De la recherche en épilepsie à l’IA: une scientifique au carrefour de l’innovation
- UdeMNouvelles
Le 10 février 2025
- Virginie Soffer
Chercheuse, enseignante et gestionnaire de formation en IA, Nathalie Sanon a su conjuguer passion pour la science et engagement social.
Fascinée dès l’enfance par la science, Nathalie Sanon a bâti une carrière alliant recherche fondamentale, enseignement et gestion scientifique. Après avoir exploré les mystères du cerveau et contribué à des avancées en neurosciences, elle met aujourd’hui son expertise au service de la formation en intelligence artificielle (IA). Ses contributions ont récemment été récompensées par la Médaille du couronnement du roi Charles III.
Une enfance baignée par la science
Très jeune, Nathalie Sanon a été immergée dans un environnement scientifique qui a forgé sa vocation. Sa mère, chercheuse, a été sa première source d'inspiration. «Elle m'emmenait au laboratoire lors des journées pédagogiques et des congés. C'était alors l'occasion pour moi de peser du sel, de mélanger des solutions d'eau et de sucre», se rappelle-t-elle. Pour la fillette, le laboratoire n'était pas un lieu étranger, mais une deuxième maison!
Lorsqu’elle entre au secondaire, Nathalie Sanon se découvre une attirance particulière pour les matières scientifiques, en particulier la biologie et la physique. Elle se souvient avec gratitude de sa professeure de physique, qui lui témoigna une confiance précieuse et encouragea ses ambitions scientifiques. «À cet âge-là, le regard qu’un professeur porte sur vous est particulièrement important. Elle m’a permis de me sentir capable de poursuivre loin mes études scientifiques», confie-t-elle. Au cégep, elle entreprend des études en sciences pures, puis se spécialise en biologie médicale à l'université.
Décrypter l’épilepsie pour percer certains mystères du cerveau
Durant son doctorat en neurosciences à l’Université de Montréal, elle étudie les mécanismes de l’épilepsie. «Je me suis concentrée sur la compréhension de ce qui rend un cerveau épileptique, surtout lorsque la maladie se manifeste à un jeune âge», raconte-t-elle. En collaboration avec le CHU Sainte-Justine, elle mène des recherches en électrophysiologie, en enregistrant l'activité électrique des neurones pour mieux comprendre les troubles associés à l'épilepsie.
Grâce à des enregistrements électrophysiologiques de cellules unitaires, Nathalie Sanon a pu analyser l'activité électrique et les caractéristiques membranaires de neurones inhibiteurs de l'hippocampe, qui jouent un rôle essentiel dans la régulation des crises d'épilepsie. Ses recherches ont mis en lumière des déficits dans certains neurones gabaergiques, un facteur potentiellement lié à l’activité épileptiforme, et constituent la matière de sa thèse intitulée Rôle des récepteurs glutamatergiques dans l'activité épileptiforme des interneurones inhibiteurs de l'hippocampe.
Après son doctorat, Nathalie Sanon s’envole pour Dresde, où elle passe deux ans à explorer les possibilités offertes par les cellules souches dans le traitement de l’épilepsie. Elle étudie la capacité de certaines cellules du cerveau à se régénérer. «L'idée était de voir comment ces nouvelles cellules pouvaient potentiellement diminuer l’activité épileptique», dit-elle. Là encore, l’électrophysiologie était au cœur de ses travaux, permettant d'analyser l'effet de ces cellules nouvellement produites sur les cerveaux épileptiques.
Une carrière en laboratoire et en gestion scientifique
Après son postdoctorat en Allemagne, Nathalie Sanon revient à Montréal et travaille au CHU Sainte-Justine pendant huit ans dans un laboratoire spécialisé en épilepsie en tant qu’associée de recherche. En plus de réaliser des travaux de pointe, elle supervise des projets, gère le laboratoire et assiste des étudiants et étudiantes dans leur rédaction d’articles. Cette expérience enrichissante lui a permis d’acquérir des compétences en gestion scientifique sans l’éloigner pour autant de ses activités de recherche innovantes.
Parmi les projets marquants auxquels elle a participé, Nathalie Sanon cite une collaboration avec Polytechnique Montréal et des neurochirurgiens pour l'utilisation de nanoparticules afin de détecter des foyers épileptiques de manière plus précise. Elle a aussi participé à un projet pionnier sur l’utilisation du cannabidiol pour traiter les formes d’épilepsie réfractaires chez les jeunes patients.
Une enseignante passionnée
Outre ses activités en laboratoire, Nathalie Sanon a été conférencière invitée pendant quatre ans à l’UdeM dans un cours sur les fonctions du système nerveux donné à des étudiantes et étudiants en physiothérapie, ergothérapie et médecine dentaire. Enseigner à des groupes de 200 personnes ne l’a pas intimidée. Au contraire! «J’ai fait de la danse pendant des années et j’ai eu l’occasion de me produire sur scène. Ces conférences ont été l’occasion de combiner mes deux passions que sont le travail en laboratoire et l’enseignement», déclare-t-elle.
Depuis plus de 10 ans, Nathalie Sanon enseigne à distance à des classes de l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d'Haïti, pays d’origine de ses grands-parents. Elle leur a donné des cours de biologie et de biologie cellulaire ainsi qu’un cours sur les femmes et les sciences. Elle a fait connaître à ses étudiants et ses étudiantes des inventrices et scientifiques plus ou moins connues, d’hier comme d'aujourd’hui, telle Joy Buolamwini, informaticienne américano-ghanéenne, qui a découvert avec effroi que certaines applications de reconnaissance faciale ne prenaient pas en compte les personnes noires.
L'intelligence artificielle, un nouvel horizon
En 2017, alors qu’elle poursuit ses recherches en neurosciences, Nathalie Sanon découvre l’intelligence artificielle et les possibilités qu’elle recèle. «J'ai organisé un symposium et invité un conférencier qui parlait d'IA en médecine, mais beaucoup de personnes ne comprenaient pas encore l'importance de ce champ d'activité», se souvient-elle. Cet évènement a été un déclencheur pour elle, l’incitant à se former dans le domaine.
Passionnée, elle change de carrière et travaille désormais pour IVADO, consortium de recherche, de formation et de mobilisation des connaissances en intelligence artificielle, en tant que gestionnaire de programmes de formation. Là, elle a participé à l’implantation entre autres de programmes de formation liés à la santé et à l’IA.
Elle a aussi favorisé l'établissement d'ententes de collaboration avec des organismes sans but lucratif tels que Technovation Montréal, «qui travaille auprès des jeunes filles pour leur apprendre à coder afin qu'elles puissent créer leurs propres applications et qu'elles soient ainsi à l'aise avec la technologie et deviennent les prochaines leaders technologiques!» mentionne Nathalie Sanon.
Un engagement soutenu dans la collectivité
En dehors de ses activités professionnelles, Nathalie Sanon est engagée dans de nombreuses causes sociales. Elle a siégé à plusieurs conseils d’administration et comités: le Y des femmes de Montréal, la Fondation La clé, la Fondation KANPE, l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d’Haïti, le Bureau de la communauté haïtienne de Montréal et le Salon international de la femme noire. «Aider les autres, c’est naturel pour moi. C’est une manière de redonner à ma communauté et de contribuer à bâtir un monde plus juste», explique-t-elle.