La formation des médecins en cybersanté comporte des lacunes
- Forum
Le 30 septembre 2020
- Mathieu-Robert Sauvé
Un résident en médecine familiale et chercheur de l’Université de Montréal fait l’état des lieux de la formation médicale en cybersanté.
La santé numérique ou cybersanté est au cœur du développement de la médecine d’aujourd’hui. Malheureusement, elle n’est pas suffisamment bien enseignée aux futurs cliniciens.
C’est ce que conclut une revue de 1733 articles parus sur le sujet depuis 2014 et dont une équipe dirigée par le Dr Jean-François Echelard, de l’Université de Montréal, a extrait les grandes lignes à partir des 25 recherches les plus significatives du corpus. «La santé numérique, c’est l’ensemble des technologies de l’information et de la communication et des applications électroniques qui font partie des outils à la disposition des médecins. Ce secteur est appelé à se développer énormément au cours des prochaines années. Nous constatons que les facultés de médecine ont du mal à suivre», explique en entrevue le résident en médecine familiale.
Il publie les résultats de son travail dans le JMIR Medical Education. L’article est cosigné par trois chercheurs de l’UdeM: François Méthot, la Dre Hue-Anh Nguyen et la Dre Marie-Pascale Pomey.
L’IA peu étudiée
Selon leur synthèse, les aspects les plus étudiés de la cybersanté sont la santé mobile, qui consiste en l’utilisation médicale des appareils intelligents et des applications mobiles, les ressources médicales en ligne, les dossiers de santé électroniques et la télésanté.
Parmi les grands absents figure l'intelligence artificielle appliquée à la santé. La photo d’un grain de beauté sur votre peau prise au moyen d'un téléphone portable peut permettre à votre médecin de savoir en quelques secondes s’il faut s’inquiéter. L’image sera comparée avec des millions d’autres stockées dans une base de données. On trouve aussi des appareils électroniques qui peuvent mesurer la glycémie d’un diabétique en temps réel ou surveiller le rythme cardiaque d’une personne à risque de malaise. «Nous assistons à des avancées majeures de ce côté. Des gens comme Yoshua Bengio s’intéressent beaucoup à ces questions. Hélas, ces sujets sont très peu abordés durant la formation des médecins.»
Autre exemple, les cliniciens ont vu leurs demandes de rencontres médicales à distance exploser depuis le début de la pandémie. Au téléphone ou par téléconférence, l’examen est beaucoup plus limité que lorsque le patient est devant son médecin. Une réalité qui n’est pas toujours étudiée dans les facultés de médecine.
Dans leurs conclusions, les auteurs recommandent que des études supplémentaires soient menées sur les obstacles à l’enseignement de la cybersanté et sur les facteurs d'amélioration possibles. Ils souhaitent également voir se préciser les compétences que les étudiants en médecine devraient acquérir en santé numérique et aimeraient que des études empiriques évaluent les effets d’une meilleure formation en la matière.
À leur avis, d’autres travaux devraient être entrepris sur chacun des aspects de la santé numérique, en particulier sur l'intelligence artificielle. «La formation en cybersanté est essentielle à la pratique médicale dans des environnements cliniques de plus en plus marqués par la technologie. La nécessité d'approches innovantes dans les soins de santé pendant la pandémie de COVID-19 souligne encore la pertinence de cette formation», écrivent-ils.