Entre pensée intrusive et TOC: anatomie d’une obsession

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Une étude permet de désigner les caractéristiques spécifiques du trouble obsessionnel-compulsif en comparaison des idées intrusives chez d’autres populations cliniques et non cliniques.

Qui n’a pas déjà été obnubilé par une pensée? Ou n’a pas eu l’esprit traversé par une idée insensée ou inadéquate? Ou encore n’a pas machinalement répété des gestes comme vérifier à plusieurs reprises si la porte est bien verrouillée? De telles situations relèvent du domaine de la normalité; ces pensées dites intrusives disparaissent progressivement et la vie reprend son cours.

Par contre, pour certains individus, de telles pensées deviennent incontrôlables, persistantes et envahissantes. Elles peuvent aussi conduire à des «rituels» qui visent à les apaiser, qui prennent alors l’ampleur de compulsions. Par exemple, la peur intense – une obsession – d’être contaminé au contact de toute surface mènera à se laver les mains à outrance – la compulsion. C’est à ce moment qu’on parle d’un trouble obsessionnel-compulsif (TOC).

Mais comment tracer la ligne entre les intrusions obsessionnelles et celles qui ne le sont pas?

C’est ce qu’a cherché à savoir Jean-Sébastien Audet dans son doctorat dirigé par Frederick Aardema, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal.

Le doctorant en psychologie a réalisé une revue systématique pour rendre compte des caractéristiques spécifiques des obsessions liées à un TOC en comparaison des idées intrusives dans la population générale et chez des personnes souffrant d’anxiété et de dépression.

Une question d’intensité et d’anxiété

Jean-Sébastien Audet

Jean-Sébastien Audet

À la lumière de ses résultats, Jean-Sébastien Audet constate que, chez les personnes souffrant d’un TOC, les pensées intrusives sont plus fréquentes, elles durent plus longtemps et mènent à un besoin d’agir – la compulsion – pour les neutraliser.

Le chercheur insiste sur la détresse importante que provoquent les idées intrusives liées à un TOC. «Les pensées suscitent une culpabilité plus grande que dans les autres troubles anxieux. Elles sont également ressenties comme plus désagréables, plus inacceptables, plus incontrôlables et associées à une plus vive inquiétude quant à la possibilité que l'idée devienne réalité», précise-t-il.

Cette détresse s’explique notamment par la dissonance entre le contenu des idées et la perception de soi. C’est particulièrement le cas lorsque les personnes ont des pensées «interdites» comme «Peut-être suis-je un meurtrier ou un pédophile», mais qu’au fond elles n’ont aucune envie de tuer ou d’agresser des enfants.

«Les patients qui souffrent d’un TOC vont penser qu’ils pourraient être la cause d’un danger – par exemple se faire voler ou tomber malades parce qu’ils ont été négligents – alors que ceux qui souffrent de dépression ne croient pas qu’ils sont dangereux, mais plutôt qu’ils n’ont pas de valeur, et ceux vivant avec un trouble anxieux se perçoivent comme des victimes du danger», ajoute Jean-Sébastien Audet.

Mieux comprendre pour mieux intervenir

Pour le chercheur, connaître les caractéristiques propres du trouble obsessionnel-compulsif permet à la personne qui en souffre, mais aussi à ses proches, de mieux comprendre son état pour parvenir à intégrer que ses pensées ne sont pas réelles. Cela permet une prise en charge précoce.

Dans la majorité des cas, le TOC se traite efficacement par une médication et une psychothérapie appelée «exposition avec prévention de la réponse». Le patient est alors exposé à des situations qui causent ou déclenchent ses obsessions et il est encouragé à ne pas exécuter les rituels qui aident habituellement à limiter son anxiété.

Le groupe de recherche du professeur Frederick Aardema dont fait partie Jean-Sébastien Audet propose un autre type de thérapie basée sur le raisonnement. «Nous pensons que le TOC viendrait d’un narratif, d’une histoire qui “justifie” le fait d’avoir ces peurs, mais que cette histoire n’est pas basée sur la réalité, sur des faits dans l’ici et maintenant. Nous essayons donc de faire réaliser cela à la personne pour qu’elle cesse éventuellement de répondre à ses compulsions, puisque les peurs n’ont plus de sens pour elle», explique le doctorant.

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