Nathalie Lambert, la femme qui file
- Revue Les diplômés
Le 7 décembre 2017
- Mathieu-Robert Sauvé
Diplômée en éducation physique de l’UdeM, Nathalie Lambert a obtenu quatre médailles olympiques.
«Voici une médaille que jamais je n’aurais imaginé porter», lance Nathalie Lambert au moment de recevoir l’Ordre du Canada, le 17 février 2017, souriant au photographe du représentant de la Reine en compagnie de son conjoint, Daniel Gaudette, et de leurs filles adoptives, Ann-Li et Yan Mei.
Le gouverneur général du Canada d’alors, David Johnston, vient de remettre à la quadruple médaillée olympique l’insigne en forme d’un flocon de neige qui entoure une feuille d’érable d’or. La diplômée de l’Université de Montréal en éducation physique (1988) accède ce jour-là au grade d’officière de l’Ordre en même temps que le musicien montréalais Gregory Charles et d’autres Canadiens ayant apporté «une contribution extraordinaire à la nation». «Félicitations, Nathalie, pour cet honneur qui souligne ton travail, ta gentillesse et tes attentions sur la glace et hors de la patinoire», écrit sur Twitter la cycliste et patineuse de vitesse longue piste Clara Hughes, elle aussi membre du club sélect des officiers de l’Ordre du Canada.
«C’était pour moi un moment de grande fierté», dit quelques mois plus tard Nathalie Lambert, confortablement assise au salon du Club sportif MAA Montréal, où elle est directrice des programmes sportifs et des communications depuis 1999. «Constater qu’on est toujours présent dans la mémoire collective, ça fait vraiment plaisir», déclare la femme de 53 ans qui est dans une forme resplendissante. La franchise et l’humilité colorent les propos de cette athlète qui a grandi sur Le Plateau-Mont-Royal, à Montréal, où son père tenait une biscuiterie.
Il y a plus de 20 ans qu’elle a quitté le monde de la compétition, mais elle n’a jamais oublié la fébrilité ressentie sur la ligne de départ d’une course où les concurrents filent à des pointes de 45 km/h et où le moindre faux mouvement peut provoquer une chute et la disqualification. «Rien ne peut égaler le stress de ce moment-là», se souvient-elle.
Nathalie Lambert est demeurée engagée au sein des communautés olympiques canadienne et internationale. En 2010, par exemple, elle a été nommée chef de mission de l’équipe canadienne aux jeux d’hiver, tenus à Vancouver. En 2016, elle devenait la première femme à présider le comité technique des épreuves de patinage de vitesse sur courte piste à l’International Skating Union. Dans le cadre de ses fonctions, elle voit à la sélection et à la formation des officiels qui appliquent les règlements dans les championnats du monde et les compétitions olympiques, ce qui l’amène à se déplacer régulièrement en Suisse, où se trouve le siège social de l’organisme.
Immense championne
«Nathalie Lambert a été une immense championne», mentionne la journaliste sportive Marie-José Turcotte dans un reportage diffusé à Radio-Canada peu avant les jeux de Sotchi, en 2014. Rappelant ses exploits, la journaliste indique que Nathalie Lambert est parmi les rares compétitrices, au Canada, à avoir participé aux Olympiques à trois reprises. À son tableau d’honneur figurent aussi 3 championnats mondiaux au cumulatif des épreuves individuelles et 12 dans des épreuves à relais.
Ses souvenirs les plus vifs? L’arrivée de la délégation canadienne dans le stade de Calgary en 1988; le patinage de vitesse est alors un sport de démonstration et l’équipe canadienne fait honneur au pays en remportant le bronze au relais par équipe. Puis lorsqu’elle gagne sa première médaille d’or à un relais à Albertville en 1992 et sa médaille d’argent au 1000 m des Olympiques de Lillehammer, en 1994. «C’était une médaille individuelle. Elle a été la plus difficile à conquérir. Pour moi, elle vaut de l’or», commente-t-elle.
Charles Cardinal, qui a fait carrière comme professeur à l’Université de Montréal, se souvient d’une «étudiante déterminée qui avait toutes les qualités d’une grande leader». Nathalie Lambert ne se distinguait pas par un caractère flamboyant et extraverti, confie-t-il aux Diplômés. Mais quand on apprenait à la connaître, elle se révélait inspirante pour le groupe. «C’est une personne qu’on a envie d’écouter et de suivre. Pour une jeune femme qui se destinait à l’entraînement, c’est une qualité très précieuse», observe le professeur retraité.
«Pas spécialement douée»
C’est par hasard que l’aînée d’une famille de trois enfants a découvert à 12 ans le patinage de vitesse. Carole, une de ses amies, s’était inscrite à un cours à l’aréna Mont-Royal et elle l’avait accompagnée par curiosité. Elle a instantanément aimé l’excitation suscitée par les petites compétitions dans le groupe. «Pourtant, je n’étais pas très bonne au début», dit-elle en riant.
Nathalie Lambert affirme que certaines personnes ont «le sport dans le sang»; ce n’était pas son cas. «Pour certains athlètes, dont je fais partie, c’est plus long. Je n’étais pas spécialement douée pour l’exercice physique.»
Elle attribue son succès à un facteur capital: le travail. «Ça prend 10 000 heures pour réussir dans un sport, évalue-t-elle. Des jeunes que je rencontre à l’occasion pensent qu’ils peuvent y arriver en 2000 heures. Ils veulent tout, tout de suite. Ils se trompent.»
Bien qu’elle ait l’impression d’avoir vécu deux vies en une seule dans les années 80, elle conserve de beaux souvenirs de cette époque. «J’ai connu l’atmosphère des partys de début de trimestre et je me suis liée d’amitié avec plusieurs étudiants de ma cohorte. Mais comme j’étais souvent en déplacement, je devais travailler différemment. Je traînais des tonnes de livres pour étudier dans mes temps libres par exemple.»
Depuis l’adoption de ses filles, il y a 10 ans, Nathalie Lambert a la sensation d’avoir enfin déposé ses valises, même si elle doit à l’occasion voyager pour des réunions. «J’ai donné 20 ans de ma vie à la carrière d’athlète internationale qui vit dans les hôtels; je suis maintenant dans un cycle de vie familiale, sédentaire. Ça me convient parfaitement.»