L’École d’hygiène de l’UdeM, première école de santé publique du Québec

Professeurs, administrateurs et étudiants de l’École d’hygiène, en 1965

Professeurs, administrateurs et étudiants de l’École d’hygiène, en 1965

Crédit : Archives UdeM, Fonds Bureau de l'information, D0037/2fp00674

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En activité de 1945 à 1969, l’École d’hygiène de l’Université de Montréal a été la première unité d’enseignement universitaire francophone consacrée à la formation en hygiène et en santé publique.

Saviez-vous que l’École d’hygiène de l’Université de Montréal, qui a été en activité de 1945 à 1969, fut la première unité d’enseignement universitaire francophone consacrée à la formation en hygiène et en santé publique? Et que son rayonnement dépassait largement les frontières du pays?

Le fonds d’archives de l’École d’hygiène, conservé à la Division des archives et de la gestion de l’information de l’UdeM, nous permet de retracer les étapes marquantes de l’histoire de cette école phare.

Aux origines de la santé publique québécoise: l’hygiène

La crise sanitaire engendrée par la pandémie de COVID-19 a remis à l’avant-plan le rôle essentiel de la santé publique. Au Québec comme ailleurs, la Direction générale de la santé publique s’est révélée un acteur clé dans la coordination des mesures d’hygiène et dans la sensibilisation du public aux enjeux de prévention et de santé durable.

Si la pandémie de COVID-19 est la plus récente crise de santé publique, elle n’est certainement pas la première. La maladie et les épidémies font partie du quotidien des populations depuis des temps immémoriaux. Il faut toutefois attendre la fin du 19e siècle et les avancées majeures de la bactériologie pour que s’établisse un lien clair entre les conditions de vie des individus et la prévention de certaines maladies infectieuses.

L’hygiène s’impose alors comme une véritable spécialité de la médecine. Au Québec et en Amérique du Nord, le tournant du 20e siècle est également marqué par un développement important de la médecine préventive et de l’hygiène comme discipline scientifique.

La fondation de l’École d’hygiène de l’Université de Montréal témoigne de cette tendance. C’est en 1945 que l’école est mise sur pied à l’instigation notamment du médecin et microbiologiste Armand Frappier et du ministère provincial de la Santé, lequel accorde à l’école une subvention de 40 000 $ par an sur 20 ans. L’intention est alors de moderniser la santé publique au Québec et de former sur place et en français «les officiers et les techniciens de la santé publique», autrement contraints de s’exiler au Canada anglais ou aux États-Unis.

Dans un mémoire déposé devant les membres de la Société d’administration de l’Université, en 1945, le Dr Frappier expose son projet: offrir un enseignement postsecondaire de l’hygiène dans une école autonome travaillant en collaboration avec la Faculté de médecine (malgré la réticence des dirigeants de cette dernière) et l’Institut de microbiologie et d’hygiène tout en se conformant aux prescriptions de l’American Public Health Association.

L’œuvre d’un visionnaire: Armand Frappier

Portrait du Dr Armand Frappier, premier doyen de l’École d’hygiène (1946-1965), s.d / Photo : André Larose.

Portrait du Dr Armand Frappier, premier doyen de l’École d’hygiène (1946-1965), s.d / Photo : André Larose.

Crédit : Archives UdeM, Fonds Bureau des communications et des relations publiques, D0067/1fp01059

Né à Salaberry-de-Valleyfield au début du 20e siècle, Armand Frappier (1904-1991) est confronté dès sa jeunesse aux effets dévastateurs de la maladie. La tuberculose frappe durement sa famille, emportant entre autres sa mère en 1923, à l’âge de 40 ans. Profondément marqué par cette épreuve, il entame l’année suivante des études en médecine à l’Université de Montréal.

Il étudie ensuite la bactériologie à l’étranger, notamment à l’Institut Pasteur à Paris, au contact des découvreurs du vaccin BCG (bacille de Calmette-Guérin) contre la tuberculose. Pionnier de la recherche sur les maladies infectieuses et de la vaccination contre la tuberculose au Canada, il dirige le Département de bactériologie de la Faculté de médecine de l’UdeM à partir de 1933 et, cinq ans plus tard, il fonde l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal (devenu l’Institut Armand-Frappier, puis le Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS [Institut national de la recherche scientifique]), sur le modèle de l’Institut Pasteur.

La création, en 1945, de l’École d’hygiène de l’Université de Montréal s’inscrit dans la continuité de cet institut. Leur collaboration est étroite, l’école profitant des locaux, laboratoires et ressources matérielles et humaines de l’institut. C’est d’ailleurs le Dr Frappier qui dirigera l’École d’hygiène pendant 20 ans à titre de doyen (1945-1965). Il y enseignera également.

