Plongée au cœur de la dystrophie myotonique de type 1: une recherche qui respire l’espoir

La postdoctorante Pauline Garcia et l'étudiante au baccalauréat en microbiologie, Maya Sottolichio

La postdoctorante Pauline Garcia et l'étudiante au baccalauréat en microbiologie, Maya Sottolichio

Crédit : Martin LaSalle

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Pauline Garcia et Maya Sottolichio analysent cet été le fonctionnement de cellules musculaires impliquées dans une maladie rare, mais bien présente au Québec: la dystrophie myotonique de type 1.

La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean abrite un paradoxe scientifique: une maladie neuromusculaire rare y est étonnamment fréquente. La dystrophie myotonique de type 1 (DM1), qui affecte généralement une personne sur 8000 dans le monde, touche ici environ une personne sur 475. Cette concentration exceptionnelle, due à un phénomène appelé l’effet fondateur, transforme la région en un terrain d’étude unique pour les chercheurs.  

Une équipe de recherche dirigée par le professeur Nicolas Dumont, de l’École de réadaptation de l’Université de Montréal, s’affaire depuis quelques années à mieux comprendre la maladie afin de trouver des pistes de traitement. Au sein de cette équipe, on retrouve la postdoctorante Pauline Garcia et Maya Sottolichio, étudiante de deuxième année au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie, qui poursuivront ces travaux au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine. 

La DM1 est une maladie héréditaire attribuable à une mutation dans un gène appelé DMPK, qui perturbe la fonction musculaire et provoque une atrophie progressive. Elle peut affecter différents muscles, y compris le diaphragme qui est essentiel à la respiration. La gravité de la maladie dépend en partie de la taille de l’expansion de la mutation génétique: plus cette expansion est grande, plus les symptômes sont sévères. 

C’est grâce à une collaboration provinciale et à l’accès à une biobanque de tissus musculaires – établie par la chercheuse Élise Duchesne de l’Université Laval – que l’équipe peut travailler avec des biopsies humaines. Ces petits fragments de muscles, souvent prélevés sur le quadriceps de patients à différents stades de la maladie, sont au centre de l’étude.

Quand les cellules racontent leur histoire

La postdoctorante Pauline Garcia

Pauline Garcia

Crédit : Martin LaSalle

Dans leur laboratoire, Pauline Garcia et Maya Sottolichio mènent une série d’expériences pour observer les différences entre les cellules saines et malades. Une question les guide: qu’est-ce qui, au niveau cellulaire, empêche les muscles de se réparer normalement chez les personnes atteintes de DM1? 

«On commence par cultiver les cellules extraites des biopsies», précise Pauline Garcia. «Ensuite, on les fait proliférer pour en avoir une quantité suffisante pour ensuite analyser leur métabolisme grâce à différents tests.» 

L’un des outils clés de cette phase de l’étude est un appareil appelé Seahorse, qui mesure la consommation d’oxygène des mitochondries, «centrales énergétiques» des cellules. Si leur fonctionnement est perturbé, cela pourrait expliquer la faiblesse musculaire. 

À l’aide de techniques comme l’immunofluorescence, les chercheuses peuvent aussi visualiser les protéines et les noyaux à l’intérieur des fibres musculaires, ce qui leur permet de comparer l’activité et la structure des cellules malades à celles des cellules saines.

Des souris transgéniques à l’espoir thérapeutique

Maya Sottelichio

Maya Sottelichio

Crédit : Martin LaSalle

En parallèle des travaux sur cellules humaines, l’équipe travaille avec un modèle murin – une souris génétiquement modifiée pour reproduire les caractéristiques de la DM1. Chez cette souris transgénique, les chercheuses peuvent provoquer des lésions musculaires et observer comment les cellules réagissent à différents agents thérapeutiques. «L’idée est de comprendre les mécanismes à l’origine de la dérégulation, précise Pauline Garcia. Une fois qu’on les identifie, on peut tester des substances pour tenter de corriger ces défauts.» 

«Cette stratégie en plusieurs étapes – observation humaine, validation chez la souris, puis expérimentation de traitements – est rigoureuse et essentielle, ajoute la postdoctorante. Elle permet de construire un pont entre la compréhension des mécanismes moléculaires et l’identification de thérapies potentielles.» À terme, cela pourrait mener à des essais cliniques chez l’humain, mais avant, il faut valider les cibles thérapeutiques et s’assurer de leur efficacité sur les modèles précliniques. 

Le projet est une suite logique des avancées récentes de l’équipe, publiées Nature Communications, qui a révélé un nouveau mécanisme impliqué dans la maladie ainsi qu’un biomarqueur sanguin corrélé à la gravité des symptômes. Ces résultats ouvrent la voie à un futur traitement, mais le chemin reste long.

Science, patience et passion

Dans ce type de recherche, chaque détail compte. L’hypothèse de base, selon laquelle les cellules musculaires malades prolifèrent moins rapidement, semble se confirmer, mais il reste à déterminer précisément où et comment le processus se dérègle. Pour Maya Sottolichio, qui entame bientôt sa dernière année de baccalauréat, ce stage est bien plus qu’une simple initiation à la recherche. 

«C’est motivant de savoir qu’on travaille sur quelque chose qui pourrait réellement changer des vies, surtout dans une région comme le Saguenay où la maladie est si présente», dit-elle avec enthousiasme. 

Pauline Garcia rappelle pour sa part qu’il est important de parler de la DM1 autant que d’autres maladies plus médiatisées, comme la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). «La DMD attire beaucoup d’attention, mais la DM1 est plus fréquente dans certaines régions du Québec et mérite qu’on s’y attarde», conclut-elle.

  • Des cellules musculaires humaines affectées par la DM1

    Des cellules affectées par la DM1. Celles-ci génèrent des myotubes plus petis par rapport au myotubes contrôles (image suivante) qui sont plus larges et élancés.

    Crédit : Pauline Garcia
  • Des cellules musculaires humaines saines

    Des cellules musculaires humaines saines, dont les myotubes sont plus larges et élancés que les cellules affectées par la DM1.

    Crédit : Pauline Garcia