Un an de COVID-19: quel est l’effet du confinement sur la santé mentale?

Mme Ramirez note que les 18 à 34 ans semblent particulièrement vulnérables en ce moment.

Mme Ramirez note que les 18 à 34 ans semblent particulièrement vulnérables en ce moment.

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La pandémie, et plus précisément le confinement, pèse lourd sur la santé mentale.

La pandémie et le confinement ont eu des répercussions importantes sur notre façon de vivre. Projets reportés ou contrariés, impossibilité de voir sa famille, sentiment d’impuissance et plongée dans l’inconnu: tous des facteurs qui ont alimenté l’anxiété et le stress. «J’ai observé une augmentation de la détresse psychologique pendant la pandémie», confie Dania Ramirez, psychologue et coordonnatrice du Service de soutien à l’apprentissage à l’Université de Montréal.

«Si la peur est un sentiment tout à fait naturel face à cette menace réelle qu’est la pandémie, l’anxiété est une émotion diffuse qui survient sans déclencheur précis, mentionne la psychologue Rachida Azdouz, conseillère au Vice-rectorat aux partenariats communautaires et internationaux. La pandémie engendre ces deux sentiments.» Les effets de cette anxiété seront pour la plupart temporaires, mais ce changement brusque des façons de travailler, d’étudier et de socialiser a affecté tout le monde. «Cela a accentué l’anxiété et la détresse psychologique chez les personnes fragiles et les a déclenchées chez d’autres», ajoute-t-elle. Les 18 à 34 ans semblent particulièrement vulnérables en ce moment, note Dania Ramirez: «Ceci pourrait s’expliquer par les défis auxquels cette clientèle est confrontée, soit la poursuite des études, un grand besoin de socialisation, le début d’une carrière, le désir de fonder une famille, de stabiliser une vie de couple, etc.»

«La situation a effrité les facteurs de protection qui normalement préservent notre santé mentale comme la vie sociale et les activités sportives», poursuit Mme Ramirez. La pandémie et ses incertitudes, combinées avec le confinement et des facteurs d’ordre économique telle une perte d’emploi, ont pu rendre difficile l’adaptation à la situation et faire vivre un sentiment important de perte de contrôle. On a ainsi remarqué davantage de détresse chez les personnes qui en temps normal se portaient assez bien.

Le confinement a aussi altéré les frontières entre le travail, les études et la maison. «Les frontières de temps et d’espace se brouillent», dit Rachida Azdouz. Selon elle, c’est d’ailleurs l’une des conséquences les plus graves du confinement, au point où les gens ont l’impression d’être en prison: «C’est très anxiogène. Cela affecte notre sentiment de liberté et d’identité; le travailleur, le parent, le citoyen en nous… tout est confiné dans un seul lieu.»

Une grande solitude

Les effets du confinement ont été particulièrement marqués chez les personnes qui étaient déjà isolées, comme les aînés. «Les individus vivant seuls se sont vraiment retrouvés en situation d’isolement», constate Dania Ramirez.

La situation a laissé peu d’options de socialisation, sans parler de la peur de contracter le virus qui a freiné d’autres interactions. Même si le virtuel ne remplace pas le réel, Rachida Azdouz souligne l’importance de se tourner vers ses proches pour parler, nommer ce qu’on vit et partager. «Les célibataires, eux aussi, ont eu à faire face à plusieurs enjeux difficiles. Rencontrer des gens en temps de pandémie peut représenter un véritable défi», ajoute Mme Ramirez.

Des familles qui se démènent

L’isolement ne semble pas constituer une problématique pour les familles. «Mais la trop grande proximité du jour au lendemain a pu, en contrepartie, avoir une incidence négative», signale Dania Ramirez. Le confinement n’est pas de tout repos pour ceux et celles qui doivent jongler avec l’école et le travail à distance, souvent chez plusieurs membres de la famille. De plus, les parents ont voulu en début de pandémie aider les enfants à mieux traverser cette période difficile, s’efforçant de garder une certaine normalité. Mais après un printemps 2020 passé à «se réinventer», l’automne a fait place à l’épuisement. «Dans les derniers mois, on a vu plusieurs parents à bout de ressources», avoue Mme Ramirez.

Des relations chamboulées

Maintenir des relations sociales reste difficile depuis un an. Même si les technologies et les réseaux sociaux ont permis de maintenir les liens, le confinement est venu enlever la spontanéité du contact humain. «Les humains sont des êtres sociaux qui ont besoin de toucher, de sentir», insiste Rachida Azdouz, qui croit que le confinement a mis en lumière l’importance des relations sociales, «même chez des personnes qui n’ont pas l’esprit grégaire».

Dania Ramirez rapporte aussi les données d’un sondage effectué par l’Ordre des psychologues du Québec auprès de ses membres, qui auraient observé une augmentation de 22 % des ruptures amoureuses chez leurs clients. «Cela peut s’interpréter de différentes façons. S’il y avait des difficultés conjugales en amont, le confinement est venu mettre une loupe là-dessus», explique-t-elle. Certains ont à l'inverse été heureux de retrouver leur conjoint et leurs enfants, redécouvrant des activités qui avaient été abandonnées ou les motivant à appeler plus souvent leurs proches. «On entend de plus en plus parler des effets positifs de la pandémie», nuance Mme Ramirez. Le télétravail, en réduisant les temps de déplacement, a pour certains agi comme un baume sur les rythmes de vie effrénés. 

Reste à savoir si le confinement aura des effets à long terme ou non. «Je me demande si ce n’est pas sur le plan des relations que le confinement aura une influence à long terme. Est-ce qu’on va continuer à se tenir à deux mètres? Est-ce que certaines mœurs comme la poignée de main ou les accolades vont disparaître?» s’interroge Mme Ramirez.

L’humain demeure un être hautement adaptable, même s’il y a d’inévitables périodes de flottement. Si la plupart des gens ont fait preuve d’une grande résilience, il faut rester à l’affût. «Il ne faut pas banaliser les conséquences sur la santé mentale… et la pandémie n’est pas terminée», conclut Mme Ramirez.

Taux de suicide

Le sondage de l’Ordre des psychologues du Québec rapportait que ses membres avaient déclaré une hausse de la détresse chez leurs clients, le retour de plusieurs anciens clients, plus de demandes en situation de crise et une augmentation des difficultés cognitives, des problèmes de violence et de consommation. Malgré tout, le taux de suicide ne semble pas avoir augmenté. «C’est curieux, mais cela témoigne, à mon avis, de la grande capacité de résilience de l’être humain. J’ose espérer également que c’est parce qu’on a été capable d’offrir un soutien à ces personnes», dit Dania Ramirez.

«Le suicide n’est pas le seul indicateur d’un problème de santé mentale», note quant à elle Rachida Azdouz, qui soulève toutefois que la détresse est bel et bien en hausse. Les taux de consultation, de violence, de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse sont des indicateurs qui en ce moment sont alarmants. La question du suicide reste complexe et «il est trop tôt pour faire une adéquation suicide-COVID-19, estime-t-elle. Le suicide est le résultat d’une combinaison de facteurs; il est donc difficile d’isoler une variable contextuelle et d’en tirer des conclusions».