La formation d’une génération de spécialistes en santé publique

Le Dr Maurice Panisset, deuxième doyen de l’École d’hygiène (1965-1969), 4 mai 1964 / UdeM Centrale de photographie.

Le Dr Maurice Panisset, deuxième doyen de l’École d’hygiène (1965-1969), 4 mai 1964 / UdeM Centrale de photographie.

Crédit : Archives UdeM, Fonds Bureau de l'information, D0037/1fp05136

Tel qu’il est énoncé dans ses règlements pédagogiques et disciplinaires, l’École d’hygiène est fondée dans le but de «former, ici même dans cette Province, des candidats de langue française pour les postes de toutes catégories d’officiers de la santé publique [et] d’assurer l’enseignement de l’hygiène publique à divers groupes professionnels se destinant au service de la santé publique».

Très tôt, l’enseignement offert par l’École d’hygiène se structure autour de quatre grands secteurs, qui correspondent à des départements: microbiologie et immunologie; épidémiologie et biométrie; hygiène des milieux; administration de la santé publique et médecine sociale. Au fil de ses quelque 25 années d’existence, l’école délivrera des diplômes en hygiène publique, hygiène vétérinaire publique et hygiène dentaire publique, en plus de diplômer des infirmières hygiénistes.

À ces formations s’ajouteront une licence en hygiène et une maîtrise en éducation sanitaire pour les professionnels de l’enseignement, un cours pour les inspecteurs sanitaires, un baccalauréat en éducation physique et récréation et une maîtrise en administration hospitalière.

Cet enseignement bénéficie de l’apport et du regard croisé de médecins hygiénistes, vétérinaires et ingénieurs réputés tels que Roger Foley, Adélard Groulx, Maurice Panisset et Théo J. Lafrenière.

Agréée par la prestigieuse American Public Health Association à partir de 1954, l’École d’hygiène attire de nombreux médecins hygiénistes de pays surtout francophones et désireux de perfectionner leur apprentissage de la santé publique à la seule école d’hygiène de langue française en Amérique. Des boursiers y sont envoyés, parfois par l’entremise de l’Organisation mondiale de la santé, en provenance d’Haïti, du Liban, de l’Iran, de la Syrie, du Cambodge et de la France.

Disparition et héritage de l’École d’hygiène

Les années 1960 sont marquées par une série de restructurations qui ébranlent durablement l’École d’hygiène de l’UdeM, à commencer par le déménagement de l’Institut de microbiologie et d’hygiène en dehors du campus de l’Université en 1964.

L’école se remettra difficilement du départ de l’institut, avec lequel elle entretenait un lien organique. Les diverses tentatives de réorganisation faites par ses administrateurs, au cours des années suivantes, ne suffiront pas à redresser l’unité, dont le manque de moyens va en s’aggravant.

En 1969, sur la recommandation du Comité du développement académique, l’École d’hygiène est rebaptisée «École de santé publique». En outre, certains de ses départements sont rattachés à d’autres facultés de l’UdeM, telles que les facultés de médecine, des sciences infirmières et des sciences de l’éducation. Si elle cesse alors d’exister officiellement, l’École d’hygiène a néanmoins jeté les bases essentielles d’un enseignement francophone en santé publique – en plus de poser les jalons qui mèneront, près de 50 ans plus tard, à la création officielle de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

 

Sources  

• Archives UdeM, Fonds École d’hygiène, E0119.
• Archives UdeM, Fonds Secrétariat général, D0035.
• Institut national de la recherche scientifique, L’effort de guerre d’Armand Frappier.
• Georges Desrosiers, Benoit Gaumer et Othmar Keel, «Contribution de l’École d’hygiène de l’Université de Montréal à un enseignement francophone de santé publique, 1946-1970», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 47, no 3, hiver 1994.

  • École d’hygiène, 1950-1951, annuaire (extrait).

    École d’hygiène, 1950-1951, annuaire (extrait)

    Crédit : Archives UdeM, Fonds École d’hygiène, E0119/GE0119010002
  • Lettre du Dr J.M. MacKintosh, de l’Organisation mondiale de la Santé, au Dr Armand Frappier, 22 juin 1960.

    Lettre du Dr J.M. MacKintosh, de l’Organisation mondiale de la Santé, au Dr Armand Frappier, 22 juin 1960

    Crédit : Archives UdeM, Fonds École d’hygiène, E0119-06600-D0007

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