L’Observatoire des profilages obtient une subvention de 2,5 M$

  • Forum
  • Le 4 juin 2020

  • Martin LaSalle

En 5 secondes

L’Observatoire des profilages, dirigé par Céline Bellot, de l’École de travail social de l’UdeM, obtient une subvention de 2,5 M$ du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Pour les sept années à venir, l’Observatoire des profilages (ODP) bénéficiera d’une subvention de partenariat totalisant 2,5 M$ que vient de lui accorder le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada afin de poursuivre différents projets de recherche et d’en amorcer de nouveaux.

«Grâce à cette subvention, l’Observatoire pourra continuer sa mission, qui consiste à exercer une veille et une vigilance sur les pratiques de profilage dont des personnes sont victimes au Québec et en Ontario, dans le but de promouvoir des changements dans les politiques et les façons de faire qui rendent possible cette discrimination systémique au sein des organisations», s’est réjouie la directrice de l’Observatoire, Céline Bellot.

Lutter contre les pratiques discriminatoires

Céline Bellot

L’Observatoire des profilages est une coalition des milieux universitaire, communautaire et institutionnel qui s’intéresse à l’ensemble des profilages dans différents secteurs comme la police, la justice, les services correctionnels, la protection de la jeunesse, l’aide sociale ainsi que le réseau de la santé et des services sociaux.

À cet égard, le profilage est défini comme toute mesure appliquée par une personne ou un groupe sur la base de préjugés et de stéréotypes, et donnant lieu à un traitement différent, c’est-à-dire autre que celui qui est attendu.

«L’ODP sert essentiellement à documenter chacun des types de profilage, à favoriser une mise en commun des connaissances et à contribuer aux luttes menées contre les pratiques discriminatoires», ajoute Céline Bellot, qui est à la fois professeure et directrice de l’École de travail social de l’Université de Montréal.

L’Observatoire permet ainsi d’alimenter les débats et les réflexions sur des enjeux sociaux en soutenant la participation des personnes profilées, en travaillant à rendre visibles leurs expériences et les répercussions des profilages sur les personnes et les communautés.

Pour une vision transversale des profilages

Les projets de recherche de l’ODP visent à documenter de façon quantitative et qualitative les pratiques de profilage et leurs effets sur les communautés.

«Sur le plan quantitatif, nous effectuons notamment des observations dans différents secteurs d’activité ‒ des services policiers à la protection de la jeunesse en passant par les prisons et les réseaux de la santé et de l’immigration ‒ en cherchant à comprendre par quels processus certains groupes sont surreprésentés dans les dynamiques punitives ou d’exclusion», explique Mme Bellot.

Ainsi, l’ODP cherche à savoir pourquoi les personnes autochtones sont davantage emprisonnées et maintenues en détention ou pourquoi un groupe de prestataires de l’aide sociale fait davantage l’objet de sanctions. Ou encore, les raisons pour lesquelles les personnes racisées ou marginalisées sont davantage l’objet d’interpellations et d’arrestations par la police ou d’interventions par la protection de la jeunesse.

Puis, sur le plan qualitatif, les mêmes chercheurs issus de différentes disciplines ‒ droit, sociologie, criminologie, science politique et géographie ‒ recueillent les récits des expériences vécues par des personnes profilées de même que des témoignages dans des communautés qui en subissent collectivement les contrecoups.

«Dans le contexte de la mort tragique de George Floyd, à Minneapolis, de nombreux témoignages nous ouvrent les yeux quant à la façon dont le profilage communautaire se répercute, par exemple, dans les communautés noires, où l’on apprend que la discrimination a pour effet d’inciter les parents à enseigner à leurs enfants ‒ dès un jeune âge ‒ comment agir avec la police…», illustre-t-elle.

À partir des volets quantitatif et qualitatif des recherches qu’on y réalise, l’ODP vise à trouver des moyens de lutter contre les profilages, de concert avec les partenaires concernés, notamment en plaçant les acteurs dans des mises en situation permettant de les conscientiser quant aux biais systémiques existants et à leurs conséquences. L’objectif étant de reconstruire les processus décisionnels des acteurs et des organisations qui les conduisent à agir de manière discriminatoire et de corriger ces situations.

«L’Observatoire repose sur la création d’une communauté d’apprentissage stratégique, entre les chercheurs, les organismes de défense des droits, les personnes et les communautés profilées, afin d’assurer et de porter des plaidoyers en faveur d’une société plus juste et solidaire», conclut Céline Bellot.

Une présence depuis sept ans

L’Observatoire des profilages existe depuis 2013, année où il avait obtenu une subvention de développement de partenariat du CRSH. À ses débuts, il comptait 6 chercheurs dans ses rangs. Aujourd’hui, il bénéficie de l’apport de 36 chercheurs et de 19 partenaires et organismes de défense des droits, ainsi que de la collaboration de quatre ministères dans la mobilisation des connaissances.

Les travaux de l’ODP ont permis entre autres de mettre au jour les enjeux majeurs de l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes chez les personnes en situation d’itinérance.

L’Observatoire, ses membres et ses partenaires ont ainsi contribué à l’adoption du projet de loi n32, qui met fin à cette pratique.

Trois catégories de profilage en voie de reconnaissance

Le profilage racial: «toute action prise pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public qui repose sur des stéréotypes fondés sur la race, la couleur, l’ethnie, la religion, le lieu d’origine ou une combinaison de ces facteurs plutôt que sur un soupçon raisonnable, dans le but d’isoler une personne à des fins d’examen ou de traitement particulier» (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005).

Le profilage social: action ou attitude déclenchée par les «signes visibles de pauvreté ou de marginalité; pour qu’il y ait profilage social, il suffit que la personne en situation d’autorité assigne une identité d’itinérant à un individu sur la base de signes visibles tels que l’apparence physique, les comportements, l’attitude et la tenue vestimentaire» (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2009).

Le profilage politique: toute mesure prise par une ou des personnes d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs tels que l’opinion politique, les convictions politiques, l’allégeance à un groupe politique ou les activités politiques, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent.

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