Émilie L. Couture, vétérinaire hors norme

Émilie L. Couture

Émilie L. Couture

En 5 secondes

La routine ne fait pas partie du quotidien d’Émilie L. Couture, qui pratique son métier de vétérinaire au Zoo de Granby et sur les côtes du Canada, où elle étudie les populations fragiles de bélugas.

Marquée par la biographie du militant écologiste David Suzuki, Émilie L. Couture décide d’abord de suivre ses traces en étudiant la biologie. Mais manipuler des éprouvettes dans un laboratoire la lasse rapidement. Elle se tourne donc vers la médecine vétérinaire, puis se spécialise en médecine zoologique.

Un médecin qui soigne des êtres humains peut baser ses diagnostics et ses traitements sur une grande quantité de résultats de recherches effectuées sur une seule espèce. Mais au Zoo de Granby, où elle travaille aujourd’hui, on trouve plus de 225 espèces d’animaux venant de quatre continents. «Il n’y a pas nécessairement de références bien établies pour chacune d’entre elles», mentionne Émilie L. Couture. Pour une jeune femme qui n’aime pas la routine, la voilà servie.

Et certains cas sont uniques, comme celui de Megan, une léopard de l’Amour dont les bébés étaient mort-nés. Cette espèce est en voie d’extinction et tout un bagage génétique est perdu lorsqu’une femelle n’arrive pas à se reproduire. Il a donc fallu discuter avec de rares spécialistes mondiaux afin de comprendre pourquoi Megan ne portait pas ses bébés à terme et trouver une solution. Suivant leurs conseils, l’équipe du Zoo a décidé de pratiquer une césarienne lorsque l’animal est parvenu à la fin de sa période de gestation suivante. En 2015, cette procédure a permis de sauver le premier bébé de cette femelle.

À la rescousse des bélugas

En dehors du Zoo de Granby, la préservation des mammifères marins, notamment les bélugas, est au cœur des préoccupations d’Émilie L. Couture. Elle a ainsi participé en 2017 au sauvetage d’un jeune béluga coincé dans une rivière du Nouveau-Brunswick. En tant que collaboratrice du Réseau canadien de la santé de la faune, elle pratique des nécropsies afin de comprendre ce qui entraîne la mort de ces fragiles cétacés. «Il faut découvrir le plus d’indices possible permettant d’établir la cause d’une mort, dit-elle. Les conclusions ont des effets concrets, puisqu’elles peuvent ensuite mener à des interventions sur le terrain pour réduire les risques de mortalité.» Ces dernières années, l’équipe dirigée par le professeur de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal Stéphane Lair a aussi noté une recrudescence de mortalités liées à la naissance des petits, ce qui menace davantage la survie de la population. Ces décès pourraient être associés à une combinaison de facteurs touchant à l’équilibre de son écosystème. Par exemple, le trafic maritime, très important à l’embouchure de la rivière Saguenay, où vivent ces mammifères marins, peut nuire aux mises bas et aux communications entre la mère et les nouveau-nés.

Émilie L. Couture est également intervenue à l’été 2017 lorsque plusieurs baleines noires de l’Atlantique Nord sont mortes dans les eaux canadiennes. Elle explique que la situation des baleines noires de l’Atlantique Nord à l’heure actuelle est si précaire qu’une seule mort accidentelle peut avoir des répercussions sur la survie de la population. «Chaque décès accidentel est un évènement grave et cela démontre bien l’ampleur de la catastrophe que représente le décès soudain de plusieurs baleines noires.» L’équipe responsable des nécropsies a réussi à déterminer la cause de la mort dans six cas. «Plusieurs décès faisaient suite à une collision avec un navire, révèle la vétérinaire. D’autres avaient été provoqués par un empêtrement dans les cordages de pêche destinés aux crabes des neiges.» Ces pièges sont en fait des cages que les pêcheurs installent au fond de l’eau et qu’ils relient à une bouée flottante par une grosse corde. Lorsqu’une baleine entre en collision avec celle-ci, elle a tendance à paniquer et la corde finit par s’enrouler autour d’elle. Par ailleurs, des recherches ont montré que pas moins de 85 % des baleines noires de l’Atlantique Nord portent des cicatrices d’empêtrement.

Cap sur le Grand Nord

Le travail de la vétérinaire auprès des bélugas l’a menée en 2018 et 2019 dans les Territoires du Nord-Ouest, à 4500 km de son lieu de travail habituel. Dans le cadre d’un projet de Pêches et Océans Canada, une équipe a posé des émetteurs satellites sur des bélugas de la mer de Beaufort qui passent l’été dans le delta du fleuve Mackenzie avant de migrer vers l’Alaska. «Mon rôle, raconte Émilie L. Couture, était de surveiller la santé des animaux pendant le projet. J’ai par exemple fait l’examen des bélugas pour mesurer les effets que la capture et la pose des émetteurs avaient sur eux.» Les chercheurs souhaitent en apprendre davantage sur les déplacements et les patrons de plongée de cette baleine, mais aussi sur la salinité, la luminosité et la température des eaux qu’elle traverse. Cela fait de ces bélugas de véritables sentinelles de leur environnement.

De tels projets présentent leurs lots de défis, mais la jeune vétérinaire possède les compétences et habiletés pour les mener à bien, selon Stéphane Lair. Le professeur de la Faculté de médecine vétérinaire connaît bien Émilie L. Couture, puisqu’il l’a supervisée durant sa résidence et dans le cadre du programme de pathologie du béluga du Saint-Laurent. «Elle est pleine d’énergie et très dynamique, mais c’est surtout quelqu’un qui s’entend bien avec ses collègues et qui s’adapte facilement aux conditions de travail très différentes de celles d’un laboratoire standard», souligne-t-il. Il est aussi crucial de savoir collaborer avec les populations locales, un autre exercice qu’elle réussit très bien, ajoute M. Lair.

«Les communautés autochtones ont une mémoire du terrain et une bonne connaissance des bélugas, fait observer Émilie L. Couture. Les gens sont capables de suivre les déplacements des bélugas sous l’eau et ils se souviennent des évènements climatiques au fil des années. Sans eux, nos projets seraient impossibles à réaliser.»

Pour ajouter une dose d’adrénaline à son quotidien déjà bien rempli, Émilie L. Couture étudiait, quand nous l’avons rencontrée, en vue du difficile examen d’entrée au Collège américain de médecine zoologique. Les candidats à cette épreuve qui dure deux jours ont un taux de réussite d’environ 40 %. «Ce n’est pas nécessaire pour pratiquer mon métier, mais c’est un objectif personnel que je me suis fixé», indique-t-elle. Décidément, cette vétérinaire carbure aux défis!

  • La préservation des mammifères marins, notamment les bélugas, est au cœur des préoccupations d’Émilie L. Couture.

    Crédit : Thinkstock

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