Développement du cerveau du bébé à naître: un effet combiné de la génétique et des disponibilités alimentaires

Chez les personnes exposées à des restrictions alimentaires (pendant la Seconde Guerre mondiale), ce sont les gènes maternels de détoxification qui ont le plus d’influence sur la croissance du cortex.

Chez les personnes exposées à des restrictions alimentaires (pendant la Seconde Guerre mondiale), ce sont les gènes maternels de détoxification qui ont le plus d’influence sur la croissance du cortex.

Crédit : Getty

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Une étude dirigée par Tomas Paus démontre qu’il y a un effet combiné de la génétique chez la mère et des disponibilités alimentaires sur le développement du cerveau du bébé à naître.

Une nouvelle étude populationnelle dirigée par le chercheur Tomas Paus, professeur de psychiatrie et de neurosciences à l'Université de Montréal et chercheur au CHU Sainte-Justine, met en évidence les rôles respectifs des gènes maternels et fœtaux dans la croissance du cortex cérébral du bébé. Les résultats de l’équipe de recherche, publiés dans la prestigieuse revue Nature Communications, démontrent que les variants génétiques associés à un poids plus élevé à la naissance sont aussi associés à une meilleure croissance du cortex. Néanmoins, l’abondance ou le manque de nourriture semble influencer l’importance relative du rôle joué par ces gènes.

Des gènes qui font croître le bébé… et son cerveau

Tomas Paus, à droite, accompagné de Daniel Vosberg, stagiaire postdoctoral et premier auteur de l'article.

Tomas Paus, à droite, accompagné de Daniel Vosberg, stagiaire postdoctoral et premier auteur de l'article

Crédit : Véronique Lavoie, CHU Sainte-Justine

Avec le postdoctorant Daniel Vosberg, premier auteur de l’article, Tomas Paus a analysé les données sur le poids à la naissance et celles relatives à l’imagerie par résonance magnétique cérébrale de plusieurs milliers d’individus comprises dans la UK Biobank, une base de données biomédicales au Royaume-Uni. Ces analyses ont permis de confirmer qu’un poids plus élevé à la naissance est associé à une plus grande taille du cortex (mesuré par sa surface).

De plus, il en ressort que les variants génétiques présents chez la mère et chez le bébé qui sont associés au poids le sont aussi à la surface corticale. Ainsi, chez le bébé, les gènes liés à l’action de l’insuline sont déterminants, alors que, chez la mère, les variants génétiques favorables à l’élimination des toxines sur le plan cellulaire jouent un rôle majeur.

Incidence de l’alimentation et transmission intergénérationnelle

Les deux groupes de variants génétiques n’ont pas toujours une importance égale pour déterminer la taille du cortex. «En comparant les données par année de naissance et grâce à une modélisation statistique et une analyse des interactions à l’échelon cellulaire, nous avons mis en lumière le rôle épigénétique de l’exposition à des restrictions alimentaires durant la gestation ou la petite enfance», explique Tomas Paus.

Chez les personnes exposées à des restrictions alimentaires (pendant la Seconde Guerre mondiale), ce sont les gènes maternels de détoxification qui ont le plus d’influence sur la croissance du cortex. Cette caractéristique semble se transmettre d’une génération à l’autre, puisque l’association est également observable chez les enfants des personnes ayant été exposées à d’importantes restrictions alimentaires pendant la guerre. Chez les autres, la croissance du cortex est surtout associée aux gènes rattachés à l’action de l’insuline chez le fœtus.

Les analyses indiquent que les gènes qui contrent les effets négatifs des restrictions alimentaires, notamment en termes de stress cellulaire et d’activation immunitaire, sont très importants. «En période de famine, lorsque les cellules se multiplient, il y a beaucoup plus de risque d’erreurs, précise le chercheur. Cela pourrait expliquer pourquoi, dans un tel contexte, ce sont les gènes responsables de la réparation de l’ADN qui sont déterminants pour la croissance cérébrale du bébé.»

Favoriser la croissance cérébrale dès les premiers stades de la vie

Maintenant que l’on comprend mieux les liens entre le faible poids à la naissance et la croissance cérébrale, et l’importance de la famine comme facteur médiateur, la prochaine étape consiste à évaluer la méthode optimale pour favoriser la croissance du cortex après la naissance. «Avec la Dre Thuy Mai Luu du CHU Sainte-Justine, nous lancerons prochainement un projet pilote visant à déterminer le meilleur accompagnement des bébés de faible poids pour un développement optimal de leur cerveau», se réjouit Tomas Paus.

À propos de l’étude

L’article «Intrauterine growth and the tangential expansion of the human cerebral cortex in times of food scarcity and abundance», par Daniel E. Vosberg et ses collègues, est publié dans la revue Nature Communications (publication électronique).

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