Ne pas comprendre le message
- UdeMNouvelles
Le 23 août 2023
- Jeff Heinrich
Moins vous avez compris les avertissements de santé publique concernant la COVID-19, plus il est probable que vous ne vous soyez pas protégé et que vous n'ayez pas protégé les autres.
Le port du masque, la distanciation physique, le fait de rester chez soi: ces mesures de prévention étaient moins susceptibles d'être suivies par les Canadiennes et Canadiens les moins informés sur la meilleure façon d'arrêter la propagation de la COVID-19 au cours de la pandémie.
Telle est la conclusion d'une étude menée par une équipe de recherche en sociologie et en psychologie de l'Université de Montréal qui s'appuie sur les résultats d'un sondage réalisé auprès de quelque 2700 personnes au Canada entre avril 2020 et avril 2021.
L'étude est publiée ce mois-ci dans la revue Scientific Reports.
Des travaux antérieurs ont montré que les individus plus jeunes, de sexe masculin, à revenu faible, les moins éduqués, vivant dans l'Ouest ou politiquement conservateurs sont plus susceptibles d'avoir ignoré les mises en garde du gouvernement contre la COVID-19, note l'équipe de l'UdeM.
«Avant d'entreprendre notre étude, nous soupçonnions que les personnes qui ne comprenaient pas les directives énoncées par le gouvernement étaient moins portées à les suivre», explique Clémentine Courdi, première auteure de l'étude, étudiante de doctorat et assistante de recherche du professeur de sociologie Éric Lacourse.
Elle poursuit: «Nous nous attendions également à ce que les gens qui s'appuyaient principalement sur des sources non officielles pour obtenir leurs informations sur la COVID-19 soient moins sujets à suivre ce que les autorités sanitaires recommandaient.»
Et c'est effectivement ce que l’équipe a constaté: «Ceux qui en savaient le plus et qui comprenaient le mieux respectaient les règles beaucoup plus que ceux qui ne comprenaient pas les recommandations. Heureusement, les premiers formaient la grande majorité; la proportion de ceux qui n'ont pris aucune précaution était vraiment minime.»
Plus de 2600 participants
Cette étude fait partie du projet «COVID-19 Canada: la fin du monde tel que nous le connaissons», conduite par le Laboratoire sur les changements sociaux et l'identité, sous la direction de Roxane de la Sablonnière, professeure de psychologie à l’Université de Montréal. L'enquête longitudinale a été effectuée par l'institut de sondage torontois Delvinia à partir de données recueillies auprès de plus d'un million d’individus, la base AskingCanadians. Au total, 2629 personnes ont participé aux multiples vagues du sondage.
Rémunérés, les participants ont répondu, au moins quatre fois au cours de l'année où l'enquête a été menée, à des questions sur leur adhésion aux mesures de santé publique, leur niveau de compréhension de ces mesures et l'endroit où ils ont obtenu leurs informations sur la COVID-19.
On leur a demandé, sur une échelle de 1 à 10 (de jamais à toujours), à quelle fréquence ils respectaient la distanciation physique de deux mètres lorsqu'ils n'étaient pas chez eux, s'ils restaient à la maison autant que possible et s'ils portaient un masque dans les lieux publics.
On leur a également demandé d'évaluer, toujours sur une échelle de 1 à 10, jusqu’à quel point ils comprenaient les mesures de santé publique prises par leur gouvernement, tant à l’échelon fédéral que sur le plan provincial, pour lutter contre la propagation de la COVID-19 et favoriser l’adhésion aux lignes directrices formulées.
«Nos résultats montrent que le niveau de compréhension perçu est positivement lié au respect des mesures sanitaires, de sorte que plus le niveau de compréhension autoévalué est élevé, plus il y a de chances qu'une personne applique les mesures et vice versa», note l’équipe de recherche.
Elle conclut que, «bien qu'un niveau élevé de compréhension ne garantisse pas une adhésion parfaite, un manque de compréhension concernant la COVID-19 et les mesures préventives associées entrave l'adhésion».
Le principal facteur prédictif de la compréhension
Selon les membres de l’équipe, «la compétence informationnelle en santé, soit la capacité de comprendre les informations relatives à la santé, d'y accéder et de les utiliser, est le principal facteur prédictif de la compréhension d'une maladie et de l'effet des mesures préventives ou des traitements associés, indépendamment d'autres facteurs tels que l'éducation».
«Nos résultats indiquent simplement que cette relation se vérifie dans le cas de la COVID-19, ce qui signifie qu'une meilleure maîtrise de l’information en santé améliorerait le niveau de compréhension des individus et aurait donc une influence positive sur l'adhésion aux mesures préventives», dit l’équipe.
En résumé, Clémentine Courdi et ses collègues recommandent que «les gouvernements et les agences de santé publique s'efforcent de communiquer clairement et de façon cohérente les mesures de santé publique s'ils veulent qu’elles soient bien comprises et par conséquent observées».
Les participants à l'étude ont également été interrogés sur les sources d'information qui leur semblaient les plus fiables en ce qui concerne la COVID-19, sources aussi variées que la famille, les amis et les collègues de travail, les médias et l'Organisation mondiale de la santé ainsi qu'un large éventail de médias sociaux.
En fin de compte, ce n'est pas tant les sources utilisées qui comptent que le fait d’avoir retenu la bonne information.
«Dans l'ensemble, remarque l’équipe de recherche, nous avons montré que la compréhension perçue de l'information était un facteur prédictif clé de l'adhésion à toutes les mesures de santé quant à la COVID-19, quel que soit le type de sources utilisées par les participants.»
À propos de cette étude
L'article «How level of understanding and type of used sources relate to adherence to COVID-19 public health measures in Canada», par Clémentine Courdi et ses collègues, a été publié le 11 août 2023 dans Scientific Reports.
Relations avec les médias
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Jeff Heinrich
Université de Montréal
Tél: 514 343-7593