35 ans d’études en jazz à l’UdeM

Adam Hébert, étudiant au programme de baccalauréat en interprétation jazz

Adam Hébert, étudiant au programme de baccalauréat en interprétation jazz

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

En 5 secondes

Depuis plusieurs décennies, les diplômés du programme de jazz font voyager le nom de l’Université de Montréal sur les scènes locales et internationales.

L’ambiance détendue qui règne dans les corridors de la Faculté de musique ne laisse pas deviner qu’on y offre l’un des programmes les plus contingentés de l’Université: le baccalauréat en interprétation jazz. Chaque année, une centaine d’étudiants se présentent aux auditions, leur unique chance d’admission à ce programme auquel ils ne peuvent poser leur candidature qu’une seule fois. Seuls une quinzaine d’entre eux seront sélectionnés.

«Les étudiants admis sont déjà des musiciens très talentueux. La plupart ont des groupes et des contrats», souligne Reno De Stefano, professeur de guitare jazz et responsable du programme.

Les examens terminaux des premiers finissants du baccalauréat en interprétation jazz n’avaient pas lieu dans une salle de concert comme aujourd’hui, mais plutôt... au bar Café Campus!

«Du bruit et non de la musique»

Dès la création du baccalauréat, en 1982, la faculté a misé sur le talent de ses enseignants. Le percussionniste et professeur retraité Robert Leroux est à l’origine de la création du programme de jazz, avec son collègue René Masino. Il se souvient du recrutement des tout premiers enseignants, véritables têtes d’affiche du milieu: les chanteuses Karen Young et Ranee Lee, le contrebassiste Michel Donato, le pianiste Pierre Leduc. «C’était facile de les intéresser au nouveau programme d’interprétation jazz, précise-t-il, mais parfois difficile de les retenir tant ils étaient occupés et sollicités sur la scène musicale!»

La notoriété de ses premiers professeurs a sans doute facilité l’implantation d’un programme de jazz qui était loin de faire l’unanimité au sein d’une faculté reconnue à l’époque pour ses programmes en interprétation classique, en composition, en techniques d’écriture et en musicologie. «Certaines personnes avaient en mémoire les années où Montréal était une ville “ouverte”… La musique de jazz était associée à une moralité et à des lieux dépravés! Mais surtout, le jazz était perçu par quelques-uns de nos professeurs comme du bruit et non de la musique», se rappelle Robert Leroux.

Un studio au cœur de la formation

Les étudiants se déplacent régulièrement au studio d’enregistrement multipiste pour parfaire leur formation.

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Autre élément novateur sur lequel ont tablé les instigateurs du programme: le studio d’enregistrement multipiste. «Tout le programme de jazz a été bâti autour de ce studio, dit M. Leroux. Il faut dire que, à la fin des années 70, le jazz était bien établi dans plusieurs universités. Nous avons donc voulu nous distinguer de ce qui se faisait ailleurs en intégrant une formation in situ afin de faire coller le programme à une réalité sur le terrain. Cette formation est devenue l’un des éléments clés du programme.»

Encore aujourd’hui, les étudiants répartis en neuf combos se déplacent au fameux studio d’enregistrement toutes les trois semaines. Une expérience qui leur permet non seulement de jouer, mais aussi de s’entendre jouer et de procéder à un travail critique. «L’écoute est fondamentale dans la formation musicale, explique M. De Stefano. Et puis, ce n’est pas tout de jouer sa partition; les étudiants doivent aussi apprendre à se synchroniser avec les autres dans le rythme et dans le feel. Le travail en studio leur donne une rétroaction immédiate, basée sur quelque chose de tangible: l’enregistrement.»

Des diplômés qui occupent toutes les scènes

La Faculté de musique offre à ses étudiants en jazz un enseignement stimulant, individualisé et centré sur la pratique professionnelle. Et la formule fait mouche, semble-t-il, puisque les récompenses couronnent régulièrement le travail des quelque 350 diplômés du programme, qu’ils soient nommés révélations jazz Radio-Canada ou qu’ils remportent des prix au Festival international de jazz de Montréal ou au Festi Jazz international de Rimouski.

Le pianiste Jérôme Beaulieu, diplômé en 2010, est l’un d’eux. Vivant uniquement de son art, il se produit partout dans le monde avec son trio Misc. Celui qui se qualifie de «p’tit gars de la campagne» a été poussé vers la grande ville par une enseignante du collégial. «Elle a fait valoir que je devais aller à Montréal côtoyer la crème des musiciens du Québec. Elle me disait d’assumer mon talent et mes ambitions, et d’aller apprendre auprès des grands!»

Le pianiste dit être redevable à son enseignant de piano jazz, Luc Beaugrand, qui lui a donné un «excellent enseignement, clair et structuré». «Luc a compris que je voulais devenir compositeur. Grâce à ses encouragements, ce sont mes propres compositions que j’ai présentées à mon récital de fin de baccalauréat.» Des œuvres qui lui ont fourni la matière de son premier album, plusieurs fois primé par la suite.

La chanteuse jazz Sonia Johnson, elle, n’a entamé ses études qu’après une carrière de plus de 15 ans. À son entrée à la faculté en 2012, elle était déjà lauréate d’un prix Juno pour un album de jazz en français, une première dans l’histoire de ces prix.

«J’avais beaucoup de choses à consolider, notamment ma compréhension de l’harmonie jazz, mentionne-t-elle. Le baccalauréat m’a également servi de laboratoire pour composer un troisième album de mes propres chansons. Sur ce point, il y avait chez les enseignants une belle ouverture; on me permettait de travailler sur mes compositions en fonction de ma réalité.» Sonia Johnson a d’ailleurs décidé de poursuivre ses études en s’inscrivant à la nouvelle maîtrise en interprétation et composition jazz… de l’Université de Montréal.

Écoutez Jérôme Beaulieu et son trio Misc en direct
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