Jean-Benoît Lalanne: le physicien du tangible

Jean-Benoît Lalanne

Jean-Benoît Lalanne

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En 5 secondes

Avec un pied dans les modèles mathématiques et l’autre au laboratoire, le professeur Jean-Benoît Lalanne rejoint les rangs du Département de biochimie et médecine moléculaire de l’UdeM.

Après un passage au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston et à l’Université de Washington, Jean-Benoît Lalanne, chercheur originaire de la rive sud de Montréal, est depuis janvier de retour dans la métropole, ayant pris ses nouvelles fonctions de professeur au Département de biochimie et médecine moléculaire de l’Université de Montréal. Spécialisé en biophysique et en génomique, il travaille à mesurer et à modéliser les conséquences fonctionnelles des mutations dans les séquences non codantes qui contrôlent l’expression des gènes.

D’exploration en exploration

«J’ai eu beaucoup de chance et de soutien, et j’ai rencontré les bonnes personnes sur ma route», dit humblement le nouveau professeur. Né d’un père architecte et d’une mère pédiatre, Jean-Benoît Lalanne a toujours été très curieux. Tous les dimanches, la famille était fidèle au poste pour regarder l’émission Découverte. «C’est clair que cette émission a fait naître des vocations scientifiques», glisse-t-il.

Au secondaire, il manifeste un intérêt marqué pour les mathématiques et la physique. Malgré son penchant pour ces sciences fondamentales, qui lui permettent d’aller jusqu’au fond des choses, les phénomènes du quotidien – de la bulle de savon à l’écaille de peinture en passant par la forme des choux-fleurs – le fascinent. C’est cet élan vers le monde physique qui le pousse jusqu’au laboratoire: «J’ai fait quelques stages d’été durant mon baccalauréat en physique et mathématiques. Dans le laboratoire, j’ai découvert quelque chose de différent. Je faisais de la soudure, je rapiéçais les installations au ruban adhésif, bref, je me salissais un peu les mains.» 

À la maîtrise, il se tourne alors vers la biophysique, qui permet de comprendre les systèmes biologiques complexes grâce aux outils de la physique et des mathématiques. Il entreprend ses études de 2e cycle à l’Université McGill sous la direction de Paul François (qui est aujourd’hui son collègue au département).

Comprendre l’expression des gènes

Malgré un fort ancrage dans les modèles théoriques, l’appel du laboratoire continue de se faire sentir: «Ce qui m’allumait vraiment, c’était le monde réel», souligne-t-il. Sous la direction de Gene-Wei Li au MIT, il commence à s’intéresser à la génétique des bactéries, plus particulièrement aux perturbations lors de l’expression de gènes. «Il y avait des manières de modéliser ces systèmes, mais sans surprise, la biologie ne coopérait pas avec nos beaux modèles !» se rappelle-t-il. C’est là qu’il attrape la piqûre pour l’expérimentation en biologie moléculaire. 

Dans son postdoctorat, Jean-Benoît Lalanne s’oriente vers la génomique humaine. «Les outils sont de plus en plus accessibles pour faire de la génétique très précise dans les cellules mammifères. Il y a des questions qui étaient impossibles à poser il y a 10 ans, mais sur lesquelles on peut travailler aujourd’hui», raconte-t-il.  

Depuis, il explore la façon dont les cellules expriment leurs gènes. «Un corps humain est un assemblage de milliers de types de cellules: des neurones, des cellules de peau, etc. Toutes ces cellules ont le même génome, mais la manière dont elles expriment leurs gènes est complètement différente», explique-t-il. Un neurone exprime des neurotransmetteurs, alors qu’une cellule de muscle exprime certaines protéines qui en permettent la contraction par exemple. Le génome encode ces séquences régulatrices, qui agissent comme des interrupteurs. Or, les règles génétiques qui régissent leur fonctionnement sont encore très mal comprises.

Outre la contribution à la science fondamentale que le professeur Lalanne espère apporter, ces connaissances ont aussi des applications concrètes. Ainsi dans la thérapie génique, on doit cibler précisément quelles cellules exprimeront une protéine manquante à l’aide de séquences régulatrices. «Si un certain type de neurone a besoin d’une certaine protéine, il ne faut pas que chaque cellule du cerveau en produise. Sinon, ce serait hautement toxique», remarque Jean-Benoît Lalanne.  

Transmettre sa passion

Pour l’instant, le professeur nouvellement en poste est à mettre sur pied son laboratoire (recrutement, subvention, équipement), où le travail pratique et l’expérimentation se compléteront. «Un des défis pour le recrutement des étudiantes et des étudiants, c’est que les cursus sont relativement isolés, la biochimie et la bio-informatique étant chacune de son côté, alors que, dans la pratique, la génomique combine intégralement les deux», estime-t-il. Mais cet alliage comporte de nombreux avantages, selon lui: «Il y a une grande satisfaction à faire ses propres manipulations et à analyser ses propres données. On peut rapidement voir si une étape du protocole pose problème et vice versa.» 

Jean-Benoît Lalanne amorce donc sa carrière avec enthousiasme. «À chaque étape de mon parcours, je me disais que, si je n’avais plus de plaisir, j’irais vers autre chose», dit-il. Force est de constater que le plaisir est toujours là et que c’est lui qui agira maintenant comme une bougie d’allumage auprès de la relève scientifique.