Erin Gee: la technologie au service de la création musicale
- UdeMNouvelles
Le 7 mars 2024
- Christine Fortier
L’artiste multidisciplinaire rejoint les rangs de la Faculté de musique à titre de professeure adjointe en composition et création sonore spécialisée en lutherie numérique.
Erin Gee est une habituée de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, car en plus d’y avoir fait son doctorat en composition et création sonore, elle y était chargée de cours en lutherie numérique en 2023. «En devenant professeure adjointe, je vais pouvoir apporter une vision à long terme et concevoir des cours dans une perspective plus globale du programme», précise l’artiste renommée sur la scène internationale pour sa musique électroacoustique influencée par les sons et les structures de l’ASMR (pour autonomous sensory meridian response) ou RASM en français (réponse autonome sensorielle méridienne).
Fusionner l’expression humaine et la technologie
Afin de comprendre comment Erin Gee en est venue à l’enseignement de la lutherie numérique, il faut revenir à ses études en interprétation vocale à l’Université de Regina au début des années 2000. «J’étais fascinée par le fait que la voix est un instrument de musique en soi. Quand vous jouez de la trompette, il y a un objet, la trompette, mais quand vous chantez, c’est vous. Durant mes études, j’ai vécu plusieurs expériences où mon professeur parlait de mon instrument comme si j’étais un objet. Puisque j’étais intéressée par la science-fiction, je me disais qu’il y avait quelque chose de “cyborg” là-dedans. En adoptant ce point de vue particulier, j’ai vu ma voix comme un objet technique qui pourrait susciter des émotions chez les autres», résume l’artiste.
Après son baccalauréat en interprétation vocale, Erin Gee en a fait un deuxième en beaux-arts (arts plastiques), toujours en Saskatchewan, sa province natale, pour explorer le côté technologique de la musique. Elle a enchaîné avec une maîtrise en beaux-arts (arts plastiques) à l’Université Concordia. «J’avais choisi Montréal parce que c’était le seul endroit au Canada avec un réseau incroyable de création dans les arts numériques», souligne celle qui se souvient avec émotion du technicien Martin Peach (1956-2021), son mentor à l’Université Concordia. «Il était une étoile du rock méconnue du public et le mentor de plusieurs artistes à Montréal», dit-elle. Elle tient aussi à préciser l’importance que son directeur de thèse, le roboticien et professeur Bill Vorn, a eue dans son parcours d’artiste multidisciplinaire.
La doctorante en composition et création sonore à la Faculté de musique de l’UdeM affirme que l’interaction entre le corps et l’esprit est à la base de son approche, en parlant du féminisme, du wetware (le terme qu’elle utilise pour décrire ses techniques de performance) et la manière de manipuler le corps des autres. Elle s’inspire entre autres de pratiques comme la méditation, la musique du nouvel âge et l’ASMR pour déclencher des réactions corporelles grâce à la musique.
Lutherie numérique
Par le biais d’un cours de lutherie numérique, Erin Gee apprendra aux étudiantes et étudiants à concevoir des instruments audionumériques ou des installations interactives à l’aide de capteurs, d’actionneurs et de microcontrôleurs. «Pour construire ses propres instruments, il faut apprendre les techniques de base relatives aux circuits électroniques, la programmation en ce qui concerne le microcontrôleur et l’ordinateur, mais ça prend aussi de la créativité. Afin d’alléger la matière au début, on fait de petites expériences pour s’amuser et explorer. Il y a également du travail d’équipe, car je pense que c’est important de créer ensemble pour que tout le monde puisse avoir du succès dans quelque chose de facile», indique-t-elle.
Au sujet de son rôle d’enseignante, Erin Gee mentionne qu’elle élabore ses cours en pensant aux professeurs qu’elle aurait voulu avoir plus jeune: «J’essaie d’inclure des exercices pour donner à mes étudiantes et étudiants tous les outils qu’ils devraient avoir pour être indépendants.»
Il y a aussi un aspect de sa recherche qu’elle souhaite transmettre à ses groupes. «Derrière chaque individu qui a du succès dans ce domaine, il y a toujours des personnes qui lui ont enseigné, que ce soit un mentor ou qu’il s’agisse de YouTube, de la culture open source. C’est important d’instaurer en classe un esprit d’ouverture et de collaboration parce que c’est en travaillant ensemble sur ses propres passions qu’on peut partager ses connaissances techniques avec les uns et les autres. Je veux transmettre cette perspective parce que si je suis bonne dans ce que je fais, c'est grâce à des communautés», conclut-elle.