Morgane Schambourg, la vétérinaire qui fait avancer la médecine équine

Morgane Schambourg

Morgane Schambourg

Crédit : Christophe Dubé

En 5 secondes

Spécialiste en chirurgie équine et en médecine sportive, Morgane Schambourg devient professeure adjointe à la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM.

Dès son plus jeune âge, Morgane Schambourg affichait une passion pour les animaux et plus particulièrement pour les chevaux. «Quand je serai grande, je serai docteure pour animaux et surtout pour les chevaux», disait la petite fille qui adorait faire de l’équitation. Ce rêve d’enfance s’est réalisé. Aujourd'hui, elle est professeure adjointe en chirurgie équine et en médecine sportive à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, où elle incarne l'excellence dans le domaine de la médecine équine. Parmi ses découvertes, elle a notamment mis au point une méthode de contrôle antidopage pour les chevaux de course d’endurance qui a été adoptée internationalement. 

Un parcours de formation exemplaire qui conduit à Saint-Hyacinthe

Après avoir obtenu un doctorat en médecine vétérinaire à l'École nationale vétérinaire de Nantes en 1998, Morgane Schambourg s’envole pour le Québec. Faisant partie des trois meilleurs étudiants de sa promotion en médecine équine, elle a été sélectionnée pour venir faire un stage de trois semaines à la Faculté de médecine vétérinaire de l'UdeM à Saint-Hyacinthe. «Quand je suis arrivée à la faculté, j’ai découvert un niveau de formation très avancé. En France, l’option de la médecine équine était à l’époque le parent pauvre des écoles vétérinaires, avec seulement 40 heures d’enseignement qui devaient être complétées par de très nombreuses formations», indique-t-elle. 

Ses trois semaines de stage ont rapidement évolué en cinq semaines, puis se sont transformées en internat et en résidence. Et c’est ainsi que Morgane Schambourg a vécu une expérience canadienne de sept ans! 

Contributions à la recherche sur les chevaux

Durant son internat, Morgane Schambourg a mené une étude rétrospective sur les fractures de côtes chez les poulains sous la supervision de la Dre Sheila Laverty. Cette recherche, basée sur des autopsies effectuées en Irlande et à la Faculté de médecine vétérinaire, a produit des résultats cliniques significatifs et applicables. Elle a démontré que les fractures étaient souvent situées sur les côtes 3 à 8 et causées par la compression exercée par le coude de l’animal sur la cage thoracique lors du passage du détroit pelvien. «Ça a été une initiation assez enthousiasmante à la recherche, car nous avons pris comme point de départ quelque chose d’assez banal et nous avons mis en évidence la source du problème», déclare la vétérinaire.  

Elle poursuit: «Tout est parti de petits détails que nous avons reliés. C'est vraiment la beauté de ce métier, où la variété de notre pratique, contrairement à la médecine humaine qui demande de s'orienter vers une spécialité, nous offre un aperçu général et un recul très utiles. En ayant la possibilité de faire des échographies, des radiographies, de la chirurgie, un peu de médecine interne, nous avons une vision plus globale qui nous permet d’avoir des idées novatrices.» 

Ainsi un jour, elle reçoit un cheval cryptorchide, c’est-à-dire dont un testicule n’est pas descendu dans le scrotum. Elle doit déterminer si le cheval doit subir une chirurgie classique ou une laparoscopie, une intervention minimalement invasive consistant à introduire une caméra dans la cavité abdominale et de longs instruments à travers des canules pour agir à distance sur les organes. En utilisant l’échographie, elle réalise qu'il est possible de localiser le testicule sans recourir à la palpation transrectale, ce qui évite des risques de lacérations rectales. Elle décide de mener une étude prospective et démontre qu'il est possible de situer l’emplacement du testicule par voie échographique dans plus de 90 % des cas. 

Pendant sa résidence, Morgane Schambourg met également au point une technique de biopsie intestinale par laparoscopie. Pour s’entraîner, elle construit un modèle d’abdomen à l’aide d’un baril en bois avec des ports pour instruments. «J'y pendais de petits bouts d'intestin pour m'exercer à faire des sutures», raconte-t-elle. Elle réalise ensuite une étude pilote sur différents chevaux et confirme la faisabilité de la technique. 

