Un réseau international de doctorantes et de docteures

Ce réseau a été cofondé par Lydie C. Belporo, elle-même étudiante de doctorat en criminologie à l’Université de Montréal.

Ce réseau a été cofondé par Lydie C. Belporo, elle-même étudiante de doctorat en criminologie à l’Université de Montréal.

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En 5 secondes

Le RIFDOC est un environnement inclusif pour toutes les chercheuses dans la francophonie, qui leur offre soutien, informations et collaborations mutuellement bénéfiques.

Lydie C. Belporo

Lydie C. Belporo

Crédit : Courtoisie

Lucie Morin, doctorante à l’École de travail social de l’Université de Montréal, s’intéresse aux effets des transformations institutionnelles et sociosanitaires sur les réseaux locaux d’action collective en milieux ruraux. Valérie Lefebvre, étudiante de doctorat en chimie à l’UdeM, travaille sur l’étude des propriétés des couches minces de phosphore noir, un matériau semi-conducteur prometteur dans le domaine des nanotechnologies et de l’électronique imprimée.  

Ainsi peut-on découvrir les sujets de recherche de plusieurs centaines de doctorantes du monde entier dans le bottin du Réseau international des femmes doctorantes et docteures (RIFDOC).  

Ce réseau a été cofondé par Lydie C. Belporo, elle-même étudiante de doctorat en criminologie à l’Université de Montréal. Elle nous en dit plus sur le RIFDOC. 

Pourquoi avez-vous créé le RIFDOC?

L'idée du Réseau est née en plein cœur de la pandémie. À l'époque, je me préparais à passer mon examen de synthèse et, bien sûr, avec les restrictions liées à la crise sanitaire, je me suis retrouvée assez isolée. En faisant des recherches, j'ai réalisé qu'il n'existait pas vraiment de structures où je pouvais avoir de l’information pertinente, participer à des ateliers ou rencontrer d'autres personnes au parcours similaire, notamment dans le domaine de la criminologie. Ma cohorte était petite et certains vivaient loin, ce qui rendait difficile la communication. 

J'en ai discuté avec l'un de mes mentors, Jacque Livernois, et nous avons évoqué la possibilité de créer une plateforme permettant aux femmes suivant des trajectoires analogues de se rencontrer. Cette idée n’est pas si nouvelle si l’on songe à l’existence des gentlemen's clubs autrefois en Grande-Bretagne, où des hommes se réunissaient pour partager des astuces et des ressources. Avec une collègue de doctorat, Amandine Hamon, nous avons pensé à constituer un groupe privé sur Facebook où nous pourrions parler de nos défis et faire connaître nos ressources. 

Cette initiative a vu le jour aussi grâce à d’autres femmes engagées comme Isabelle Roberge-Maltais, Khaoula Boulaamane, Audrey Bélanger et Alessandra Harissi Dagher. Au fil du temps, nous avons rassemblé plusieurs centaines de membres. Actuellement, notre groupe en compte environ 500 et plus de 1300 personnes nous suivent sur notre page LinkedIn. 

Pourquoi avoir formé un réseau international plutôt qu’un réseau local?

Nous souhaitions atteindre les doctorantes de plusieurs pays. Nous avions la quasi-certitude que les femmes des milieux de l’enseignement et de la recherche partagent des défis similaires, tels que la diffusion de leurs travaux, la conciliation entre la maternité et la carrière ainsi que les choix postdoctoraux. Au lieu de nous limiter à Montréal ou au Québec, nous avons estimé qu'il serait plus enrichissant d'ouvrir le réseau à l'échelle de la francophonie. 

Nous avons également voulu décloisonner les disciplines, car les enjeux auxquels les chercheuses font face semblent être universels, quelle que soit leur spécialisation. Nous croyons fermement à la collaboration et nous avons imaginé que des possibilités de collaboration pourraient émerger simplement par le partage d’informations sur les évènements relatifs aux études ou à la recherche dans différents pays. 

