Défi territoire: tracer le chemin

L’initiative des Chemins de transition a culminé avec la publication du dernier de trois rapports, portant cette fois-ci sur le Défi territoire.

L’initiative des Chemins de transition a culminé avec la publication du dernier de trois rapports, portant cette fois-ci sur le Défi territoire.

Crédit : Getty

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Le troisième et dernier rapport de l’équipe des Chemins de transition, démarche pilotée par le professeur Franck Scherrer, vient d’être publié.

Franck Scherrer

Franck Scherrer

Lancée en 2020, l’initiative des Chemins de transition a culminé avec la publication du dernier de trois rapports, portant cette fois-ci sur le Défi territoire. Plus de 500 personnes ont contribué à la démarche atypique. «C’est très différent de ce que l’Université fait habituellement. C’est un projet très ambitieux. Notre rôle ici n’est pas de mener des recherches, mais de nous engager auprès de la société québécoise», confie Franck Scherrer, directeur académique des Chemins de transition et professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Cette vaste initiative vise ainsi à outiller les parties prenantes pour les accompagner dans la transition climatique, «pour qu’elles puissent agir devant les transformations profondes que les bouleversements écologiques vont produire dans la société québécoise», précise le professeur. Les quelque 500 spécialistes, professionnels, particuliers qui ont contribué au Défi territoire se sont donné pour tâche de répondre à la question «Comment habiter le territoire québécois de façon sobre et résiliente d’ici 2042?»

Des défis dans le défi

Des trois défis sur lesquels les Chemins de transition se sont penchés (alimentaire, numérique et territorial), ce dernier était particulièrement exigeant: «Le territoire est le réceptacle de tous les autres systèmes socioéconomiques; l’ensemble à embrasser est donc encore plus vaste», avance Franck Scherrer. Intervenir sur cette question va au-delà des changements à apporter à la façon d’aménager le territoire. Les manières de l’habiter et de s’y déplacer sont par ailleurs profondément ancrées dans la culture et l’identité des Québécois: « Si les gens ne veulent pas de densification dans leur quartier, c’est parce que cela change leur cadre de vie, leur intimité. Il faut aller plus loin que la modification des règles d’urbanisme», explique-t-il.

Autre difficulté, la forte inertie dans l’organisation territoriale, alors que les changements devront se produire dans les 30 prochaines années. «On ne pourra pas tout transformer, on n’arrive même pas à faire une ligne de transport en commun en 15 ans», remarque Franck Scherrer. On devra aussi faire avec le cadre bâti existant: «On estime que 80 % du cadre bâti en 2050 sera celui qui existe aujourd’hui», ajoute-t-il. Il faudra adapter ce qu’on a déjà et promouvoir une multitude de pistes: autres façons d’habiter, économie de partage, covoiturage, etc. Sans compter que les réalités au Québec sont diverses, rappelle-t-il: «il y a une différence entre Montréal, la banlieue et les milieux ruraux. Ça prend des solutions différentes.»

Des étapes pour y arriver

Pour atteindre l’objectif de 2042, les Chemins de transition désignent une série de jalons pour atteindre un changement culturel profond. «Tant qu’on n’a pas de solution simple pour tout le monde», le changement sera impossible, croit celui qui insiste sur une transition juste.

Le rapport propose 70 jalons (le nombre de jalons le plus important des trois défis). Ceux-ci sont présentés sous la forme d’un tableau et se déclinent de plusieurs façons. Ces «bouts de chemin» peuvent intéresser les acteurs qui veulent travailler sur certains aspects de la transition. «L’avantage, c’est qu’on peut prendre des bouts de chemin tout en gardant la cohérence de l’ensemble», fait valoir Franck Scherrer.

Le rapport décline le chemin selon différentes catégories d’acteurs, ce qui leur permet d’en extraire les éléments qui les concernent et ainsi d’apporter leur pierre à l’édifice. La démarche présente également une stratégie d’amorce pour les actions à entreprendre dans la prochaine décennie.

Un accompagnement personnalisé

Avec le dépôt de ce dernier rapport s’enclenche la phase de transfert des méthodes et des contenus. «Ce n’est pas juste un exercice intellectuel. On voulait montrer avec le rapport que c’était possible», souligne Franck Scherrer. Les experts du Défi territoire sont engagés dans huit démarches de transition au Québec. «Le rapport n’est pas prescriptif, mais on accompagne des chantiers qui se définissent ainsi», poursuit-il. Le service d’accompagnement gratuit est offert jusqu’en 2025.

Le rapport pourra outiller ainsi les acteurs des démarches locales. «L’objectif, c’est d’aller là où l’intelligence collective manque d’expertise», affirme Franck Scherrer. Parce que peu importe ce qu’on fait, la transition est à nos portes. «On a connu d’autres transitions, on peut passer au travers de celle-ci. La question, c’est de savoir si l’on est capable de s’organiser minimalement ou si l’on va seulement la subir», se questionne-t-il. Pour celui qui se dit «pessimiste actif», la réponse est claire: «On a la capacité d’orienter cette transition.»