Échappées belles: livres, co-création, correspondances dans le surréalisme au féminin

L'exposition «Échappées belles: livres, co-création, correspondances dans le surréalisme au féminin»

L'exposition «Échappées belles: livres, co-création, correspondances dans le surréalisme au féminin»

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En 5 secondes

L’exposition «Échappées belles: livres, co-création, correspondances dans le surréalisme au féminin» est présentée à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales jusqu’au 23 décembre.

Andrea Oberhuber

Andrea Oberhuber

Aujourd’hui encore, le surréalisme est associé à des figures masculines telles qu’André Breton, Salvador Dalí ou Max Ernst. Mais derrière cette façade se cache un monde largement méconnu, celui des femmes surréalistes. Une nouvelle exposition inaugurée à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’Université de Montréal, Échappées belles: livres, co-création, correspondances dans le surréalisme au féminin, se propose de lever le voile sur ces créatrices qui, elles aussi, ont contribué de manière significative à l’esthétique de ce mouvement avant-gardiste. 

Grâce à une sélection de documents appartenant pour la plupart à la riche collection Gilles-Rioux de la Bibliothèque, l’exposition présente des œuvres d’écrivaines et d’artistes qui ont défié les conventions de leur époque. Claude Cahun, Marcel Moore, Valentine Penrose, Leonora Carrington, Lise Deharme, Leonor Fini, Gisèle Prassinos, Frida Kahlo et Nelly Kaplan (alias Belen) sont mises à l’honneur à travers des livres dits surréalistes et certaines correspondances.  

Conçue pour accompagner le colloque international «Échappées belles: correspondance de femmes surréalistes», organisé par Andrea Oberhuber, Sylvano Santini et Eve Lemieux-Cloutier, cette exposition offre un regard sur la diversité des œuvres surréalistes féminines. 

L’exposition a été réalisée en collaboration avec Jessica Bouchard, étudiante de maîtrise, qui travaille sur le don et l’abandon chez Unica Zürn. Ainsi qu’avec un groupe de 13 étudiants et étudiantes du séminaire Écrits des femmes (XIXe-XXIe siècles), dirigé par Andrea Oberhuber, professeure au Département des littératures de langue française de l’UdeM et commissaire de l’exposition: Lauriane Beaudoin, Maude Bissonnette, Sarah Bottela-Mokrane, Charles-William Brière-Gaudet, Bérengère Brisson, Maggie Brossard, Sarah Cornet, Ariane Lachapelle, Xavier Lacouture, Mélissa Kaja Luboya, Jérémie Kone, Imane Ouali et Maude Ouellette. Le montage a également bénéficié de l’expertise de Marie-Josée Lapalme, technicienne en muséologie. 

Repenser le manifeste surréaliste à travers une perspective féminine

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

La première section de l'exposition est consacrée aux manifestes, un genre littéraire historiquement associé à la voix des hommes. Le célèbre Manifeste du surréalisme, d'André Breton, s’y trouve dans sa version originale, mais l’équipe de conception a également cherché à rendre visibles des manifestes rédigés par des femmes, souvent ignorés des récits dominants. Parmi eux, Les paris sont ouverts, de Claude Cahun, publié en 1934, des textes manifestaires de Suzanne Césaire et Le manifeste d’un art nouveau: la polyvision, signé par Nelly Kaplan en 1955. L’écrivaine-cinéaste, figure avant-gardiste méconnue, y propose une réflexion visionnaire sur la notion de multiécran, un concept étonnamment moderne, qui résonne encore aujourd'hui dans les pratiques artistiques contemporaines. 

Le choix d’inclure des manifestes féminins témoigne d’une volonté de revisiter un genre traditionnellement perçu comme masculin, pour mieux souligner la participation des femmes à la définition des fondements du surréalisme. Andrea Oberhuber, dans son ouvrage Faire œuvre à deux, qui traite de la démarche collaborative dans le livre surréaliste au féminin, précise que, d’un point de vue historique, «le manifeste est un genre (littéraire ou politique) masculin. Mais il ne faut pas pour autant ignorer les prises de position théoriques des femmes. Kaplan, Césaire et Cahun, entre autres, ont formulé des visions de l'art et du rôle de l’artiste dans la société, qui méritent d'être reconnues et intégrées dans le corpus surréaliste». 