Personnellement, je tiens à renforcer la collaboration Nord-Sud. Je sais que l'accès à la documentation et la participation à des conférences peuvent parfois représenter un défi. Notre réseau permet aux femmes de partager des ressources, de prendre part à des ateliers virtuels et de créer des liens plus facilement, contribuant ainsi à une recherche plus inclusive et accessible. 

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée en tant que doctorante et quels sont ceux de vos paires?

Lorsque j'ai passé mon examen de synthèse, durant la pandémie, je devais m'occuper de ma petite fille âgée de deux ans, car les garderies étaient fermées. De nombreuses femmes ont à jongler avec de telles responsabilités, comme en témoigne notre sondage auprès des membres. 

Les principaux enjeux qui en sont ressortis sont la conciliation vie familiale et études ainsi que les questions de fertilité. À notre participation au 90e Congrès de l'Acfas, l'an dernier, nous avons abordé ces thèmes dans notre colloque sur les enjeux féminins dans l'écosystème de l’éducation. Nous avons discuté de la discrimination liée aux identités féminines, des rôles genrés en enseignement et en recherche et des défis liés à l’égalité salariale.  

Un autre défi majeur est le choix de carrière après le doctorat. Différentes statistiques montrent que de nombreuses femmes décident de ne pas entreprendre de carrière dans leur discipline en raison des obstacles rencontrés, par exemple la précarité des postes au début de leur vie professionnelle ou les attentes en matière de mobilité géographique et le volume de publications. Les biais dans l'évaluation de l’enseignement, les charges administratives ou d'enseignement disproportionnées ou encore le système et les critères de promotion dans la carrière peuvent s'avérer décourageants.  

Il est important de sensibiliser à ces questions et de promouvoir des solutions innovantes pour avancer. Il ne s'agit pas seulement de pointer du doigt les problèmes, mais aussi de trouver des moyens créatifs pour les résoudre et favoriser l'avancement égalitaire des femmes en enseignement et en recherche.  

Comment promouvoir l'avancement égalitaire des femmes dans les milieux de l’éducation et de la recherche? Avez-vous des solutions novatrices à partager?

En termes de flexibilité, nous pourrions envisager d'organiser les réunions départementales ou des évènements à des moments plus propices pour un plus grand nombre de personnes. Par exemple, les horaires universitaires traditionnels pourraient être adaptés selon les responsabilités familiales. La valorisation de divers types de contributions, comme le mentorat ou le travail communautaire, serait une avancée importante. 

Une autre initiative appréciée par nos membres a été de faire connaître les défis que les femmes dans le milieu de l’enseignement et de la recherche ont à relever. En partageant certaines expériences et des conseils pratiques, nous pouvons mieux préparer les jeunes chercheuses à surmonter ces défis et faire en sorte qu’elles évitent certaines erreurs courantes. Ainsi, un mentorat entre paires ou avec des professeures plus expérimentées peut être très bénéfique pour le partage des stratégies. 

Nous prévoyons travailler sur un projet destiné à encourager la collaboration entre femmes pour augmenter les publications et collaborations scientifiques. Cela pourrait mener à des ateliers ciblant les doctorantes qui souhaitent être mieux outillées et à un soutien continu jusqu'à la publication des articles. 

En outre, nous explorons la possibilité d'inciter les universités à proposer des services de garde lors d'activités telles que des conférences ou des colloques. Cela faciliterait la participation des femmes en réduisant les contraintes liées à la garde d'enfants. 

Un autre défi important est celui de la mobilité. Les politiques universitaires encouragent souvent la mobilité internationale pour les chercheurs et chercheuses, mais cela peut être difficile pour les femmes en situation de parentalité. Nous cherchons donc à favoriser l’organisation d’évènements et la mise sur pied de collaborations qui prennent en compte cette réalité, par exemple par la couverture des frais de déplacement. Cela augmenterait la présence des femmes et contribuerait de façon concrète au rayonnement de leurs travaux.