Industrie de la construction: l’importance du soutien social pour la conciliation travail-famille
- UdeMNouvelles
Le 7 avril 2022
- Martin LaSalle
Le soutien social des superviseurs et des collègues est important pour l'équilibre travail-famille des travailleuses et travailleurs de la construction.
Crédit : Getty
Les conflits de nature travail-famille sont fréquents chez les travailleurs et travailleuses de la construction et l’industrie devrait mettre en place des moyens pour soutenir sa main-d’œuvre.
Les journées de travail chargées qui se prolongent et les horaires atypiques sont monnaie courante sur les chantiers de construction au Québec, au point de rendre souvent difficile la conciliation de la vie familiale avec le travail.
Et bien que ces travailleuses et travailleurs comptent principalement sur leur partenaire de vie pour gérer la pression, un plus grand soutien social de la part des collègues et des supérieurs hiérarchiques leur permettrait d’atténuer les conflits travail-famille qu’ils vivent.
C’est ce qui ressort des travaux de recherche effectués par Laurie Galardo au Département de psychologie de l’Université de Montréal, sous la direction de Mélanie Trottier, qui est maintenant professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
Dans le cadre de ses études de doctorat, Laurie Galardo a mesuré les effets du soutien social prodigué par le conjoint ou la conjointe, les collègues et le superviseur ou la superviseuse de chantier sur la charge de travail et les conflits travail-famille sous l’angle de la théorie de la conservation des ressources.
«Selon cette théorie, le stress psychologique chez un individu est causé par la menace d'une perte de ressources, telles que le temps et l’énergie, ou par l'absence de gain de ressources pour faire face aux situations de la vie», résume celle qui est aujourd’hui psychologue au Cégep de Saint-Jérôme.
De longues et atypiques semaines de travail
Cette recherche s'inscrit dans le cadre d'une vaste étude menée en collaboration avec le ministère de la Famille et la Commission de la construction du Québec. Laurie Galardo a pu recruter 811 travailleurs et travailleuses de cette industrie, à forte prédominance masculine, qui embauche plus de 177 000 personnes.
Le groupe de participants, composé à 84 % d’hommes et à 16 % de femmes dans 31 professions, a répondu de 2018 à 2019 à un questionnaire visant à recueillir des informations sur la charge de travail, le soutien social et les conflits travail-famille.
«Près de 80 % des répondants faisaient partie de la tranche d’âge de 25 à 44 ans et tous étaient parents: 77 % avaient de un à trois enfants à charge et près de un répondant sur quatre (23 %) avait une famille de quatre enfants ou plus, indique Mme Galardo. En outre, la grande majorité (87 %) vivait en couple.»
Les semaines de 40 heures de travail – et souvent selon des horaires imprévisibles – étaient le lot de 6 personnes sur 10, tandis que près du quart (23 %) travaillaient plus de 40 heures par semaine, de sorte que 63 % des participants ont déclaré avoir une charge de travail lourde ou très lourde.
Il est donc peu étonnant que plus de la moitié des participants à l’étude (55 %) aient vécu des conflits découlant de leurs responsabilités et rôles professionnels et familiaux, et ce, tant chez les hommes que chez les femmes.
Favoriser le soutien social sur les chantiers
Pour la majorité des participants, le soutien social offert tant par les partenaires de vie que par les collègues de travail ou les superviseurs permet de réduire les conflits travail-famille, selon des proportions différentes, car il tempère la perception de la charge de travail.
Si les travailleuses et travailleurs interrogés estiment recevoir surtout du soutien social de leur partenaire et très peu de leurs collègues et superviseurs, les résultats de l’étude démontrent qu’avoir un appui accru de la part du supérieur ou de la supérieure et des collègues permettrait d’atténuer les conflits travail-famille.
«S’il est bien connu que le soutien social peut influencer directement et indirectement le conflit travail-famille, nos résultats montrent que le soutien social du superviseur ou de la superviseuse et des collègues a des effets directs plus importants sur les conflits travail-famille. Quant au soutien social du partenaire ou de la partenaire, il a une incidence indirecte plus grande sur le conflit travail-famille, puisqu’il contribue à alléger la perception de la charge de travail», poursuit Laurie Galardo.
Selon elle, cela découle du fait que le ou la partenaire assume la majorité des tâches domestiques et des soins aux enfants, soutenant ainsi le travailleur ou la travailleuse, lui permettant de consacrer son temps et son énergie à son travail.
Pour Laurie Galardo, les organisations auraient avantage à favoriser le soutien social au travail – par exemple en promouvant une culture d'entraide – afin de s'assurer que la conciliation travail-famille est valorisée sur le lieu de travail.
La solution se trouve dans l’établissement d’un soutien social accru de la part des patrons mais aussi des collègues, car le pouvoir d’action des conjoints sur l’organisation du travail et la culture du milieu est limité, estime-t-elle.
«Mis concrètement dans le contexte de la théorie de la conservation des ressources, un superviseur ou une superviseuse pourrait par exemple offrir plus de souplesse dans les heures d’arrivée sur le chantier pour que ses employés aient davantage de contrôle sur leur agenda familial, soumet-elle. Mais pour ce faire, il importe de transformer la culture de l’industrie de la construction pour la rendre elle-même plus soutenante.»
«Cela demandera aussi la participation de l’ensemble des acteurs de ce secteur névralgique pour l’économie du Québec, dont les employeurs, les syndicats, la Commission de la construction du Québec et les décideurs politiques», conclut celle qui a pu valider ses hypothèses de recherche avec son conjoint… qui travaille dans le milieu de la construction!
