Prédire le développement cognitif des enfants autistes avec l’IA et la génétique

Actuellement, les médecins se basent principalement sur l’observation des étapes du développement précoce pour anticiper le développement de l’enfant.

Actuellement, les médecins se basent principalement sur l’observation des étapes du développement précoce pour anticiper le développement de l’enfant.

Crédit : Getty

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Bien que le diagnostic d’autisme puisse être posé très tôt, il reste difficile de prédire la trajectoire développementale de l’enfant. Une équipe de recherche travaille actuellement à y remédier.

Peut-on prédire avec précision si un enfant qui a reçu un diagnostic d’autisme souffrira plus tard d’une déficience intellectuelle? Dans une nouvelle étude menée auprès de 5633 enfants autistes issus de trois cohortes nord-américaines, deux cliniciens-chercheurs ont mis au point un modèle prédictif innovant combinant un large éventail de variants génétiques avec des données sur les étapes du développement précoce de l’enfant.

L’objectif: obtenir plus tôt des informations fiables pour prévoir la trajectoire développementale et ainsi intervenir de manière proactive auprès des enfants autistes qui en ont besoin.

Ces travaux représentent un tournant dans l’utilisation des données génomiques, puisque les tests génétiques sont ici employés pour prédire le développement et non pour expliquer une condition développementale déjà observée.

Un modèle pour soutenir le jugement clinique

Vincent-Raphaël Bourque et Sébastien Jacquemont

Vincent-Raphaël Bourque et Sébastien Jacquemont

Crédit : Vincent-Raphaël Bourque (Laboratoire Jacquemont) et Sébastien Jacquemont (Amélie Philibert, Université de Montréal)

Cette étude prend appui sur la vaste expérience en génétique et en psychiatrie de l'enfant de l’équipe de recherche. Par ces travaux, les cliniciennes et cliniciens souhaitaient répondre à une préoccupation de nombreux parents: mieux comprendre et anticiper le développement de leur enfant atteint d’autisme.

«Chez certains enfants, les premiers signes d’autisme apparaissent dès l’âge de 18 mois», dit le Dr Vincent-Raphaël Bourque, doctorant au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et premier auteur de l’étude. Bien que le diagnostic d’autisme puisse être posé très tôt, il reste difficile de prédire la trajectoire développementale à moyen et long terme. De nombreux parents se demandent comment leur enfant grandira et s’il souffrira d’une déficience intellectuelle, qui affecte de 10 à 40 % des enfants autistes et se manifeste souvent vers six, sept ou huit ans. Actuellement, les médecins se basent principalement sur l’observation des étapes du développement précoce, comme l’acquisition du langage ou de la marche, pour anticiper le développement de l’enfant.

Toutefois, ces prédictions sont limitées, surtout chez les plus jeunes enfants. De plus, il n’existe encore aucun moyen de savoir à quel point ces prédictions sont précises. L’approche actuelle consiste donc souvent à attendre de voir comment l'enfant se développe avant d’intervenir. Or, cela peut lui causer beaucoup de stress lorsqu’il y a un décalage croissant entre les forces et les défis qui lui sont propres, les attentes de l’entourage et celles du milieu scolaire, et pour ce qui est du soutien qui lui est offert, à lui et à sa famille. Par conséquent, plusieurs enfants autistes pourraient bénéficier plus tôt d’une prise en charge mieux adaptée.

Un point de départ pour un nouveau modèle de prédiction

Les chercheurs ont donc conçu un modèle visant à anticiper les défis, au lieu d’attendre qu’ils se manifestent, pour offrir du soutien de manière plus proactive. En combinant un grand nombre de variants génétiques – dont certains qui sont typiquement considérés comme à faible valeur prédictive – avec des données sur les étapes du développement moteur et langagier, ils ont été en mesure de prédire correctement environ 10 % des cas de déficience intellectuelle chez les enfants autistes.

La capacité du modèle à distinguer les probabilités faibles et élevées de déficience intellectuelle déterminées par les variants génétiques était deux fois plus grande chez les enfants avec d’importants retards de développement.

Ces résultats établissent un point de référence, ce qui est prometteur pour la recherche à venir: «Des équipes de recherche découvrent sans cesse de nouveaux variants génétiques et les modèles d’analyse sont de plus en plus puissants», se réjouit le Dr Sébastien Jacquemont, médecin généticien au CHU Sainte-Justine et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, qui a dirigé l’étude.

«C’est donc certain qu’au cours des prochaines années, avec les tests génétiques qui sont moins coûteux et de plus en plus accessibles, nos capacités de prédiction vont s’améliorer et donner lieu à une prise en charge plus adaptée de plus d’enfants autistes», poursuit-il.

Enfin, l’équipe a cherché à mesurer avec précision la marge d’incertitude, c’est-à-dire dans quelles proportions les prédictions se sont avérées exactes et inexactes, une donnée essentielle pour la communication avec les familles.

«En tant que médecin, expliquer aux parents le degré de certitude ou d’incertitude de nos prédictions est essentiel: cela leur permet de prendre les meilleures décisions avec et pour leur enfant», conclut le Dr Bourque.

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