Pascale Dufour: quand la sociologie et la philosophie alimentent la réflexion en droit

Pascale Dufour

Pascale Dufour

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Spécialiste du droit des obligations, la professeure Pascale Dufour s’interroge sur la théorie juridique à la lumière de concepts philosophiques et sociologiques actuels.

S’il est vrai que le droit mène à tout, c’est plutôt la sociologie qui a conduit Pascale Dufour vers des études de droit: tandis qu’elle effectuait un certificat en sociologie à l’Université Laval, en 2006, ses lectures en sociologie du droit l’ont incitée à prendre des cours à option en droit des obligations – domaine dans lequel elle s’est spécialisée et qui lui a permis de devenir professeure de droit civil à la Faculté de droit de l’Université de Montréal!

Après l’obtention de son baccalauréat en 2011 et de son permis de pratique l’année suivante, Pascale Dufour devient avocate et entre à la Direction générale des affaires juridiques – Transports et affaires notariales au ministère de la Justice du Québec.

Attirée par les questions liées à l’environnement et à la mondialisation, elle entreprend simultanément une maîtrise en droit à l’Université Laval et quitte finalement son emploi en 2014 pour se consacrer à son projet portant sur la gestion des risques contemporains. Le point pivot de son travail se situe dans la limite de l’assurance privée. Sa recherche a permis de souligner les discours dissonants quant aux stratégies juridiques d’indemnisation et de prévention utilisées face aux risques incalculables, par exemple les catastrophes naturelles, qui laissent l’État jouer le rôle d’assureur de dernier recours.

«Mes travaux m’ont permis d’analyser à la fois le droit des assurances, qui est une branche du droit privé, et le principe de précaution, qui relève du droit public, dit Mme Dufour. J’ai choisi cette approche, car l'assise principale de mes recherches se trouve dans les phénomènes sociaux régis par le droit.»

Remettre en question les fondements du droit privé

Déterminée à repousser les connaissances théoriques en droit civil, Pascale Dufour entame en 2016 des études doctorales en droit privé à l’Université du Luxembourg, où elle s’initie en parallèle à l’enseignement en obtenant des charges de cours.

Sa thèse, soutenue avec succès au début de l’année, s’intitule «Contribution à la réactualisation théorique de la notion de contrat au 21e siècle à partir des travaux d'Axel Honneth sur la liberté sociale et la reconnaissance».

«Dans le domaine des obligations et du droit des contrats, la notion d’autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle est très discutée, indique Mme Dufour. Différents auteurs en ont tiré différents concepts et interprétations. Le cadre théorique inspiré par Honneth que j’ai utilisé m’a permis d’acquérir une compréhension renouvelée des fonctions du contrat juridique au sein de la relation entre les parties, à partir de son interprétation des concepts clés de liberté et d’autonomie.

«Parce qu'il remet en question les fondements mêmes du droit privé, mon projet de recherche s'inscrit plus généralement dans une volonté de réactualiser la théorie juridique en fonction d'un appareillage conceptuel philosophique et sociologique actuel, précise Pascale Dufour. Ayant étudié la sociologie avant d'entamer mon parcours en droit, j’aime avoir une perspective juridique macroscopique en décloisonnant les branches disciplinaires pour brosser un tableau général qui permet d’avoir une appréciation critique plus raffinée en matière de droit et de société.»

Faire évoluer l’enseignement et la recherche

La nouvelle professeure de la Faculté de droit de l’UdeM souhaite stimuler la réflexion au sein de chaires et groupes de recherche. Ayant effectué des séjours de recherche en Allemagne et au Mali, Mme Dufour désire notamment promouvoir une perspective interdisciplinaire sur le rôle social du droit dans les relations juridiques privées, et ce, en recherche comme en enseignement.

Partisane de l’engagement social, elle entend aussi participer à divers projets à la faculté, favoriser l’utilisation de modes autres de résolution de conflits et encourager la mise sur pied de structures coopératives permettant d’inciter les parties à la reconnaissance mutuelle et sociale dans leurs rapports de droit privé.

«La Faculté de droit est, pour moi, plus qu’un milieu d’emploi: c’est un lieu d’engagement social, d’effervescence des idées, de collaboration et de partage des savoirs des plus stimulants», conclut Pascale Dufour.