Le professeur André Moisan à la recherche de solutions

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  • Le 8 juillet 2020

  • Catherine Couturier
André Moisan

André Moisan

En 5 secondes

Le passage vers les cours en ligne a posé plusieurs défis techniques. André Moisan, professeur à la Faculté de musique, s’est rapidement mis à la recherche de solutions.

Comment s’est déroulée la transition vers les cours en ligne à la Faculté de musique?

Nous avons été pris un peu par surprise. Contrairement à d’autres disciplines, la musique s’enseigne majoritairement en présentiel. Nous avons été obligés d’arrêter tous les cours et les débuts de l’enseignement à distance ont été très frustrants pour la majorité des professeurs et professeures. Rapidement, plusieurs comités ont été mis en place. Pour avoir été en contact avec des membres du corps enseignant de partout, je peux vous dire que notre faculté a été dans les premières à réagir, dès la semaine qui a suivi la déclaration de pandémie. L’équipe a été extraordinaire; on s’est mis à la recherche de solutions pour aider ceux et celles qui étaient plus ou moins à l’aise avec la technologie.

Quels défis l’enseignement de la musique à distance pose-t-il?

Pour ce qui est de la voix quand on parle, ça va. Mais lorsque la voix devient chantée ou qu’il s’agit d’instruments de musique, les problèmes de saturation commencent. La compression automatique du son par les téléphones cellulaires et les ordinateurs supprime presque 50 % de l’information sonore. La lecture est déformée, ce qui rend la correction impossible. Il faut donc des microphones de qualité, autant pour le professeur que pour l’étudiant. Il faut aussi vérifier la vitesse de sa connexion à Internet, pour ne pas passer son temps à corriger inutilement les étudiants et étudiantes. Comme personne n’était correctement équipé, la faculté a recommandé l’utilisation de microphones et de casques d’écoute qui doivent rester ouverts, comme pour les ingénieurs du son, et qui permettent d’entendre autant le travail de l’étudiant ou de l’étudiante que notre propre jeu instrumental.

Croyez-vous que cet enseignement va durer?

Je viens de vivre une semaine de camp musical en ligne, avec des professeurs et des élèves de partout sur la planète. Ça s’est superbement bien passé, tellement que la direction du camp pense reprendre la formule, qui permet à la fois à l’organisation et aux personnes participantes d’économiser beaucoup. Les cours en ligne amènent aussi une plus grande flexibilité: les professeurs et professeures de musique, qui sont souvent en déplacement, peuvent garder le contact avec les étudiants et étudiantes, les suivre, faire de très bons correctifs. Mais on ne se cachera pas que le virtuel ne remplacera pas le présentiel. D’autant plus qu’il est impossible de jouer en groupe à distance.

Justement, qu’en est-il des cours de groupe?

La technologie n’est pas rendue là, les délais de latence, occasionnés par la surcharge du réseau ou la faiblesse de la connexion à Internet, rendent impossibles les prestations de groupe: quand vous voyez des groupes jouer dans des vidéos, ce sont en réalité des enregistrements individuels mis ensemble. Certains algorithmes sont en train d’être élaborés, qui viendront compenser les lenteurs des branchements Internet, en créant une latence très brève mais constante. On sait que le cerveau s’adapte si la latence reste toujours la même: un orgue mécanique, par exemple, peut avoir une demi-seconde de décalage, le temps que l’air se rende dans les tuyaux. Mais pour le moment, dans les cours de groupe, les étudiants et étudiantes jouent chacun à tour de rôle, les autres écoutent et prennent des notes. Ce n’est pas l’idéal, car fondamentalement on fait de la musique pour jouer en formation: on ne peut pas être toujours seul chez soi ou seul sur une scène.

Comment s’est passé le trimestre des étudiants et étudiantes en musique?

C’est un peu du cas par cas. Certains récitals étaient pratiquement prêts, il suffisait de tenir un «concert d’échauffement» et le récital final pour conclure l’évaluation. Mais le fait de ne pas pouvoir se produire devant le public a été une source de frustration pour les étudiants et étudiantes: certains ont d’ailleurs choisi de reporter leur récital à l’automne. Autre irritant: comme les bâtiments n’étaient pas accessibles, il n’a pas été possible de venir répéter sur le campus. Or, pour des instruments comme le piano, les percussions ou encore la contrebasse, il reste difficile de jouer dans son appartement. La faculté a finalement pu accommoder des étudiants et étudiantes tout en respectant les directives de la santé publique. Enfin, l’absence de cours en présentiel complique tout le travail correctif de la position de jeu: c’est particulièrement vrai au premier cycle, où nous intervenons pour rectifier la position de la main sur l’archet ou encore celle du corps au piano.

Comment envisagez-vous le trimestre d’automne?

Je commencerai une année sabbatique en septembre pour travailler sur des projets à l’Université et à l’Orchestre symphonique de Montréal. La plupart de mes projets doivent être remodelés parce que je devais aller à l’étranger… Je vais utiliser les moyens technologiques pour garder le contact. Je veux également prendre le temps de tester la technologie, comme le casque virtuel. C’est terrible, tout ce qui se passe, mais cela nous a permis de faire un bond dans l’usage de la technologie et d’être efficaces dans une foule de domaines. J’ai des amis psychiatres, médecins qui vont offrir de plus en plus de consultations en ligne. C’est la même chose pour la musique.

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