Normand Mousseau s’attaque à la gestion de la pandémie

  • Forum
  • Le 23 novembre 2020

  • Mathieu-Robert Sauvé
Pandémie, quand la raison tombe malade (Boréal, 2020)

Pandémie, quand la raison tombe malade (Boréal, 2020)

En 5 secondes

Dans son dernier livre, le physicien Normand Mousseau présente un point de vue critique sur la gestion de la pandémie au Québec.

Dans son plus récent livre intitulé Pandémie, quand la raison tombe malade (Boréal, 2020), Normand Mousseau, professeur au Département de physique de l’Université de Montréal, critique durement l’approche québécoise ayant consisté à «enfermer sa population à double tour pendant des mois, créant au passage la plus grande contraction économique de son histoire récente».

Le professeur Mousseau, qui est un expert reconnu des questions énergétiques, établit un lien entre la lutte contre le virus et celle contre le réchauffement planétaire. Il affirme dans ses conférences que la solution théorique au problème des changements climatiques est simple: fermer les alumineries, les pétrolières et les cimenteries; interdire les camions lourds sur les routes et réduire les déplacements en auto à un jour par semaine. D’un coup, nos cibles de réduction des gaz à effet de serre seraient atteintes, même dépassées. Seulement voilà, cette solution est inapplicable, car elle ne tient pas compte de la réalité sociale et humaine.

La gestion de la pandémie au Québec s’apparente selon lui à cette approche de type force brute. Il répond à nos questions à quelques jours de la sortie de son livre.

Pourquoi ce livre?

Parce que, comme scientifique, je crois que le gouvernement québécois a très mal géré la crise. Les partis d’opposition et les médias n’ont été que des courroies de transmission du pouvoir en place. Son approche fondée sur la répression a coûté cher aux plus démunis, alors que des pays comme la Suède, le Japon et la Corée du Sud ont eu plus de succès en adoptant des approches opposées, mais basées sur la reconnaissance qu’une société ne se limite pas à un virus. J’ai passé de nombreuses nuits blanches, durant les premières semaines du confinement, à réfléchir à ces questions. Le projet de livre s’est imposé. J’ai eu envie de présenter une analyse qui repose sur les faits en débordant du cadre étroit de la maladie.

N'avez-vous pas peur qu’on vous traite d’imposteur?

Je ne suis peut-être pas épidémiologiste, mais j’ai beaucoup travaillé, depuis 20 ans, sur les enjeux de gouvernance touchant aux interactions entre la science et la société. Comme physicien, je sais analyser des modèles théoriques et comprendre la science. Pour préparer ce livre, je me suis tourné, suivant ma démarche habituelle, vers des écrits publics, notamment des articles scientifiques, des essais, des discours, des journaux et des magazines, et j’ai étudié l’ensemble avec un regard critique fondé sur mes connaissances et sur mon expérience en science et en fonctionnement des organisations ainsi que sur des faits plus anecdotiques qui permettent d’estimer la plausibilité et la pertinence générale de l’information qui circule sur le sujet. Cela dit, mon objectif n’est pas de distribuer des blâmes, mais plutôt de contribuer à la réflexion.

Est-ce que les chercheurs ont bien répondu à l’urgence de la situation?

Je mentionne dans mon livre que la communauté scientifique s’est mobilisée rapidement et efficacement contre le coronavirus. Dès la fin janvier, la séquence génétique entière du virus était connue. Les projets de recherche ciblés ont été multipliés partout dans le monde à mesure que la pandémie progressait. Moi-même, en collaboration avec des équipes de l’Université de Montréal, de l’Institut Armand-Frappier, de l’Université McGill et de l’UQAM, et avec le soutien du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, je teste la capacité de diverses molécules d’origine naturelle à contrer le virus. Une piste parmi d’autres.

Est-ce que l’annonce de Pfizer, le 9 novembre, sur la commercialisation imminente d’un vaccin «efficace à 90 %» va changer la donne?

Vaccin ou pas, je crois qu’on doit se préparer à la prochaine crise sanitaire pour éviter de reproduire la réponse politique de 2020 au Québec et dans de nombreux autres pays. La COVID-19 n’est pas la seule maladie à menacer la santé humaine de nos jours. L’Organisation mondiale de la santé mentionnait, en 2016, que les maladies infectieuses avaient causé la mort de plus de 16 millions d’individus sur la planète, soit environ 12 % des 57 millions de décès cette année-là.

Je crois qu’une approche basée sur la raison aurait permis d’échapper aux effets désastreux du confinement, particulièrement chez les plus démunis. Des pays comme la Suède et la Corée du Sud ont gardé leurs écoles ouvertes et maintenu leurs services sociaux durant toute la pandémie. Ces mesures ont permis de prévenir beaucoup de dommages.

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