Les pratiques militantes au Québec

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Pascale Dufour présente le livre «Québec en mouvements: continuité et renouvellement des pratiques militantes», qui vient de paraître aux Presses de l’Université de Montréal.

Mouvement étudiant, mobilisation pour la justice climatique ou les droits des locataires, lutte autochtone, engagement antispéciste, mais aussi mouvement antiféministe ou d’extrême droite. Dans un langage clair et accessible, un vaste panorama des mouvements sociaux au Québec est dépeint dans l’ouvrage Québec en mouvements: continuité et renouvellement des pratiques militantes, publié aux Presses de l’Université de Montréal (PUM) et dirigé par les professeures de science politique Pascale Dufour et Laurence Bherer, de l’Université de Montréal, et Geneviève Pagé, de l’Université du Québec à Montréal.  

Pascale Dufour a répondu à nos questions. 

Pourquoi ce livre?

Le Québec en mouvements: continuité et renouvellement des pratiques militantes est le fruit d’un travail du Collectif de recherche Action politique et démocratie [CAPED], financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, que je dirige depuis quatre ans. Les professeurs et professeures membres du CAPED y signent un chapitre comme plusieurs des doctorants et doctorantes du Collectif. Le livre correspond donc à ce que nous sommes comme regroupement de recherche travaillant sur les mouvements sociaux. Par ailleurs, l’idée originale de cet ouvrage a été lancée en 2008 par Francis Dupuis-Déri, membre du CAPED, qui a dirigé un livre publié chez Lux éditeur sous le titre Québec en mouvements: idées et pratiques militantes contemporaines. Ce deuxième volume se veut aussi une continuité du premier par une mise à jour des luttes sociales qui sont survenues depuis 2008. Dans notre introduction, nous insistons justement sur cet aspect en mentionnant les principaux éléments et enjeux qui se sont transformés au Québec: de nouveaux acteurs sociaux sont apparus, mais également de nouvelles modalités d’action avec l’omniprésence des réseaux sociaux par exemple. Enfin, le livre ouvre une nouvelle collection aux PUM, que je dirige avec Francis Dupuis-Déri: Action politique.

Vous commencez ce livre par le mouvement étudiant. Comment ce mouvement se renouvelle-t-il après la grève de 2012? Quels sont les nouveaux enjeux qu’il intègre?

Le mouvement étudiant est un joueur majeur des luttes sociales au Québec. Il l’a été historiquement et cette centralité persiste aujourd’hui. Après le conflit majeur de 2012, le mouvement étudiant a connu plusieurs vies et est en train de complètement renouveler ses organisations militantes. Aux revendications traditionnelles de l’accessibilité des études supérieures et du gel des droits de scolarité se sont ajoutées – et parfois substituées – des revendications quant à la rémunération des stages étudiants avec les Comités unitaires sur le travail étudiant et le salaire étudiant, puis les enjeux écologiques, portés au départ par des groupes étudiants du secondaire, notamment en 2019 lors des marches pour le climat, organisées notamment à la faveur du mouvement mondial Fridays for Future. La pandémie a frappé de plein fouet ce renouveau du militantisme étudiant. Cela est vrai pour tous les mouvements sociaux, mais les populations étudiantes ont été particulièrement touchées: non seulement elles ne pouvaient plus se rassembler sur les campus et les établissements scolaires, mais ce militantisme est de courte durée dans la mesure où le statut d’étudiant est temporaire. Aujourd’hui, de nouvelles initiatives sont en cours avec la Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale, qui a tenu son congrès de fondation en février 2023. La mobilisation étudiante est toujours d’actualité. 

Pourquoi l’État est-il absent de l’ensemble de votre ouvrage?

Parce que nous parlons des mouvements sociaux! Plus sérieusement, ce n’était pas un choix éditorial de départ, mais bien un résultat des différentes contributions. La quasi-absence de l’État dans les chapitres traduit, il me semble, un contexte politique fermé où l’État n’a plus été l’interlocuteur des mouvements de protestation dans les 10 dernières années. Ce n’est pas seulement parce qu’il n’est pas la cible des revendications, mais bien parce qu’il n’a pas été à l’écoute des demandes des actions collectives et n’a pas maintenu ouverts des canaux de communication avec les représentants ou porte-paroles des organisations de mouvements sociaux. Cela dit, l’État est présent en filigrane dans notre ouvrage comme cible et par ses institutions – comme dans les luttes du mouvement de défense des locataires, les luttes syndicales et par l’intermédiaire du parti-mouvement Québec solidaire, qui fait l’objet d’un chapitre. Par ailleurs, sa faible présence est aussi un biais assumé des recherches sur les mouvements sociaux, qui regardent la politique en train de se faire et de s’inventer par le bas, donc loin de l’État et parfois dos à lui. Cet angle analytique est primordial en démocratie: il nous permet de nous rendre compte que l’État et ses institutions, dont l’Assemblée nationale et le vote des personnes élues, n’ont pas le monopole du politique et de l’action politique. 

À propos de ce livre

Pascale Dufour, Laurence Bherer et Geneviève Pagé (dir.), Québec en mouvements: continuité et renouvellement des pratiques militantes, Les Presses de l’Université de Montréal, 2023, 286 p. 

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