Et si la crise climatique augmentait la toxicomanie?

Montréal sous le smog

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Crédit : Getty

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Les changements climatiques pourraient accroître la consommation de substances nocives aux quatre coins du monde, estime une équipe de recherche internationale.

Nous savons déjà que les changements climatiques – avec l’augmentation des catastrophes naturelles, des maladies infectieuses, des polluants, etc. – nuisent à la santé mentale et à la santé physique des individus partout sur la planète.

Mais voilà qu’une nouvelle étude lève le voile sur un autre enjeu de santé publique lié à la crise climatique: l’accroissement de la toxicomanie.

Cette revue de littérature a été menée par une équipe de recherche internationale dont fait partie le Dr Nicholas Chadi, professeur adjoint de clinique au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal et clinicien-chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et toxicomanie au CHU Sainte-Justine.

«Résumée sous forme narrative, notre étude présente les scénarios possibles qui associent les changements climatiques à l’abus de substances, dit le chercheur. Notre souhaitons ainsi guider des recherches futures sur des cohortes et des environnements spécifiques afin de produire des données qui permettraient de soutenir nos hypothèses.»

Une convergence de facteurs de stress complexes

Nicholas Chadi, professeur adjoint de clinique à l'Université de Montréal ainsi que pédiatre et clinicien-chercheur au CHU Sainte-Justine.

Nicholas Chadi, professeur adjoint de clinique à l'Université de Montréal ainsi que pédiatre et clinicien-chercheur au CHU Sainte-Justine

Crédit : Véronique Lavoie, CHU Sainte-Justine

L’équipe a constaté que les changements climatiques pourraient amplifier la consommation de substances nocives et les risques de rechute par au moins cinq trajectoires additives, interactives et cumulatives:

  • le stress psychosocial résultant de la déstabilisation des systèmes de soutien sociaux, environnementaux, économiques et géopolitiques;
  • l’augmentation des troubles mentaux;
  • l’augmentation du fardeau de la santé physique;
  • les changements dans les comportements établis;
  • l’inquiétude quant aux dangers d’un changement climatique non maîtrisé.

Le Dr Chadi précise que le quatrième point fait référence à un bouleversement dans les habitudes quotidiennes où la consommation deviendrait un mécanisme de compensation. «Les changements climatiques peuvent engendrer des conditions qui empêchent d’avoir accès à un logement, à l’éducation, aux loisirs, aux produits alimentaires sains. Les gens peuvent alors se tourner vers les substances nocives pour se divertir, se reposer, avoir une occupation», indique-t-il.

Au chapitre des troubles mentaux, le pédiatre fait mention de la fameuse écoanxiété, mais aussi des troubles anxieux et de la dépression, qui peuvent conduire à l’envie de s’automédicamenter pour oublier le stress, l’incertitude quant à l’avenir, le deuil de son milieu de vie, etc.

Par ailleurs, le Dr Chadi rappelle que le trouble de stress post-traumatique – qui, dans ce cas-ci, serait causé par des catastrophes naturelles – est l’un des plus grands facteurs de risque d’utilisation de substances pour tenter d’apaiser la détresse.

Les jeunes à risque

Puisqu’ils sont au commencement de leur vie, les jeunes seraient particulièrement enclins à souffrir de toxicomanie liée aux changements climatiques. «L’adolescence est par défaut une période où l’on pense à l’avenir, où l’on fait des plans pour les prochaines années. Savoir que les choses risquent d’empirer, que certaines situations pourraient limiter ses aspirations crée un pessimisme, une perte d’espoir qui peut ensuite mener à l’abus de substances», souligne le chercheur.

Ce serait pareil du côté de la santé physique: si l’on commence à souffrir tôt d’un problème de santé physique causé par les changements climatiques, les effets vont s’accumuler avec les années et miner encore plus le moral.

«Comme pédiatre qui travaille beaucoup en santé mentale, j’en suis témoin très fréquemment. Les jeunes savent que la situation va se détériorer et ils se demandent à quoi bon continuer. C’est un discours très réel», déplore le Dr Chadi.

Confronté à cette réalité et aux résultats de son étude, le médecin martèle l’importance d’investir en santé et en prévention, en plus d’encourager des stratégies qui réduisent l’empreinte écologique tout en améliorant la santé et le bien-être, comme la promotion du transport actif, les changements alimentaires et les changements politiques.

«La toxicomanie est un enjeu de société qui coûte déjà des milliards de dollars annuellement et la crise climatique ne fera que l’aggraver. Il est urgent d’y sensibiliser davantage les politiciens, les responsables communautaires, les chercheurs, les professionnels de la santé et le public afin que nous soyons en mesure de répondre efficacement à ces nouveaux défis», plaide le pédiatre.