Les vertus insoupçonnées du piment fort

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Le piment fort, ça chauffe. Mais il a des vertus thérapeutiques à explorer, comme l’expliquent divers experts de l’UdeM. Pleins feux sur la capsaïcine!

Il apporte mordant, chaleur, personnalité. Il rehausse, il colore, il parfume. Qu’il s’appelle habanero, cayenne, jalapeno, poblano ou oiseau, le piment fort ne laisse personne indifférent.

Dans une assiette, ses qualités gustatives sont sans équivoque. Et si le piment fort pouvait faire plus pour l’humain que rendre ses plats délicieusement – ou outrageusement, selon les préférences – relevés? Et s’il était thérapeutique?

D’abord, les bases. Vous êtes dans un restaurant indien, mexicain, thaïlandais. Vous croquez dans une bouchée aux teintes vermeilles. Immédiatement, votre langue picote, votre front ruisselle, une bouffée de chaleur vous assaille. Vous venez de rencontrer la capsaïcine.  

Contenue dans la paroi interne des piments, la capsaïcine est le composé chimique qui produit la sensation de brûlure dans la bouche lors de l’ingestion. Cette chaleur, variable en fonction de la variété de piment, est mesurée par l’échelle de Scoville.

Plongeons maintenant dans l’univers des propriétés médicinales de cette molécule ardente.

Agréablement douloureux

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Appliquée sur la peau sous forme de crème topique, la capsaïcine peut soulager certaines douleurs arthritiques ou la douleur associée à la névralgie postherpétique – la complication la plus fréquente du zona. Aux premières applications, la crème a tendance à provoquer une sensation de brûlure, une rougeur locale et une inflammation. Donc… on s’inflige une douleur supplémentaire afin de soulager celle initiale?

«Cela peut sembler paradoxal effectivement. En quelque sorte, on combat le feu par le feu», note de façon imagée Réjean Couture, professeur au Département de pharmacologie et physiologie de l’Université de Montréal et spécialiste des récepteurs de la douleur.

De fait, explique le professeur, la capsaïcine active un nocicepteur – un récepteur de la douleur – situé à l’extrémité périphérique des neurones sensitifs (les fibres C) de la peau. Lorsque ce nocicepteur est stimulé par un excès de capsaïcine – l’application répétée du traitement topique –, la fibre C finit par se vider de tous ses neuromédiateurs chargés d’indiquer au cerveau la douleur.

«Bref, on hypersensibilise le système pour ensuite le désensibiliser et apaiser momentanément la douleur causée par le virus du zona ou par d’autres types d’inflammation neurogénique impliquant les fibres C», précise-t-il.

Bon pour la santé, mais à prendre avec un grain de sel

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Si nous venons de voir qu’il est possible d’appliquer une crème à base de capsaïcine pour soulager des douleurs, la façon la plus répandue de faire connaissance avec la molécule, c’est bien sûr en la mangeant.

Ses vertus potentielles deviennent alors antioxydantes, anticancérigènes et antiobésogènes, dit Valérie Marcil, professeure au Département de nutrition de l’UdeM. Dans ses travaux de recherche, elle s’intéresse notamment aux effets de la nutrition sur les maladies.

«D’abord, la capsaïcine pourrait influer sur le cycle de vie des cellules cancéreuses en favorisant l’apoptose, soit la mort programmée des cellules. Souvent, ce mécanisme ne fonctionne plus normalement dans les cellules cancéreuses. Elles survivent et se multiplient, alors qu’elles auraient dû être détruites par apoptose. Mais la capsaïcine aurait cette vertu de participer à la destruction de certaines d’entre elles. Ensuite, la molécule aurait des propriétés antiobésogènes, comme l’augmentation de la dépense énergétique et de la sensation de satiété», souligne-t-elle.

Attention toutefois. La chercheuse tient à mentionner que la capsaïcine n’est pas une panacée, que ses bienfaits sont souvent démontrés dans des études in vitro et qu’il n’a pas été prouvé qu’ils peuvent être étendus à l’humain. 

«C’est comme ça pour tous les nutriments, ajoute-t-elle. Au quotidien, on ne mange pas des nutriments, mais des aliments. De plus, les aliments ne sont pas des médicaments. Il faut relativiser leur pouvoir, puisque leurs effets réels sont souvent le résultat d’une combinaison de facteurs.»

Un potentiel antibiotique?

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Une récente revue de littérature allemande a fourni des preuves que la capsaïcine constituait une option complémentaire prometteuse pour traiter les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques.

Si la molécule n’est pas assez puissante pour remplacer les antibiotiques existants, sa capacité à réduire la quantité de ces derniers lors du traitement des infections bactériennes contribuerait à diminuer le risque d’antibiorésistance.

Le microbiologiste, chercheur spécialisé en résistance aux antibiotiques et professeur du Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM Yves Brun croit qu’il s’agit là d’une avenue qu’il pourrait valoir la peine de creuser davantage.

«Les approches qui combinent deux molécules ont plusieurs avantages, puisqu’elles peuvent avoir un effet synergique, affirme-t-il. La capsaïcine est bien absorbée par le corps et ne semble pas toxique, du moins à la dose ingérée. Par contre, nous ne connaissons pas son mécanisme d’action, donc c’est par là que devraient commencer les recherches plus approfondies.»

Puisque les mécanismes moléculaires sous-jacents et l’application des résultats in vitro à des modèles in vivo sont à valider dans de futurs essais cliniques.

Bref, si les effets de la capsaïcine sont antioxydants, antiobésogènes, antibiotiques ou tout simplement joyeusement torrides, pourquoi se passer de sauce piquante?

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