Découverte d’une nouvelle structure moléculaire du carbone: le fullertube C130

Illustration de la découverte de la molécule C130-D5h, publiée en page couverture du prestigieux «Journal of the American Chemical Society» en décembre dernier.

Illustration de la découverte de la molécule C130-D5h, publiée en page couverture du prestigieux «Journal of the American Chemical Society» en décembre dernier.

Crédit : JACS

En 5 secondes

Le doctorant en physique Emmanuel Bourret fait partie d’un groupe international de recherche qui a mis au jour l’existence d’une rare structure moléculaire du carbone, le fullertube C130. 

On soupçonnait l’existence théorique des fullertubes C130, des molécules constituées de 130 atomes de carbone, et non seulement Emmanuel Bourret et ses collaborateurs sont parvenus à en isoler, mais ils les ont même photographiés!

Cette prouesse en recherche fondamentale a valu à l'équipe qu’une illustration inspirée de sa découverte, dont le nom scientifique est C130-D5h, soit publiée en page couverture du prestigieux Journal of the American Chemical Society (JACS) en décembre dernier. 

Les résultats de cette étude sont issus d’une collaboration interuniversitaire de chercheurs et chercheuses de l’Université Purdue, de la Virginia Tech et du Laboratoire national d’Oak Ridge.

Qu’est-ce qu’un fullertube? 

La page couverture du 6 décembre du Journal of the American Chemical Society.

La page couverture du 6 décembre du «Journal of the American Chemical Society»

Crédit : JACS

Un fullertube est essentiellement un assemblage d’atomes de carbone disposés de manière à former une cage tubulaire fermée. Ces molécules sont apparentées aux fullerènes, des structures représentées comme des cages d’hexagones et de pentagones reliés entre eux et ayant une grande variété de tailles et de formes.

Par exemple, un fullerène C60 est composé de 60 atomes de carbone prenant la forme d’un ballon de soccer. Ce type de fullerène, très abondant, est relativement petit et sphérique. En revanche, le fullertube C120 est plus long et plus rare, et sa structure prend plutôt la forme d’un tube dont on aurait fermé les extrémités avec des moitiés de C60.

Des particules obtenues à partir de la suie

Michel Côté et Emmanuel Bourret

Michel Côté et Emmanuel Bourret

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Le fullertube C130 est d’une forme plus allongée que le C120 et, surtout, plus rare encore. Pour l’isoler, l’équipe de recherche a généré un arc électrique entre deux électrodes de graphite, provoquant ainsi l’apparition de suie contenant les molécules de fullerène et de fullertube.  

La structure électronique de ces molécules a ensuite été calculée à l’aide de la théorie de la fonctionnelle de la densité. 

«Cette théorie qui fait appel aux principes de la mécanique quantique nous permet de faire des calculs de structures électroniques pour prédire les propriétés d’une molécule en utilisant des règles fondamentales de la physique», explique le professeur Michel Côté, qui supervise les travaux d’Emmanuel Bourret au Département de physique de l’Université de Montréal.

Une structure qui ressemble à une capsule

Le fullertube C130 mesure un peu moins de 2 nanomètres de long par un nm de large (un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre!). Sa structure tubulaire est composée d’atomes agencés en forme d’hexagone, tandis qu’aux deux extrémités, ces hexagones sont reliés entre eux par des pentagones, ce qui leur donne leur forme arrondie.

Le fullertube C130 mesure un peu moins de deux nanomètres de long sur un nanomètre de large (un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre!). Sa structure tubulaire est composée d’atomes agencés en forme d’hexagone, tandis qu’aux deux extrémités ces hexagones sont reliés entre eux par des pentagones, ce qui leur donne leur forme arrondie.

Crédit : JACS

À l’aide de logiciels spécialisés, Emmanuel Bourret a pu décrire la structure des molécules de C130: sa structure tubulaire est refermée aux extrémités par deux demi-sphères, lui donnant l’apparence d’une capsule… d’un infime format. De fait, le fullertube C130 mesure un peu moins de deux nanomètres de long sur un nanomètre de large – un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre.

«La structure du tube est essentiellement composée d’atomes agencés en forme d’hexagone, tandis qu’aux deux bouts ces hexagones sont reliés entre eux par des pentagones, ce qui leur donne leur forme arrondie», indique Emmanuel Bourret, premier auteur de l’article paru dans le JACS.

Quand théorie et approche expérimentale se conjuguent

L’un des fullertubes C130 identifiés par Emmanuel Bourret.

L’un des fullertubes C130 mis au jour par Emmanuel Bourret

Crédit : JACS

Emmanuel Bourret a commencé à travailler sur les fullertubes de façon théorique en 2014 avec son superviseur de l’époque, le professeur Jiri Patera, du Département de mathématiques et de statistique de l’UdeM.

C’est après avoir lu un article publié en 2020 par le professeur Steven Stevenson, de l’Université Purdue de Fort Wayne, décrivant la réalisation expérimentale de certains fullertubes, que l’étudiant a commencé à collaborer avec le professeur Stevenson. L’article démontrait l’existence des fullertubes, sans pour autant qu'ils aient été tous identifiés.

Or, le professeur Patera est malheureusement décédé en janvier 2022. Emmanuel Bourret a donc contacté le professeur Michel Côté, qui est devenu son directeur de recherche.  

«Emmanuel avait un riche bagage en mathématique abstraite et il vient ajouter une touche intéressante à mon groupe de recherche axé sur des approches plus informatiques», ajoute le professeur, qui est aussi chercheur à l’Institut Courtois de l’UdeM.

Une utilité qui reste à définir

Panorama des types de fullertubes connus jusqu’à maintenant.

Panorama des types de fullertubes connus jusqu’à maintenant

Crédit : JACS

Maintenant qu’il existe un début de preuve de l’existence des fullertubes C130, a-t-on une idée d'une possible application de cette découverte?

«C’est difficile à dire à ce stade-ci, mais on pourrait penser à la production de l’hydrogène qu’on obtient actuellement à l’aide d’un catalyseur au platine et au rubidium – qui sont rares et chers – et qu’on pourrait remplacer par des structures de carbone comme le C130, ce qui permettrait de produire de l’hydrogène de façon plus verte», illustre Michel Côté.

Dans tous les cas, le travail novateur d’Emmanuel Bourret lui a valu, l’an dernier, d’être invité à titre de conférencier au congrès annuel de l’Electrochemical Society (ECS), à Boston. Et l’ECS a récidivé en le conviant cette fois à présider la séance sur les fullerènes et fullertubes à son prochain congrès, qui aura lieu du 26 au 30 mai à San Francisco. Parions que ce n’est que le début d’une fructueuse aventure!

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