Marie-Claire Blais à l’honneur
- UdeMNouvelles
Le 14 septembre 2022
- Virginie Soffer
Pour souligner son 60e anniversaire, le Département des littératures de langue française a mis à l’honneur l’écrivaine Marie-Claire Blais dans une soirée musicale et littéraire riche en émotions.
À l’occasion de son 60e anniversaire, le Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal a souligné l’œuvre immense de Marie-Claire Blais au cours d’une soirée le 9 septembre qui s’est tenue à la Faculté de musique. L’auteure, à qui l’Université a décerné un doctorat honoris causa en 2012, était venue sur le campus de la montagne rencontrer des étudiants et des étudiantes à de multiples reprises avec, chaque fois, la même générosité.
La soirée a débuté par un entretien de Francis Gingras, professeur au Département des littératures de langue française, avec l’auteure Hélène Dorion autour de l’écriture du livret d’opéra Yourcenar: une île de passions, coécrit avec Marie-Claire Blais. A suivi un émouvant récital de la mezzo-soprano Stéphanie Pothier, accompagnée au piano par Francis Perron, professeur à la faculté. Pour finir, une table ronde sur l’œuvre de Marie-Claire Blais animée par Élisabeth Nardout-Lafarge a réuni Jean Bernier, Lise Gauvin, Kevin Lambert et Catherine Mavrikakis.
La présence prodigieuse de Marie-Claire Blais soulignée
Lise Gauvin, professeure honoraire au Département des littératures de langue française, s’est souvenue avec émotion de Marie-Claire Blais: «Elle a toujours été pour moi l’amie prodigieuse dont la présence n’a pas cessé de m’accompagner. Ce que je retiens d’elle, c’est sa présence. Présence à ses amis, mais aussi présence à ses personnages ainsi qu’au vaste monde, qu’elle traduit par une écriture chorale qu’on trouve aussi bien dans Une saison dans la vie d’Emmanuel que dans ses autres livres.»
Elle s’est aussi rappelé son écoute. «Marie-Claire Blais offrait à chacun de ses interlocuteurs une qualité d’écoute exceptionnelle. Et dans ses livres, il y a une distribution des voix entre plusieurs personnages comme s’il s’agissait d’un jeu aux multiples échos. Plus encore, elle savait détecter chez les uns et les autres les singularités qui les déterminent. Dans ses romans, elle laisse parler les autres, c’est-à-dire ses personnages, les entraînant dans un tourbillon de pensées et d’émotions», a-t-elle dit.
L'éditeur de l'écrivaine décédée en 2021, Jean Bernier, a évoqué «cette toute petite femme avec cette voix si fragile qui se place en dialogue avec le monde entier».
Donner une place aux exclus, aux marginaux
De manière très contemporaine, Marie-Claire Blais donne une voix dans ses romans aux exclus, à ceux dont on ne parle jamais et elle révèle la profondeur de chacun. «Tous les personnages, peu importe leur origine ou leurs milieux sociaux, ont droit à de grandes pensées sur la condition humaine, sur le sort de l’existence, sur les inégalités, sur la beauté de l’art, sur la poésie», a indiqué Kevin Lambert, diplômé du Département des littératures de langue française.
Marie-Claire Blais avait, selon Jean Bernier, «ce désir de faire de la littérature un instrument d’inclusion de différents groupes. Il y a une volonté d’affirmer le droit de ces personnes dans ses livres pour leur donner plus de place dans la vie, pour que cela se traduise par un changement de mœurs, par un changement de lois».
Une écriture novatrice
«J’ai eu le rare sentiment d’entrer en contact avec quelqu’un qui a inventé une forme lorsque j’ai commencé à lire Soifs, en 1995», a mentionné Kevin Lambert à propos de cette écrivaine qui joue sur les temporalités et mélange habilement le potentiel et le réel.
L’art de l’incise chez Marie-Claire Blais est également à signaler. On passe ainsi d’une subjectivité à une autre sans s’en rendre compte, comme dans l’incipit d’Une saison dans la vie d’Emmanuel:
«Les pieds de Grand-Mère Antoinette dominaient la chambre. Ils étaient là, tranquilles et sournois comme deux bêtes couchées, frémissant à peine dans leurs bottines noires, toujours prêts à se lever: c’étaient des pieds meurtris par de longues années de travail aux champs (lui qui ouvrait les yeux pour la première fois dans la poussière du matin ne les voyait pas encore, il ne connaissait pas encore la blessure secrète à la jambe, sous le bas de laine, la cheville gonflée sous la prison de lacets et de cuir…), des pieds nobles et pieux (n’allaient-ils pas à l’église chaque matin en hiver?) [...]»
Un opéra écrit par Marie-Claire Blais et Hélène Dorion
Hélène Dorion a écrit avec Marie-Claire Blais Yourcenar: une île de passions, un opéra sur la vie et l’œuvre de Marguerite Yourcenar. Fait rare: elles ont rédigé le livret avant que la musique soit composée. L’œuvre a ensuite été mise en musique par Éric Champagne et jouée pour la première fois en 2021 au Festival d’opéra de Québec et à l’Opéra de Montréal. Stéphanie Pothier y tenait le rôle principal de Marguerite.