Deux cas de rétinopathie solaire après l’éclipse d’avril 2024

Il faut continuer à trouver des façons créatives de sensibiliser les gens à la santé oculaire.

Il faut continuer à trouver des façons créatives de sensibiliser les gens à la santé oculaire.

Crédit : Getty

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Deux cas de rétinopathie solaire confirmés après l’éclipse de l’an dernier rappellent l’importance de bien protéger ses yeux, même pour une exposition très brève.

Le 8 avril 2024, des milliers de Québécois ont levé les yeux vers le ciel pour observer l’éclipse solaire totale. Mais pour deux d’entre eux, cette expérience s’est soldée par un diagnostic de rétinopathie solaire. Cette affection oculaire, provoquée par l’exposition directe aux rayons du soleil, a été confirmée chez un homme de 34 ans et une adolescente de 17 ans par une équipe de spécialistes de la rétine au Québec.

Ces diagnostics sont issus d’un registre mis en place à l’échelle de la province et pour lequel 350 ophtalmologistes membres de l’Association des médecins ophtalmologistes du Québec ont été mis à contribution. Rapportés dans un article publié dans le Canadian Journal of Ophthalmology par une équipe de spécialistes du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), ces cas rappellent que même un bref regard sans protection lors d’une éclipse solaire peut suffire à endommager la vision.

Des dommages bien réels

Fares Antaki

Fares Antaki

Crédit : Courtoisie

Dans les deux cas recensés, les patients ne portaient pas de lunettes de protection certifiées. Le trentenaire a observé l’éclipse à travers une fenêtre, sans lunettes, pendant environ 30 secondes. Il présentait 25 jours plus tard une vision floue et avait des taches dans le champ visuel des deux yeux. L’adolescente, elle, a caché son œil droit avec la main et a subi des dommages à l'œil gauche, souffrant de troubles visuels persistants trois mois après l’évènement.

Les examens ont révélé des lésions au centre de la rétine, à la fovéa, zone essentielle à la vision fine. «La rétine, c’est le film qui capture la lumière pour nous permettre de voir. Quand nous regardons le soleil sans protection, les rayons ultraviolets peuvent endommager les photorécepteurs. Souvent, les dommages sont irréversibles, mais leur gravité peut varier selon la durée d'exposition, les conditions météorologiques et la configuration de l'œil du patient», explique Fares Antaki, ophtalmologiste au CHUM. 

Si ces deux patients avaient une acuité visuelle presque normale après avoir observé l’éclipse sans protection, les examens ont montré des atteintes structurelles. Chez l’homme, il y a eu «une perte de la zone ellipsoïde avec une organisation en colonnes des fibres de Henle», peut-on lire dans l’étude. Chez la jeune femme, les auteurs de l’article ont noté que «son œil gauche révélait un espace hyporéflectif des couches externes indiquant une perte de l'ellipsoïde et de la zone d'interdigitation». Des séquelles cellulaires donc bien réelles, même si les symptômes restaient relativement légers à court terme. «On sait qu'il y a des séquelles parce que les photorécepteurs ont été endommagés», précise Fares Antaki.

Une prévention efficace grâce aux campagnes de sensibilisation

Avec seulement deux cas confirmés dans une population de 9,1 millions d’habitants, le bilan peut sembler modeste. Pour Fares Antaki, ce faible nombre de signalements n’est «pas surprenant», mais il est probablement en deçà de la réalité. «Notre méthodologie se basait sur l’autodéclaration par les ophtalmologistes, ce qui peut entraîner une sous-estimation. Nous n’avons pas les données des optométristes, sans compter les cas qui n’ont pas été vus», dit-il.

Il souligne toutefois l’effet positif des campagnes de sensibilisation menées avant l’éclipse: «Je pense que les efforts ont porté leurs fruits. Beaucoup de sensibilisation a été faite dans les médias, que ce soit à la télé, dans la presse écrite ou sur les réseaux sociaux.» Selon lui, ces campagnes ont très probablement contribué à prévenir un plus grand nombre de cas de rétinopathie solaire.

Il plaide pour la poursuite de ces efforts: «Il faut continuer à trouver des façons créatives de sensibiliser les gens à la santé oculaire: pour les jeunes, ça peut être à travers les réseaux sociaux; pour les aînés, ça peut être à la télé et à la radio ou dans la presse écrite parce que ce n'est pas tout le monde qui a accès à la technologie.» On ne doit pas relâcher la vigilance, même si la prochaine éclipse totale visible au Québec sera... en 2106!

À propos de cette étude

Cette étude a été menée par des spécialistes affiliés à plusieurs établissements de recherche: Fares Antaki, du CHUM, de l’Université de Montréal, de l’École de l'intelligence artificielle en santé et du Cole Eye Institute (États-Unis); Cynthia X. Qian, de l’Université de Montréal et de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont; Samir Touma, du CHUM, de l’Université de Montréal et de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont; et Mona Harissi-Dagher, Danny Gauthier et Salim Lahoud, du CHUM et de l’Université de Montréal.

Elle est consultable dans le numéro d’avril 2025 du Canadian Journal of Ophthalmology.

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