Andropause: un intérêt montant pour une testostérone en baisse
- UdeMNouvelles
Le 18 mai 2025
- Mylène Tremblay
Après l'engouement médiatique pour la ménopause, voilà que l'attention se porte sur l'andropause. L'endocrinologue Hélène Lavoie fait le point sur cette baisse hormonale masculine.
La série documentaire Loto-Méno, diffusée en mai 2023, a propulsé la ménopause sur la place publique. Dans son sillage, un autre phénomène longtemps tabou est sorti de l'ombre: la baisse hormonale masculine liée au vieillissement. «C'est la suite logique: on réactive le sujet chez l'homme», observe la Dre Hélène Lavoie, professeure adjointe de clinique au Département de médecine de l'Université de Montréal.
L’endocrinologue, qui pratique depuis 30 ans au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, fait partie de ces rares spécialistes qui se penchent sur la question au Québec. D'entrée de jeu, elle met en garde contre une idée reçue voulant que l'andropause soit l'équivalent masculin de la ménopause.
«Ce n’est pas le bon terme. Contrairement à la ménopause, qui provoque un effondrement brutal des œstrogènes chez la plupart des femmes âgées de 45 à 55 ans, l’andropause entraîne une baisse progressive de la testostérone chez les hommes de façon inégale à partir de 30 ans», précise-t-elle. Elle préfère ainsi parler d'«hypogonadisme acquis de l'homme vieillissant», un terme moins accrocheur, certes, mais plus fidèle à la réalité médicale.
Bien plus qu'une question d'âge
À quel moment la baisse de testostérone devient-elle problématique? Difficile à dire. Les hormones hypophysaires qui régulent la sécrétion de testostérone et la fertilité – la LH (hormone lutéinisante) et la FSH (hormone folliculostimulante) – sont sécrétées de façon pulsatile et demeurent très sensibles aux variations extérieures. «L'axe reproducteur est extrêmement fragile», dit la Dre Lavoie.
L'erreur la plus commune revient à attribuer de façon systématique la baisse de testostérone au vieillissement, alors que deux pour cent des cas d'hypogonadisme sont liés uniquement à l'âge, soutient la Dre Lavoie. Les causes de cette chute peuvent être multiples: diabète, embonpoint, stress, dépression, troubles de l'hypophyse, médicaments… «Avant de parler d'andropause, il faut chercher la cause sous-jacente, souligne-t-elle. Je vois souvent des hommes en réévaluation qui ont été traités trop vite avec de grosses doses de testostérone, sans que l'on connaisse la raison de cette baisse hormonale. Je m'assois avec eux, je passe en revue leur histoire clinique et l’on recommence tout de zéro.»
Une chose est sûre, selon la spécialiste: «L'andropause, comme la ménopause, n'est pas une maladie, mais un processus naturel du vieillissement, qui peut nécessiter du soutien chez les hommes si cette baisse de testostérone s’accompagne d’un syndrome clinique.»
Des signaux spécifiques à reconnaître
Si la fatigue, la baisse d'énergie, l'irritabilité, les troubles de concentration et l'insomnie sont autant de signes généraux qui peuvent mettre la puce à l'oreille, d'autres symptômes plus spécifiques sonnent l’alerte: perte de libido, dysfonctions érectiles, disparition des érections matinales, ralentissement de la pousse de la barbe, développement mammaire. Ces syndromes cliniques justifient une investigation plus poussée, car un hypogonadisme non traité peut entraîner des complications sérieuses telles que l’anémie, l’ostéoporose précoce, une augmentation des risques cardiovasculaires, une perte musculaire et une accumulation du gras abdominal.
Mais pour beaucoup d'hommes, le problème sera temporaire, notamment chez ceux en fin de carrière. «La retraite approche, ils sont fatigués, essoufflés, stressés. Le stress inhibe la GnRH [l'hormone qui contrôle la maturation sexuelle et la fertilité] et la testostérone diminue, observe la Dre Lavoie. Je réalise un bilan complet. Si, par exclusion, il s'agit d'un hypogonadisme acquis de l'homme vieillissant, je le traite, mais pas à vie. Je leur précise que, dans cinq ans, on réévaluera la situation. Souvent, un an après la retraite, ils n'ont plus besoin de traitement. Ils dorment mieux, font davantage d'activité physique et prennent mieux soin d'eux. La baisse de testostérone peut être juste une conséquence du mode de vie.»
Un diagnostic complexe
Quoi qu’il en soit, la décision de traiter un déficit en testostérone n’est jamais prise à la légère. Et si l’on procède, ce n’est pas sur la base d'un seul test, prévient la spécialiste: «Les analyses sanguines doivent être répétées deux à trois fois et accompagnées d’un bilan complet.» Un taux anormal de testostérone ne suffit pas: il doit être interprété dans un contexte clinique, à l’aide d’investigations adaptées à chaque patient. En général, on considère qu’un niveau normal de testostérone se situe entre 10 et 30 nanomoles par litre. Entre 7 et 12, la situation est plus floue. En dessous de 7, un traitement peut être envisagé, mais seulement après une évaluation rigoureuse.
Selon les études récentes, les traitements actuels – injections sous-cutanées hebdomadaires, gel ou crème de testostérone – montrent des effets bénéfiques modestes tout en comportant des risques non négligeables. «Ces traitements ne doivent pas être prescrits systématiquement», rappelle l’endocrinologue, qui s'inquiète de la banalisation de l’usage de testostérone, tout particulièrement chez les jeunes. «Notre plus grande préoccupation, ce sont les jeunes hommes qui prennent de la testostérone pour s'entraîner, avoir de la barbe et de gros muscles! Je leur dis de faire confiance à leur corps, mais la pression sociale est énorme. L'usage de stéroïdes anabolisants peut avoir des effets irréversibles sur leur fertilité», mentionne-t-elle.
Des conseils pour traverser l'andropause en toute sérénité
Alors, messieurs, si votre libido est en berne, de même que votre énergie, vos muscles, votre concentration et votre bonne humeur, restez patients et indulgents envers vous-mêmes, faites tomber l'anxiété de performance et limitez votre exposition aux réseaux sociaux! «Je dis souvent à mes patients: si vous avez déjà eu une libido, ne vous en faites pas, ça va revenir. La libido, c'est multifactoriel, ça marche chez les hommes et les femmes quand tout le reste marche dans leur vie. Les petits changements peuvent faire de grosses différences», indique-t-elle. La médecin tient également à rappeler que la prise d’hormones ne s’accompagne pas d’un résultat garanti: «L'effet est très variable d'une personne à l'autre. Ce n'est pas comme un médicament qui fait baisser la pression ou le taux de sucre!»
Une formation médicale repensée
Devant ce regain d'intérêt pour le climatère – ménopause chez la femme, andropause chez l’homme –, les futurs médecins devront plus que jamais savoir en reconnaître les aspects cliniques et apprendre à discuter ouvertement de santé sexuelle avec leurs patients.
Le défi consiste donc à former la relève en santé hormonale. «Une baisse de testostérone fait partie du vieillissement normal et ne nécessite pas un dépistage systématique, martèle la Dre Lavoie. Évitons de pathologiser un phénomène naturel et apprenons à reconnaître les cas qui nécessitent une intervention afin de traiter les bonnes personnes au bon moment.»