On peut prédire l’expression faciale de la douleur à partir de l’activité du cerveau
- UdeMNouvelles
Le 4 décembre 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Une étude fait progresser la compréhension des processus cérébraux liés à la communication non verbale de la douleur, plus précisément à l’expression faciale de la douleur.
Qu’on se cogne le petit orteil sur le coin d’une table ou qu’on se fracture le poignet, on risque de grimacer de douleur (et fort probablement d’échapper un juron).
C’est tout naturel, l’expression faciale occupant une place centrale dans la communication de cette expérience sensorielle et émotionnelle désagréable. Elle nous permet par exemple de faire savoir aux gens qui nous entourent que nous avons mal et que nous pourrions avoir besoin d’aide.
Les processus neuronaux associés à cette manifestation non verbale demeurent peu étudiés, bien qu’ils soient considérés comme un vecteur important de l’expérience de la douleur. C’est pour cette raison que s’y intéresse Marie-Eve Picard, étudiante de doctorat au laboratoire de Pierre Rainville, professeur à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Dans une nouvelle étude, ces scientifiques ont montré qu’il était possible de prédire l’expression faciale causée par des stimulations douloureuses à partir de l’activité cérébrale. Plus précisément, leurs résultats révèlent que les mécanismes neuronaux liés à l’expression faciale de la douleur sont partiellement distincts de ceux associés à d’autres manifestations de la douleur, comme les subjectifs rapports verbaux de l’intensité perçue.
Les muscles faciaux analysés
Marie-Eve Picard et ses collègues ont conçu un modèle neurobiologique qui permet de prédire l’expression faciale causée par des stimulations douloureuses. Cette signature cérébrale a été élaborée grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique alimentés par des données d’imagerie cérébrale par résonance magnétique.
Pour y arriver, un stimulus thermique douloureux a été appliqué à des volontaires sains et l’expression faciale a été mesurée grâce au Facial Action Coding System. Cet outil standardisé décortique les mouvements du visage en se basant sur les mouvements possibles de plusieurs groupes de muscles du visage.
L’activation de chaque groupe entraîne un changement distinctif dans l’expression faciale. Dans le cas de l’expression physique de la douleur, on constate par exemple un abaissement des sourcils, une élévation des joues, un plissement des yeux et du nez et une élévation de la lèvre supérieure.
Pour une évaluation plus précise
Cette étude souligne l’existence d’une représentation cérébrale prédictive des réponses faciales en lien avec la douleur. «L’importance de l’expression faciale dans l’évaluation de la douleur est souvent minimisée comparativement au rôle que l’expression faciale joue dans les interactions sociales. Or, selon nos résultats, cette mesure comportementale dans l’expérience de la douleur serait complémentaire aux rapports verbaux de l’intensité perçue», explique Marie-Eve Picard.
Dans un contexte clinique, poursuit la doctorante, il est important d’évaluer avec précision la douleur des patients pour ensuite parvenir à la prendre en charge adéquatement. Ces recherches se basent donc sur la conviction que la douleur est multidimensionnelle et qu’il est bénéfique de prendre en compte ses différentes manifestations pour mieux en déterminer la gravité.
Si ces résultats approfondissent les connaissances sur les mécanismes cérébraux de la douleur et de la communication non verbale, des recherches futures devront être menées pour en tester la généralisabilité, telle leur application à des contextes de douleur chronique par exemple.
À propos de cette étude
L'article «A distributed brain response predicting the facial expression of acute nociceptive pain», par Marie-Eve Picard et ses collègues, a été publié dans eLife Sciences Publications.