Huit œuvres, huit voix: un parcours intime et poétique

Le parcours de l’exposition nous guide à travers les œuvres de huit auteures emblématiques surréalistes. Elles ont été sélectionnées par sept binômes d’étudiants ainsi que par la commissaire de l’exposition. Parmi celles-ci, on trouve Don des féminines, de Valentine Penrose, où le texte et l’image se mêlent dans une poésie visuelle captivante. Le duo d’étudiantes Mélissa Kaja Luboya et Maude Ouellette qui a étudié cette œuvre a mis en lumière les collages oniriques et loufoques de l’artiste où l’on voit un cafard-cheval ou une femme-satellite.  

Gisèle Prassinos est présentée par les étudiants Lauriane Beaudoin et Charles-William Brière-Godet avec son livre Brelin le frou ou Le portrait de famille. Ce choix reflète leur envie de rendre hommage à une auteure qui, dès l’âge de 14 ans, a su fasciner les membres du groupe surréaliste. «Les étudiants ont placé le livre de Gisèle Prassinos sous le signe de l’ironie et du trompe-l’œil. Dans ce texte de facture (auto)biographique, très ironique, elle fait le portrait d'un physicien et celui de son frère artiste, complètement “frou”, qui lui permet de réfléchir sur la place de l’artiste au sein d’une famille vivant en Frubie-Ost à propos de laquelle tout est inventé», explique Andrea Oberhuber. 

En complément des œuvres choisies par ses étudiants et étudiantes, la commissaire de l’exposition a tenu à inclure Le Livre de Leonor Fini, livre-tombeau présenté avec Sylvano Santini, à travers lequel l'artiste a immortalisé ses trois volets de création: la peinture, le dessin et l’écriture. Connu pour son caractère énigmatique, où l’érotisme et le mystère se mêlent subtilement, le travail de Leonor Fini incarne une dimension plus sombre et complexe du surréalisme féminin.  

Des images qui n’illustrent pas les textes

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Au fil de l’exposition, on se rend compte que les images ne répondent pas systématiquement au texte et inversement. Dans ce contexte, les images ne sont pas là pour illustrer le texte de manière classique, mais plutôt pour susciter des questionnements et mener vers de nouvelles interprétations. «Dans les livres surréalistes, le dispositif texte-image fonctionne toujours sur un mode de dialogue en faisant valoir des rapports de collusion et de collision entre les deux moyens d’expression. Ce n’est pas un rapport hiérarchique où l’image se contente de reproduire le texte; il s’agit d’un jeu d’aller-retour, où les significations se multiplient et se déforment», explique Andrea Oberhuber. 

Le lecteur devient acteur visuel, explorant la matérialité des œuvres au-delà de leur sens littéral. Ce principe de coconstruction du sens, cher aux artistes surréalistes, est mis en avant dans cette exposition où, à chaque œuvre, on est invité à participer activement.

Des lettres exposées

Des lettres exposées

Des lettres exposées

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Une section de l’exposition est spécialement consacrée aux correspondances des femmes surréalistes, un aspect souvent négligé de leurs contributions artistiques et intellectuelles. «Il n'existe quasiment pas de publications sur la correspondance des créatrices surréalistes parce que très peu de lettres ont été publiées», dit Andrea Oberhuber. Parmi les lettres exposées figurent celles de Thérèse Renaud, adressées à Claude Beausoleil, et de Leonora Carrington, qui écrit à Benjamin Péret. Ces correspondances, à la fois intimes et littéraires, révèlent des liens profonds entre les créatrices et plusieurs membres du groupe surréaliste tout en témoignant de leurs propres cheminements et choix artistiques. 

L’exposition se conclut par une sélection de livres qu’on peut consulter à propos des femmes et du surréalisme. 

  • Journal de Frida Kahlo

    Journal de Frida Kahlo

    Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal
  • Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal
  • Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal
  • Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Informations pratiques

L’exposition est présentée dans la salle de consultation au quatrième étage de la Bibliothèque des lettres et sciences humaines de 9 h à 17 h, du 23 octobre au 23 décembre. 

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