Mieux comprendre l’anxiété de performance musicale chez les enfants

L’étude met en lumière l'évolution de l’influence que peuvent avoir les attentes externes chez l’enfant au cours de son développement.

L’étude met en lumière l'évolution de l’influence que peuvent avoir les attentes externes chez l’enfant au cours de son développement.

Crédit : Getty

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Une étude sur l'anxiété de performance chez les élèves en musique montre que les filles sont plus touchées. Et le choix libre ou imposé de faire de la musique joue aussi.

Quels élèves du primaire participant à un programme d’éducation musicale intensif sont les plus susceptibles de souffrir d’anxiété de performance musicale?

Pour le savoir, une vaste étude auprès de 164 élèves âgés de 9 à 12 ans inscrits à un programme scolaire de musique a été réalisée par Catherine Tardif, doctorante et chargée de cours à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, Hélène Boucher et Audrey-Kristel Barbeau, professeures en pédagogie musicale à l’Université du Québec à Montréal, et Julie Lane, professeure en éducation à l’Université de Sherbrooke.

L’anxiété de performance musicale, une forme d’anxiété sociale

Catherine Tardif

Catherine Tardif

Crédit : Courtoisie

L'anxiété de performance est liée à des attentes très élevées envers soi-même. C'est une sous-catégorie de l'anxiété sociale dans le DSM-5: manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Pour des élèves du primaire, l’anxiété de performance peut par exemple correspondre au fait de lever la main en classe et de devoir prendre la parole devant les autres personnes présentes. Les élèves ont alors une crainte du regard des autres, redoutant qu’ils les jugent.

«Un élève souffrant d’anxiété de performance va définir lui-même un seuil de réussite à atteindre. Ce seuil peut varier d'un enfant à l'autre, il y en a qui vont viser des A+ en permanence, pour d’autres ce sera des C+», signale Catherine Tardif. L’anxiété sera rattachée aux attentes qu’ont les enfants par rapport à ce qu'ils estiment être une réussite.

Pour l’anxiété de performance musicale, la chargée de cours du Département de didactique de l’UdeM explique: «Une personne souffrant d’anxiété de performance musicale pourrait dire “J'ai raté des notes” et on va lui répondre que le public n’a pas été témoin de ces erreurs. Mais cela ne va pas la consoler. La personne va dire “Oui, mais je sais qu’habituellement, chez moi, je réussis bien. Par contre, devant le public, je n'ai pas réussi”. La personne va s'accrocher à ses attentes initiales, dans ce cas-ci exécuter la pièce sans fautes, comme elle le fait chez elle.»

Mesurer l’anxiété de performance

Pour cette étude, les chercheuses ont utilisé un questionnaire sur l’anxiété de performance autorapportée qu’elles ont traduit en français. C’est la première fois que ce questionnaire est soumis à des enfants du primaire dans un projet pédagogique particulier en musique.

Les enfants qui jouaient de différents instruments comme le violon, le piano ou le violoncelle devaient rapporter la fréquence et l’intensité des manifestations physiques qu’ils ressentaient comme des papillons dans le ventre avant un concert, les mains moites, des palpitations cardiaques ou encore des tremblements. Ils devaient également valider des affirmations comme «J’ai peur que mes parents ou mon professeur n’aiment pas mon jeu» ou «Après un récital, je suis habituellement heureux de mon jeu».

Plus d’anxiété de performance musicale chez les filles

Les filles ont signalé plus de manifestations d'anxiété liée à leur performance musicale que les garçons dans une proportion de 10 %. Cette anxiété a surtout trait à leur inquiétude quant à leur capacité de bien jouer en public, à la peur de faire des erreurs devant un public ou encore à la panique éprouvée après une erreur au cours d’une prestation.

Pour expliquer cela, différentes hypothèses sont proposées comme le désir de plaire qu’ont les filles ou leurs attentes plus élevées à l’égard de leurs performances.

«Certains auteurs avancent l'idée que les filles sont plus à l'écoute des manifestations d’anxiété, qu’elles sont plus enclines à les rapporter contrairement aux garçons. Une façon de vérifier cette hypothèse serait de chercher des données biologiques pour confirmer ce qui est autorapporté», mentionne Catherine Tardif.

Le choix des parents et l’effet sur les enfants

Le niveau d'anxiété liée à la performance musicale varie également selon que l'inscription au programme est la décision de l’enfant ou du parent. Sans surprise, les jeunes élèves déclarent significativement moins d'anxiété liée à la performance musicale lorsque la demande de participation au programme intensif de musique émane d’eux-mêmes. Mais cela n’est vrai que pour les élèves du deuxième cycle.

Étonnement, au troisième cycle, cette tendance s'inverse: les enfants qui avaient initialement choisi le programme manifestent une anxiété accrue, tandis que ceux dont le choix relevait des parents présentent une réduction de l'anxiété.

«L’anxiété de performance musicale est liée à l'importance qu'un enfant accorde aux choses, aux attentes qu'il a envers lui-même. Si en vieillissant la pratique instrumentale devient très importante pour lui, ses critères de réussite pourraient être de plus en plus élevés. Son anxiété de performance risque donc d'augmenter. Cette situation est différente chez un enfant entré dans le programme seulement pour répondre aux attentes de ses parents,» indique Catherine Tardif.

L’étude met ainsi en lumière l'évolution de l’influence que peuvent avoir les attentes externes chez l’enfant au cours de son développement. À un jeune âge, l'enfant accorde une grande importance aux propositions de ses parents. Cependant, à mesure qu'il grandit, son identité se forge et ce qui devient crucial pour lui n'est plus nécessairement en parfaite adéquation avec les priorités de ses parents.

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