Changements climatiques et alimentation: urgence d’agir pour la santé cardiovasculaire

Cette étude met en évidence le besoin urgent de stratégies pour améliorer l’accès aux produits de la mer des Premières Nations côtières.

Cette étude met en évidence le besoin urgent de stratégies pour améliorer l’accès aux produits de la mer des Premières Nations côtières.

Crédit : Getty

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Une nouvelle étude montre que la réduction de la consommation de produits de la mer en raison de la crise climatique met en danger la santé des Premières Nations en Colombie-Britannique.

Chez les Premières Nations côtières de la Colombie-Britannique, un apport réduit en ressources alimentaires marines en raison des changements climatiques pourrait avoir un effet négatif sur la santé cardiovasculaire des individus.

Modélisée à partir de projections climatiques existantes, la baisse de la consommation de produits de la mer augmenterait le risque d’infarctus de 1,9 à 2,6 % chez les hommes et de 1,3 à 1,8 % chez les femmes. Chez les personnes âgées de 50 ans et plus, ce risque passerait de 4,5 à 6,5 %.

Ces résultats proviennent d’une récente étude découlant de l’Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement chez les Premières Nations (EANEPN), un projet commun de l’Assemblée des Premières Nations, l’Université de Montréal et l’Université d'Ottawa.

Malek Batal, professeur au Département de nutrition de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé, est l’un des chercheurs principaux de cette vaste initiative.

Une alimentation traditionnelle compromise

Malek Batal

Malek Batal

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En Colombie-Britannique, les régimes alimentaires traditionnels des Premières Nations côtières comprennent une grande diversité de produits issus de la mer tels que les poissons, les crustacés, les algues et les mammifères marins. Ces aliments constituent des sources importantes de protéines, de micronutriments et d’acides gras oméga-3 polyinsaturés, en plus d’être faibles en gras.

Or, en raison de la crise climatique, ces ressources ont tendance à se raréfier. La moitié des personnes interrogées considèrent d’ailleurs que leur quantité est déjà insuffisante. Par exemple, les différentes variétés de saumons font partie des espèces les plus sensibles aux changements climatiques, alors qu’elles sont la source principale d’acides gras des Premières Nations.

«D’un point de vue épidémiologique, nous savons que les oméga-3 sont associés à une diminution des maladies cardiaques, indique Malek Batal. Mais les sources de ces “bons gras” s’amenuisent d’année en année et les autres options sont souvent de piètre qualité nutritive, notamment des aliments hautement transformés.»

À ce manque de solutions de remplacement s’ajoutent la grande précarité des Premières Nations, touchées par une insécurité alimentaire grave (qui concernerait 65 % des individus), la sédentarité, la discrimination. «Autant de facteurs qui contribuent à accroître les risques de maladies cardiovasculaires», souligne le chercheur spécialisé en déterminants environnementaux, sociaux, économiques et culturels des choix alimentaires.

L’alimentation saine, un droit

Pour Malek Batal, cette étude met en évidence le besoin urgent de stratégies pour améliorer l’accès aux produits de la mer des Premières Nations côtières. Parce que, en plus de favoriser la santé nutritionnelle et cardiovasculaire des individus, ce type d’alimentation permet de «développer un lien culturel fort, de socialiser et de bouger, et par la bande d’améliorer la santé mentale».

À noter que les changements climatiques ne constituent pas l’unique barrière à la consommation de produits marins. Le manque de temps, d’équipements ou de savoirs traditionnels pour obtenir ces ressources ainsi que la pêche commerciale sont aussi des entraves.

Le chercheur considère qu’il faudrait redoubler d’efforts pour, par exemple, distribuer des aliments traditionnels, organiser des sorties de pêche, proposer des ateliers en vue d’apprendre à capturer et à apprêter de nouvelles espèces, mais aussi encadrer davantage l’élevage, qui contribue au déclin des espèces sauvages.

«Les systèmes alimentaires traditionnels sont essentiels aux Premières Nations, il n’existe pas de ressources équivalentes des points de vue nutritionnel et culturel. Mettre en place des solutions, comme nous proposons dans l’EANEPN, devrait faire partie des efforts politiques, mais aussi individuels, en matière de réconciliation et de décolonisation», estime Malek Batal.

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