ChatGPT nous rendra-t-il plus stupides?

Si le professeur se questionne quant aux risques pour le développement cognitif, il ajoute que ChatGPT pourrait aussi mener à la réduction des contacts sociaux et à l’accroissement de la sédentarité.

Si le professeur se questionne quant aux risques pour le développement cognitif, il ajoute que ChatGPT pourrait aussi mener à la réduction des contacts sociaux et à l’accroissement de la sédentarité.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Alors que ChatGPT se sophistique, Serge Larivée, professeur et chercheur spécialiste de l’intelligence humaine, craint qu’il contribue à la régression du quotient intellectuel.

ChatGPT évolue. Jusqu’à présent «simple» agent conversationnel mû par l’intelligence artificielle (IA), il devient peu à peu un véritable assistant virtuel avec lequel on peut converser de vive voix et à qui l'on peut montrer ce dont on parle.

En plus de répondre à nos questions, il peut nous aider à résoudre le problème mathématique de notre enfant, reconnaître la pièce brisée sur notre bicyclette ou même composer un repas avec le contenu de notre réfrigérateur.

Devant cette nouvelle interface plus intuitive et puissante qui parvient presque à raisonner à notre place, il est légitime de se demander si le progrès technologique s’accompagne d’un abêtissement ou s’il fera de nous des êtres plus évolués.

Serge Larivée, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et chercheur s’intéressant à l’intelligence humaine, sa nature, son développement et sa mesure, fait partie des inquiets.

Le QI en régression

Serge Larivée

Serge Larivée

Crédit : Courtoisie

Depuis le début du 20e siècle, le quotient intellectuel (QI) a progressé dans une trentaine de pays occidentaux, ce qu’on appelle l’effet Flynn. Toutefois, au milieu des années 1990, cette mesure semble avoir décliné lentement et progressivement: voilà l’effet Flynn inversé.

Les causes de ce phénomène ne sont pas précisément définies. Pour Serge Larivée, le nivellement par le bas en milieu scolaire, l’environnement familial, la surprotection généralisée des enfants jusqu’à l’université et les perturbateurs endocriniens auraient leur rôle à jouer. Et voilà que les ChatGPT de ce monde pourraient s’ajouter à la liste.

«Ces outils pourraient contribuer à la régression du QI dans la mesure où ils empêchent les individus de réfléchir, puisque ceux-ci obtiennent immédiatement une réponse sans avoir à déployer des efforts. Les gens ont donc moins besoin de résoudre des problèmes et c’est ce qui est plus inquiétant, car l’intelligence est justement la capacité à résoudre des problèmes», souligne le professeur.

L’éminent psychologue du développement cognitif Jean Piaget disait: «L’intelligence se développe quand le sujet entre en activité avec le réel.» «Donc, si l’on n’a plus besoin d’agir sur le réel, puisqu’une machine le fait pour nous, qu’on n’a plus la chance de découvrir soi-même ce qu’est le réel, on pourrait assister à une baisse des comportements intelligents, une régression dans la production et l’appropriation des connaissances», explique-t-il.

Des menaces à l’intelligence

Si le professeur se questionne quant aux risques pour le développement cognitif, il ajoute que ChatGPT pourrait aussi mener à la réduction des contacts sociaux et à l’accroissement de la sédentarité – plus besoin de se déplacer pour recevoir un service de réparation par exemple.

Serge Larivée craint également que ChatGPT favorise la désinformation. La plateforme est effectivement réputée pour son partage d’informations erronées, trompeuses ou diffamatoires.

«Et ce qui est dramatique, c’est que lorsque quelqu’un croit à une fausse nouvelle, on ne peut rien faire pour l’en empêcher, le contester n’augmente que sa croyance», estime-t-il.

Mais de l’espoir

Pour se protéger de l’emprise de l’intelligence artificielle sur l’intelligence humaine, Serge Larivée propose plusieurs outils. D’abord, la lecture comme stimulation intellectuelle, puis l’esprit critique, le doute raisonnable et le plaisir d’apprendre.

«Il faut instaurer comme fonctionnement fondamental le doute, surtout auprès des jeunes, avance-t-il. Cela veut dire que les parents doivent accepter que leurs contraintes soient remises en question et qu’ils laissent davantage leurs enfants interagir avec leur environnement pour faire des erreurs et se relever. Les scientifiques, mais aussi tous les autres individus, devraient tout faire pour chercher à invalider leurs théories. Avoir raison, c’est plate à mort!»

Le professeur poursuit en critiquant la valorisation de la performance dans le parcours scolaire. «La pression de réussir mine l’apprentissage, alors que le fun le favorise, lance le chercheur. Et ChatGPT ne permet pas de développer le plaisir d’apprendre, puisqu’il remplace le processus d’acquisition de connaissances.»

Ce texte fait partie de la série «Les répercussions présentes et futures de l'intelligence artificielle». Pour lire tous les autres articles, c'est par ici.