Neurosciences et IA, des domaines qui s’influencent mutuellement

Si l’intelligence artificielle et les neurosciences s’influencent mutuellement de plusieurs manières, une nouvelle discipline est aussi née de cette interaction: la neuroAI.

Si l’intelligence artificielle et les neurosciences s’influencent mutuellement de plusieurs manières, une nouvelle discipline est aussi née de cette interaction: la neuroAI.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Les neurosciences inspirent l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle améliore les neurosciences. Et à la jonction des deux s’ouvre un champ de recherche aussi fascinant que prometteur.

Les neurosciences et l’intelligence artificielle (IA) sont deux domaines intrinsèquement liés. D’une part, le fonctionnement du cerveau inspire l’architecture des réseaux de neurones artificiels et les techniques d’apprentissage automatique, en particulier l’apprentissage profond.

Les équipes de recherche en IA s’efforcent de mieux comprendre et de reproduire des aspects de la cognition humaine tels que la neuroplasticité, soit la capacité du cerveau à s’adapter et à traiter de nouvelles informations.

C’est notamment le cas des professeurs de l’Université de Montréal Yoshua Bengio (Département d’informatique et de recherche opérationnelle) et Guillaume Lajoie (Département de mathématiques et de statistique). Tous deux chercheurs à Mila – l’Institut québécois d’intelligence artificielle –, ils étudient les façons de concevoir des systèmes d’IA qui reprennent des fonctions cognitives avancées de l’humain: la perception, la mémoire, l’apprentissage, la flexibilité, la prise de décision, le langage, etc.

D’autre part, ces grands modèles d’IA sont utilisés pour modéliser, simuler et comprendre les processus cérébraux. Ces modèles informatiques aident les chercheurs en neurosciences à formuler et à tester des hypothèses sur le fonctionnement du cerveau.

Par exemple, grâce à une modélisation informatique, l’équipe d’Eilif Muller, professeur au Département de neurosciences de l’UdeM et chercheur à IVADO – l’institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle –, est parvenue à obtenir une vision plus complète des changements synaptiques dans le néocortex. Une percée qui fait la lumière sur les mécanismes d’apprentissage du cerveau.

Des applications concrètes

Yoshua Bengio, Guillaume Lajoie et Eilif Muller

Yoshua Bengio, Guillaume Lajoie et Eilif Muller

Crédit : Yoshua Bengio (Amélie Philibert, Université de Montréal), Guillaume Lajoie (Maryse Boyce) et Eilif Muller (Mila)

Si l’intelligence artificielle et les neurosciences s’influencent mutuellement de plusieurs manières, une nouvelle discipline est aussi née de cette interaction: la neuroAI.

En utilisant des principes biologiques pour concevoir des systèmes informatiques, les chercheurs et chercheuses de ce domaine de recherche interdisciplinaire travaillent à améliorer la compréhension de l’intelligence humaine et à mettre au point des technologies plus efficaces et ciblées.

Concrètement, cela peut mener à la création d’interfaces cerveau-machine, soit des dispositifs qui utilisent l’IA pour faire communiquer les réseaux neuronaux de l’humain avec un ordinateur et vice versa.

À ce chapitre, Guillaume Lajoie et ses collègues Marco Bonizzato, Marina Martinez et Numa Dancause (tous professeurs au Département de neurosciences de l’UdeM) ont récemment trouvé le moyen de raffiner le fonctionnement de neuroprothèses intelligentes qui permettent de retrouver la motricité après une blessure à la moelle épinière ou un accident vasculaire cérébral.

Comprendre le cerveau… et ses troubles

De la neuroAI émerge aussi la psychiatrie informatique, un nouveau champ de la psychiatrie qui fait appel aux outils numériques conçus à partir de mégadonnées provenant notamment de l’imagerie cérébrale pour mieux comprendre les troubles psychiatriques et neurologiques.

Les chercheurs à Mila Guillaume Dumas (Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM) et Karim Jerbi (Département de psychologie de l’UdeM) s’y intéressent tous deux. Par exemple, Karim Jerbi utilise la magnétoencéphalographie – une méthode qui permet d’enregistrer l’activité électromagnétique du cerveau – afin d’élucider le rôle des oscillations neuronales dans les fonctions et les dysfonctions cérébrales.

«Les outils numériques et les données permettent d’agir en première ligne sur la prévention, la détection et le traitement des troubles de santé mentale», indique Guillaume Dumas.

Montréal, plaque tournante

Cet article en fait la démonstration: Montréal, notamment grâce à l’écosystème créé par l’Université de Montréal, Mila et IVADO, est un lieu foisonnant pour ces secteurs de recherche en effervescence et au potentiel exceptionnel.

D’ailleurs, Mila a accueilli récemment un atelier destiné à présenter les derniers travaux dans le domaine de la neuroAI en réunissant des experts de Montréal et de l’étranger.

«Il existe peu d’endroits dans le monde où l’on trouve une si forte concentration d’expertises avancées en intelligence artificielle, en neurosciences et à la jonction des deux. Cette rencontre est unique», s’enthousiasme Guillaume Lajoie.