Fibrose kystique: vers de meilleurs traitements et des poumons plus sains

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Dans leur laboratoire, Emmanuelle Brochiero et Damien Adam étudient comment améliorer l'efficacité des traitements et aider les poumons détériorés par la maladie à se régénérer.

Le nombre de mutations connues à ce jour chez les patients atteints de fibrose kystique, la maladie génétique mortelle la plus répandue au Canada, s'élève à 2103. Ces nombreuses mutations de la maladie posent d'énormes défis aux patients et aux chercheurs, y compris ceux de l'Université de Montréal et du Centre de recherche du CHUM.

Près de 4400 Canadiens sont aujourd’hui atteints de fibrose kystique, causée par des mutations dans le gène appelé Cftr, pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulation. Bien que cette maladie affecte plusieurs organes, la cause principale des décès est liée à la destruction progressive des poumons et à leur perte de fonction.

Dans les poumons d’une personne en bonne santé, le gène Cftr permet la production d’une protéine, appelée CFTR, qui joue un rôle primordial dans l’hydratation des voies aériennes et pour faciliter l’évacuation du mucus. Ce phénomène est la première ligne de défense contre les infections. Lorsque le gène Cftr est défectueux, le canal ne joue plus son rôle, ce qui favorise les infections chroniques. De graves lésions pulmonaires se développent ainsi au fil du temps, entraînant une baisse graduelle de la fonction pulmonaire et, ultimement, le décès du patient s’il ne subit pas de transplantation.

En ce mois de la sensibilisation à la fibrose kystique, la chercheuse Emmanuelle Brochiero, directrice du laboratoire de physiopathologies pulmonaires au Centre de recherche du CHUM et professeure à l’Université de Montréal, et le chercheur Damien Adam font un tour d’horizon de leurs travaux sur la fibrose kystique. Dans leur laboratoire, ils se penchent sur les dommages pulmonaires et sur les moyens d’améliorer la capacité des poumons malades à se réparer et à se régénérer.

Quels sont les traitements actuels de la fibrose kystique?

Jusqu’à présent, la plupart des traitements visaient à diminuer les symptômes, notamment en combattant les infections. Depuis une dizaine d’années, de nouveaux traitements, ciblant directement les défauts causés par certaines des mutations affectant le gène Cftr, ont été conçus.

Ainsi, un premier médicament, le Kalydeco, a été approuvé. Le hic? Il permet de cibler des mutations présentes chez moins de 10 % des patients. D’autres molécules, Orkambi et Symdeko, ont été mises au point pour les malades porteurs de la mutation la plus fréquente (F508del).

Aujourd’hui, le Trikafta, une trithérapie potentiellement plus efficace, pourrait permettre de traiter jusqu’à 80 % des patients. Ce médicament de précision n’est pas encore disponible au pays, mais il a été approuvé par Santé Canada pour une évaluation prioritaire.

Quels obstacles reste-t-il à surmonter?

Malheureusement, l’efficacité de ces médicaments reste limitée, variable d’un patient à l’autre, et une proportion non négligeable des malades ne sont pas admissibles à ces traitements.

«Chez les personnes atteintes de fibrose kystique, les poumons sont endommagés et leur capacité à se réparer est freinée à la fois par le défaut de base du canal CFTR et par la présence d’infections bactériennes, dont celles provoquées par Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus, explique Emmanuelle Brochiero. De plus, nos travaux ont démontré que ces bactéries diminuent l’efficacité des traitements ciblant le canal CFTR. Les objectifs de notre équipe sont donc de trouver des moyens de contrecarrer l’effet néfaste des bactéries, d’améliorer l’efficacité des traitements et de favoriser la réparation pulmonaire, quel que soit le type de mutation.»

Au cours des dernières années, son équipe a montré in vitro que des molécules agissant sur les bactéries afin de réduire la production de facteurs de virulence néfastes permettaient ainsi de préserver l’efficacité des traitements sur le canal CFTR et la réparation des tissus des voies respiratoires.

Aujourd’hui, Emmanuelle Brochiero et Damien Adam poursuivent dans cette voie pour contrer les effets de l’infection, limiter ses répercussions sur les thérapies et stimuler la restauration de l’intégrité des tissus pulmonaires.

Dans une optique de médecine personnalisée, ils veulent aussi prédire l’efficacité des traitements en fonction des types de bactéries présentes dans les poumons des personnes malades. Car les bactéries évoluent au fil de l’avancement de la maladie et les traitements doivent logiquement s’adapter. Plus facile à dire qu’à faire.

Se dirige-t-on vers des traitements personnalisés pour la fibrose kystique?

«Dans notre laboratoire, nous pouvons compter sur une biobanque, dirigée par Emmanuelle, contenant des spécimens rares provenant de patients atteints de différentes maladies, dont la fibrose kystique. Grâce à notre expertise en génie tissulaire, nous parvenons à recréer le tissu épithélial respiratoire à partir de cellules des voies aériennes et pulmonaires des patients. Cela nous permet d’étudier la maladie et de tester nos approches thérapeutiques destinées à réparer les poumons», mentionne Damien Adam.

En bref, l’équipe de recherche est capable de cartographier et de prévoir la réponse thérapeutique en mettant en contact des traitements et différentes souches bactériennes prélevées chez des patients à divers stades de la maladie.

«Récemment, nous avons mis en place des protocoles pour évaluer nos stratégies de traitements personnalisés favorisant la réparation épithéliale sur des tissus pulmonaires vivants, en présence du mucus des patients, recueillis lors de transplantations», ajoute Emmanuelle Brochiero.

Grâce à la richesse de cette biobanque, des échantillons de tissus de personnes saines et de patients porteurs d’un éventail de mutations sont accessibles. Les chercheurs peuvent ainsi envisager de personnaliser et de tester des cocktails thérapeutiques combinant des traitements qui ciblent les canaux CFTR et d’autres canaux ioniques avec des molécules atténuant la virulence bactérienne. Et ce, aussi bien chez les malades admissibles aux traitements actuels que chez les patients qui ont des mutations rares.

Pour Emmanuelle Brochiero et Damien Adam, un seul leitmotiv: favoriser la réparation et la régénération des tissus pulmonaires chez tous les malades atteints de fibrose kystique. Qu’importe leurs mutations.

À propos de ces travaux de recherche

Ces travaux sont réalisés en collaboration avec l’équipe clinique de chirurgie thoracique, celle du programme de transplantation et de la clinique de fibrose kystique du CHUM, ainsi que des collaborateurs d’ici et de l’étranger, spécialistes des infections bactériennes.

Le financement de ce projet dans le laboratoire d’Emmanuelle Brochiero et de son collègue Damien Adam est assuré par les Instituts de recherche en santé du Canada. Le Réseau de recherche en santé respiratoire du Québec (Fonds de recherche du Québec – Santé) voit au financement de la biobanque. Celle-ci contribue aussi à l’avancement des recherches en santé respiratoire grâce au partage avec la communauté scientifique des échantillons prélevés chez des patients atteints de diverses maladies pulmonaires.

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