre, dont l’installation vient tout juste d’être terminée, se situe sur la terrasse constituée par la prise d’air qui alimente les laboratoires. Pour en apprécier l’ampleur, il faut se rendre aux étages les plus élevés: se révèlent alors deux grandes ondes formées par des tuiles colorées dans des tons de rouge et de bleu, «comme des gouttes qui glisseraient le long de la paroi de verre et qui créeraient des ondes lorsqu’elles tombent dans l’eau», décrit M. Boilard.

Alain Paiement a ainsi choisi le thème des ondes, un phénomène qui se présente dans plusieurs disciplines, du micro- au macro-, de la physique à la biologie. C’est d’ailleurs un rappel de l’objectif du nouveau pavillon, soit la mise en relation de différentes disciplines. Les deux ondes pixélisées qui se croisent font aussi référence à la rencontre des deux zones urbaines que sont Parc-Extension et Outremont, que le campus MIL s’efforce de relier. «Il y a cette idée, dans mon œuvre, de la rencontre et de la vibration de deux identités», confirme M. Paiement.

L’emplacement de l’œuvre, incrustée entre trois murs de verre, posait des défis particuliers. «C’est un espace atypique», observe Alain Paiement. Lors de sa première visite, l’artiste a été frappé par l’effet miroir du lieu, une caractéristique qu’il a décidé d’exploiter. «C’est étonnant à quel point les gens font abstraction des effets de la lumière et des reflets parasites. Mais ce problème devient une qualité lorsqu’on en tient compte», poursuit-il. La réflexion fait donc partie de l’œuvre, qui se complète et se multiplie dans les murs vitrés.

Défis techniques, résultats poétiques

La mise en place de ces deux œuvres a comporté plusieurs défis. Techniques d’abord, puisque l’artiste d’art public doit s’adapter au contexte du bâtiment et à certaines contraintes structurales. «Il fallait concevoir une œuvre translucide et intervenir directement sur le verre déjà installé», souligne par exemple M. Bélanger. Alain Paiement a pour sa part dû composer avec plusieurs retards de chantier, la pandémie et même une grève dans le Port de Montréal, où les tuiles importées d’Europe se sont trouvées coincées.

Avec ces deux œuvres, l’impressionnante œuvre architecturale qu’est le Complexe des sciences se trouve élevée. Elles ajoutent une touche d’humanité, forçant à la contemplation. «L’art apporte une dimension autre que celle purement utilitaire. Il agit à la fois sur le conscient et l’inconscient; il apaise, fait ralentir et réfléchir», résume M. Boilard.

Les œuvres en chiffres

Transit: 3050 morceaux posés à la main in situ durant sept semaines

Ondes croisées: 4200 tuiles-pixels posées à la main

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