«In Bloom», une méditation sonore d’outre-tombe

Pour Erin Gee, «In Bloom» n'a rien de macabre, mais relève plutôt de l'enchantement.

Pour Erin Gee, «In Bloom» n'a rien de macabre, mais relève plutôt de l'enchantement.

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En 5 secondes

Erin Gee présente «In Bloom» au Centre Phi. Dans cette installation immersive, elle nous invite à reconsidérer notre rapport à la mort.

Erin Gee

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Crédit : Vivien Gaumand

Erin Gee, professeure adjointe à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, artiste et compositrice explorant les frontières entre son, technologie et corporalité, s'apprête à nous plonger dans une expérience immersive unique avec «In Bloom». Présentée au Centre Phi du 4 au 5 octobre, cette installation fait partie du programme Project Immersed: guides sonores, consacré à la santé mentale à travers le prisme du son.  

L'œuvre sera diffusée dans un lieu intime du Centre Phi spécialement conçu pour maximiser l’expérience d’écoute. Erin Gee y proposera une méditation d’environ 15 minutes, inspirée par l’idée de la continuité de la vie après la mort. L’artiste prendra la voix d’une travailleuse des soins post mortem pour guider l’auditeur avec bienveillance dès les premiers instants de la décomposition de son corps. 

Une méditation inspirée par la décomposition des corps

L'idée d’«In Bloom» est née de la découverte par Erin Gee du concept d’obsèques écologiques. «Tout est parti d’un article sur des funérailles basées sur la décomposition naturelle des corps dans la terre, sans ajout de produits chimiques», explique-t-elle. Elle a alors entrepris des recherches approfondies sur les étapes de la décomposition des corps. «Ce ne sont pas seulement les champignons qui participent à la décomposition, mais aussi les acides de notre corps ainsi que certaines bactéries», poursuit-elle.  

L’artiste a découvert tout un vocabulaire scientifique comme les mots protéobactéries et bactéroïdes. Un vocabulaire qu’elle a pu intégrer dans les paroles de son œuvre. 

Une expérience auditive inédite

Ainsi, à partir de ses recherches, Erin Gee a créé ce qu’elle nomme un «opéra ASMR» (pour autonomous sensory meridian response) ou RASM en français (réponse autonome sensorielle méridienne). À travers notamment des chuchotements, elle guide les auditeurs dans une expérience sensorielle, les rassurant sur le fait que ce voyage sera apaisant. «C’est une expérience sans douleur, où l’on suit chaque étape du processus de décomposition», précise-t-elle. L'objectif est de «permettre aux gens d’avoir moins peur de la mort ou de trouver plus de paix face à elle». 

Elle utilise l'absence de cadre rigide de la RASM pour explorer de nouvelles formes de relaxation et proposer des avenues où peut se déployer librement l’imagination des auditeurs. Celle qui apprend à ses étudiants et étudiantes à créer des instruments audionumériques est fascinée par l’immense pouvoir qu’a notre voix d’influencer nos réactions corporelles et procurer des sensations de bien-être.  

Erin Gee a aussi cherché à repousser les limites de sa pratique vocale: «Je me suis demandé comment sortir du corps que j’habite pour chanter. J'ai passé du temps dans mon studio pour imaginer ma voix comme celle d’un loup, comme un animal non humain qui était en train de crier dans la forêt.» 

Elle accompagne également les sons qu’elle émet par différents bruits organiques. Pour cela, elle s’est équipée d’un instrument inusité: un bol avec une membrane en latex que Totem Contemporain a conçu. «Parfois, cela ressemble à des trombones ou des tubas, d'autres fois à d’immenses tambours. Les sons semblent naturels, mais aussi un peu surnaturels parce que c’est un instrument qu’on n’a jamais entendu auparavant», mentionne-t-elle. 

Rien de macabre!

Pour Erin Gee, «In Bloom» n'a rien de macabre, mais relève plutôt de l'enchantement. Elle souhaite aller au-delà de la gravité souvent associée à la mort. En explorant le contraste entre la répulsion et la beauté intrinsèques à la décomposition, elle aborde ce processus non seulement comme un phénomène biologique, mais aussi comme une expérience spirituelle et poétique. 

«En faisant mes recherches, j'ai découvert que la mort pouvait être à la fois profondément répugnante et incroyablement belle. En combinant ces deux aspects, on arrive à la nature même des choses», souligne-t-elle. 

L’humour trouve également sa place dans son œuvre, notamment avec de petits chœurs chuchotant des mots comme protéobactéries, ajoutant une touche ludique à cette œuvre profondément introspective à voir prochainement au Centre Phi. 

 

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