Granules de stress, un rôle insoupçonné dans les vaisseaux sanguins

Représentation de vaisseaux sanguins

Représentation de vaisseaux sanguins

Crédit : Getty

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Une étude publiée dans «Nature Communications» suscite l’espoir pour la mise au point de traitements contre les maladies vasculaires, les cancers et les rétinopathies diabétiques.

Le comportement des cellules qui forment nos vaisseaux sanguins est crucial pour notre bien-être. L’inflammation, le manque d’oxygène, les infections virales, entre autres, créent des stress cellulaires qui perturbent la formation des vaisseaux sanguins, les rendant souvent pathologiques. Une équipe de recherche menée par Jean-Philippe Gratton, directeur du Département de pharmacologie et physiologie de l’Université de Montréal, a découvert un chemin insoupçonné menant à la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, processus nommé «angiogenèse». Ses travaux ont été publiés dans Nature Communications le 23 mai.

L’équipe a en effet mis au jour des interactions moléculaires jusque-là inconnues entre deux protéines actives dans la stabilisation des vaisseaux sanguins: ZO-1, souvent qualifiée de «protéine d’échafaudage» et qui peut être considérée comme une sorte de metteuse en scène, et la protéine YB-1. Plus précisément, la protéine ZO-1 enjoint la protéine YB-1 de se lancer dans la formation de salutaires granules de stress.

Vous avez dit granules de stress? Ces granules sont des regroupements de protéines qui s’assemblent à l’intérieur des cellules lorsque ces dernières sont exposées à des environnements stressants, tels que le manque d’oxygène, des agents toxiques ou lors d’infections, mais surtout elles assurent la survie des cellules durant l’épisode de stress cellulaire.

Le bon dosage

Jean-Philippe Gratton

Jean-Philippe Gratton

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

«Tout est question de dosage, explique Jean-Philippe Gratton, qui dirige le laboratoire de biologie des cellules endothéliales et d’angiogenèse au Centre d’innovation biomédicale de la Faculté de médecine de l’UdeM. En trop grand nombre ou actives trop longtemps, ces granules n’assureront plus l’intégrité des cellules qui composent les vaisseaux sanguins, mais conduiront à la formation de vaisseaux sanguins pathologiques.» En bref, combattre le stress cellulaire, oui. Mais en prenant garde de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

«Avec le bon dosage de granules de stress, les cellules saines sont mieux équipées pour résister aux assauts. Jusqu’à tout récemment, nous ne savions pas que le stress cellulaire avait un rôle à jouer dans la formation des vaisseaux sanguins», résume-t-il. Cette découverte ouvre ainsi la voie à de nouveaux traitements ciblant ces interactions moléculaires dans le cas de maladies vasculaires.

«Notre recherche est prometteuse pour le traitement des cancers, où l’on souhaite réduire l’apport sanguin dans les tumeurs, mais aussi pour le traitement des rétinopathies diabétiques, lorsque de petits vaisseaux sanguins anormaux se forment dans la rétine et obstruent la vision. Bloquer ces vaisseaux entrave l’évolution des lésions», indique Jean-Philippe Gratton, titulaire depuis 2013 de la Chaire Merck Canada en pharmacologie.

Le chercheur reste prudent, mais souligne qu’une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent l’angiogenèse est indispensable à la désignation de nouvelles cibles thérapeutiques.

Depuis deux décennies en effet, les recherches s’intensifient sur les médicaments qui, au lieu d’attaquer les cellules cancéreuses, vont plutôt priver la tumeur de sang, d’oxygène et de nutriments. Actuellement, la stratégie consiste à bloquer l’action du principal facteur responsable de la formation des vaisseaux sanguins, le VEGF, actif dans la croissance des tumeurs cancéreuses.

L’équipe de Jean-Philippe Gratton qui a participé à l’étude était constituée de Yassine El Bakkouri, Rony Chidiac, Vanda Gaonac’h-Lovejoy, Chantal Delisle et Jeanne Corriveau, de l’Université de Montréal, Gaël Cagnone, Jean-Sébastien Joyal et Alexandre Dubrac, du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, Laura Hulea, du Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, et Ashley Chin et Éric Lécuyer, de l’Institut de recherches cliniques de Montréal.

Dans le bureau du professeur, à la Faculté de médecine, une page jaunie du journal La Presse occupe un espace de choix. Il y figure comme personnalité de la semaine du quotidien en 2003.

«J’ai eu mes 15 minutes de gloire», dit-il en souriant. Les premières. Pas les dernières.