Soigner les chevaux de course aux Émirats arabes unis

Morgane Schambourg pratique ensuite son métier de vétérinaire équine aux Émirats arabes unis, où s’ajoute une activité de vétérinaire officielle de la Fédération équestre internationale. «Je participais aux épreuves d’endurance, très populaires dans ce pays, en tant que vétérinaire officielle, mais aussi je montais en compétition, soignais des animaux concurrents et traitais les chevaux pendant et après les courses, ce qui m’offrait une vision très complète de ces aspects de la discipline», énumère-t-elle. Elle a alors remarqué une augmentation inquiétante des fractures chez les chevaux d’endurance, soumis à des entraînements rigoureux et à une vitesse croissante en compétition. «Il faut de nombreuses heures de travail journalier pour parvenir aux performances exceptionnelles qu’exigent ces courses. Les longues distances – de 100 à 160 km – et les vitesses élevées exercent une pression énorme sur l'organisme de ces animaux et beaucoup ne parviennent pas à supporter cette charge de travail, ce qui entraîne notamment des fractures», explique-t-elle. 

La vétérinaire a soupçonné que des substances neuroleptiques étaient administrées à certains chevaux pour masquer leur douleur et leur permettre de courir malgré des lésions préexistantes. «Ces chevaux-là passaient les contrôles vétérinaires, prenaient le départ et deux kilomètres plus loin ils étaient victimes d’une fracture sur la piste», note-t-elle. Devant cette situation alarmante, le frère du président des Émirats arabes unis lui a alors demandé pourquoi tant de chevaux se blessaient et quelles solutions étaient envisageables. 

Morgane Schambourg a fouillé la littérature scientifique et découvert des tests de nociception, utilisés pour évaluer la sensibilité à la douleur. «Il fallait trouver un test utilisable en compétition, permettant d’évaluer les chevaux régulièrement sans leur faire peur ni altérer leurs réponses», dit-elle. Les variables à prendre en compte étaient nombreuses: habituation du cheval, sensibilité individuelle, conditions climatiques, état de fatigue, etc.  

Elle a communiqué avec la Dre Poly Taylor, une vétérinaire renommée dans ce domaine et qui l’a rejointe aux Émirats arabes unis. Elles ont conçu un projet pilote dont les résultats ont été publiés dans une revue renommée. Cette publication a permis l'adoption, par la Fédération équestre internationale, de la technique qu’elles ont élaborée pour les tests antidopage. Désormais, cette méthode est utilisée dans des compétitions internationales partout en Europe, en Australie, en Amérique du Sud, au Proche-Orient. Grâce à cette innovation, le nombre de fractures des chevaux d’endurance a pu diminuer de façon marquée.

À la rescousse des dromadaires de course

Durant son séjour proche-oriental, Morgane Schambourg a également découvert l'univers des dromadaires de course et développé un peu plus son expertise en médecine sportive, plus spécifiquement en orthopédie. La chercheuse a remarqué que ces animaux présentent certaines maladies orthopédiques comparables à celles des chevaux de course, bien que leur mode de déplacement et leur structure corporelle entraînent des particularités distinctes. «Les dromadaires se déplacent en reportant une partie de leur poids vers l'arrière. Leur corps est taillé pour l’endurance et non la vitesse, et les sprints sur pistes de course engendrent beaucoup de traumatismes aux carpes, des fractures d’humérus et de tarse ainsi que de l'arthrose», mentionne-t-elle. 
 

Retour à Saint-Hyacinthe comme professeure

Ces expériences de recherche ont poussé Morgane Schambourg à se tourner vers une carrière axée sur la recherche et l’enseignement. «Après avoir exercé longtemps en cabinet privé, je me suis dit que je serais utile à bien plus grande échelle en multipliant les projets de recherche pratique. J'ai beaucoup travaillé à l’échelle individuelle et maintenant j’aimerais laisser une empreinte durable et transmettre mon expérience», confie-t-elle. 

Quand elle a appris qu’un poste était vacant à la Faculté de médecine vétérinaire à Saint-Hyacinthe, elle a immédiatement postulé. «L'ambiance que j’y avais connue était excellente, il y avait une grande collégialité, une compétence, un dynamisme et un esprit d'équipe qui m'avaient énormément plu», ajoute la professeure. 

Ce poste comporte plusieurs aspects: la gestion de l’Hôpital équin du Centre hospitalier universitaire vétérinaire, soit les soins aux chevaux des clients et l’enseignement aux étudiants et étudiantes; l'enseignement théorique et pratique; et la recherche, qui contribue au rayonnement de l'Université. «C’est un bel équilibre entre la pratique, qui nous garde ancrés dans la réalité du terrain, et la recherche, qui nous pousse à approfondir les sujets et enrichit les apprentissages», souligne-t-elle. 

Morgane Schambourg et ses collègues chirurgiens prévoient fusionner le service de chirurgie et le service de médecine sportive pour développer ces spécialités. Elle continuera ses recherches orthopédiques sur les chevaux et perfectionnera sa technique d'évaluation de la douleur.